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Jouer avec son nom de marque, la fin d’un tabou ?

OPINION | Le 1er avril, journée des poissons rieurs, ou plutôt le 31 mars histoire de ne pas éveiller les soupçons, la marque Volkswagen annonce qu’elle change de nom et devient Voltswagen. Stupeur, effroi, applaudissements : la transformation électrique peut-elle remplacer le peuple ? Sur les réseaux sociaux, les amateurs de la marque et les professionnels de la communication sont en émoi. Heureusement, les plaisanteries les plus agréables ayant une fin, la malice est révélée le lendemain dans un soupir de soulagement collectif. Ce changement de nom était en fin de compte une amusante façon de rappeler l’engagement de la marque pour l’électrique.

 

Plus sérieuse est la « Renaulution », le plan stratégique du Groupe Renault initié par son directeur général Luca de Meo qui choisit de remanier le nom de la marque pour annoncer un nouveau cap aux médias et à ses équipes. Entre annonce éphémère et transformation de l’identité, la variation d’un nom constitue un événement en soi qui exprime une métamorphose profonde. Luca de Meo opte pour ce procédé à un moment décisif de la vie du groupe pour offrir un élan nouveau à la marque iconique. De plus, cette stratégie présente l’avantage d’être porteuse sur les réseaux sociaux : sur Twitter le #Renaulution est entièrement consacré à l’innovation du Groupe Renault grâce à un néologisme qui n’avait que très peu, voire aucune occurrence auparavant.

 

https://twitter.com/hello_wakam/status/1375359409715576835?s=20

 

Le détournement de noms est particulièrement visible dans le monde de la tech où les entreprises aiment à s’inventer des gentilés pour désigner les membres de leurs équipes : les wakamees travaillent chez l’assureur Wakam, les cheerzers chez Cheerz, un site d’impression photo, et mon préféré, les pitchounes de Pitchy, un logiciel de création et montage de vidéos en ligne. Ce procédé confère un sentiment de communauté, de cohésion, les employés de l’entreprise semblent en effet faire partie d’une seule et même famille, chaleureuse et bienveillante. La variation du nom représente ici une stratégie de communication qui sert la marque employeur, suggérant un cadre de travail agréable. 

 

 

Dans l’univers du luxe, il a longtemps été jugé marginal de modifier les marques. Si la maison Dior nommait ses parfums Diorissimo ou Diorama, elle représentait l’exception qui confirme la règle. Pour maintenir l’écart, la mise à distance et continuer de susciter l’admiration, les marques se faisaient intouchables et se devaient de préserver, protéger leur héritage, à commencer par leur nom et leur logotype. Aujourd’hui, certaines d’entre elles, souvent plus jeunes, jouent à se grimer. Avec autodérision, le créateur Jacquemus se transforme en Jacquemousse le temps d’une vidéo Instagram. Jean-Paul Gaultier s’en prend davantage à son logotype qu’il détourne de mille et une façons sur ses produits. Une manière de s’inscrire dans la tradition Pop Art en s’emparant des signes qui touchent à notre sphère culturelle. Jean-Paul Gaultier déforme sans cesse une même palette de signes : évidemment des symboles tels que le corset, qui raconte une féminité différente ou la marinière pour questionner une identité française représentent les leitmotivs les plus connus du créateur. La marque Jean-Paul Gaultier, son nom, son logo sont également désanctuarisés, rompant ainsi avec le plafond de verre qui séparait la marque de sa communauté.

 

La variation d’un nom permet aux entreprises de développer leur capital sympathie, de nouer un lien fort avec leurs publics. Dans un contexte où chacun demeure derrière son écran, une sensation de convivialité se détache, par la création de communauté, par l’humour ou la simple désacralisation d’une marque iconique. Cependant, à force d’altérations, les marques risquent la dilution, la fragilisation de leur identité dans un flot vaporeux de mots dont la signification se perd au fur et à mesure que le temps aura passé.

 

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