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Long-format | Les difficultés rencontrées par Boeing pourraient perturber les voyages cet été

BoeingLogo Boeing. | Source : Getty Images

BOEING | Les compagnies aériennes ayant reçu 40 % d’avions neufs en moins que prévu, il faut s’attendre à des tarifs plus élevés cet été et à un risque accru de retards et d’annulations.

Article de Jeremy Bogaisky pour Forbes US – traduit par Flora Lucas

 

Les compagnies aériennes américaines s’attendaient à un été dynamique. Cependant, les problèmes de Boeing et d’Airbus, qui retardent les livraisons de nouveaux avions, viennent noircir quelque peu le tableau.

Soumis à une forte pression fédérale et publique pour améliorer la qualité de ses avions, Boeing a ralenti la production de ses 737 Max. En mars, la société a déclaré avoir livré 24 de ses avions les plus vendus à des clients, soit une baisse de 53 % par rapport au même mois de l’année dernière. Au cours des deux premières semaines d’avril, Boeing n’en a livré que trois, selon la société d’analyse aéronautique Cirium.

Les difficultés de Boeing, combinées aux problèmes de chaîne d’approvisionnement de son rival Airbus et aux problèmes de durabilité des moteurs qui ont cloué les avions au sol pour des inspections, ont conduit les compagnies aériennes à réduire le nombre de vols pour la prochaine saison estivale et à ralentir l’embauche de pilotes. Cela pourrait se traduire par des tarifs plus élevés sur certains marchés et un risque accru de perturbations, les compagnies aériennes ayant davantage recours à des avions plus anciens, qui sont plus sujets aux défaillances mécaniques, selon les analystes.

« Les réservations sont faites maintenant, la demande de transport aérien arrive et les compagnies aériennes doivent trouver le moyen de faire plus avec moins », a déclaré à Forbes Helene Becker, analyste des compagnies aériennes chez TD Cowen.

Boeing s’efforce de répondre aux commandes des compagnies aériennes depuis des années, après que deux crashs meurtriers de 737 Max en 2018 et 2019 ont paralysé ses lignes d’assemblage. Puis, alors que la société a relancé la production en mai 2020, la pandémie a décimé la demande. Boeing prévoyait que 2024 serait l’année où son usine de 737 à Renton, dans l’État de Washington, fonctionnerait à nouveau correctement, avec un objectif de 38 avions par mois (avec une production maximale pouvant aller jusqu’à 47 avions). Ces projets sont partis en fumée depuis qu’un panneau s’est détaché d’un avion 737 Max relativement neuf de la compagnie Alaska Airlines en plein vol, en janvier. Aujourd’hui, Boeing fait l’objet de multiples enquêtes, l’administration fédérale de l’aviation plafonnant sa production à 38 avions par mois et postant davantage d’inspecteurs à l’usine. La société a déclaré qu’elle ralentissait volontairement la production afin d’améliorer la qualité de la fabrication.

Les compagnies aériennes américaines devraient recevoir 301 nouveaux avions cette année, soit 40 % de moins que le nombre qu’elles attendaient début 2023, selon les estimations de Martha Neubauer, associée principale chez AeroDynamic Advisory. Alors que Boeing est sous le feu des projecteurs, son rival Airbus représente 38 % des livraisons manquées cette année à l’échelle internationale, selon Martha Neubauer. Airbus a été confronté à des problèmes de chaîne d’approvisionnement, en particulier pour les moteurs, alors que la société essayait d’augmenter les taux de production pour répondre à la forte demande.

Justin Dubon, porte-parole d’Airbus, a écrit dans un courriel que le constructeur aéronautique a expliqué à ses clients que « la chaîne d’approvisionnement continuait d’être le facteur limitant et l’élément rythmant nos livraisons à court et à moyen terme ». Airbus prévoit de livrer 800 avions cette année.

Boeing a renvoyé Forbes aux propos tenus par son directeur financier, Brian West, le 20 mars, lors d’une conférence d’investisseurs : « En fin de compte, notre travail consiste à nous assurer que nous pouvons satisfaire la demande de nos clients d’une manière plus prévisible, plus fiable, tout en ayant à l’esprit la volonté de respecter une qualité absolue, et nous allons le faire un avion à la fois. »

 


PAS D’AVIONS, PAS DE PROFITS

Ces sept compagnies aériennes américaines devraient recevoir cette année de Boeing et d’Airbus 48 % d’avions en moins que ce qu’elles avaient prévu au début de l’année 2023.

Boeing
Source : AeroDynamic Advisory

 

Comment les compagnies aériennes gèrent les retards

L’une des compagnies les plus touchées est United Airlines, qui a mis en place des plans de croissance ambitieux sous la direction de Scott Kirby. Au début de l’année 2023, la compagnie s’attendait à recevoir 127 nouveaux avions en 2024, selon les documents financiers. Elle prévoit désormais d’en recevoir 66.

United Airlines supprime des vols en conséquence, réduisant sa capacité totale en sièges passagers pour le trimestre d’été de 4,3 % à partir de lundi 22 avril, par rapport à la date à laquelle elle a publié son programme complet, selon Helene Becker de TD Cowen et son collègue analyste Tom Fitzgerald.

United Airlines augmentera encore sa capacité de passagers de 5 % par rapport à l’été précédent, si l’on se réfère aux sièges au kilomètre offert. Cependant, il s’agit d’une croissance nettement inférieure à celle de l’année dernière, lorsque la capacité de la compagnie aérienne était supérieure de 15 % à celle de l’été 2022. La compagnie a également cessé d’embaucher de nouveaux pilotes et, au début du mois, leur a demandé de se porter volontaires pour un congé sans solde en mai, qui pourrait se prolonger durant l’été.

Pour faire face au coût et à la complexité de l’accumulation de nouveaux avions créés par les retards de livraison répétés de Boeing, le directeur financier Mike Leskinen a déclaré mercredi 17 avril, lors de la conférence téléphonique sur les résultats du premier trimestre de United Airlines, que la compagnie prévoyait d’étaler les futures livraisons à environ 100 par an entre 2025 et 2027. Cela lui permettra d’avoir un rythme plus régulier en matière d’embauche et de formation, ainsi que de dépenses d’investissement.

« Nous continuerons d’être confrontés à des difficultés concernant les plans de livraison de Boeing et d’Airbus », a déclaré Andrew Nocella, directeur général de United Airlines. « Mais nous espérons avoir mis en place les stratégies d’assurance appropriées. »

Les problèmes de United Airlines ne sont pas uniquement dus à Boeing. L’Administration fédérale de l’aviation (FAA) enquête sur la compagnie aérienne à la suite d’une récente série d’incidents de sécurité en vol. En conséquence, United Airlines a déclaré mettre en pause deux nouvelles liaisons internationales, dont la liaison Newark-Faro, au Portugal. L’enquête de la FAA retarde l’utilisation de trois nouveaux avions jusqu’au trimestre d’été.

Les problèmes liés aux moteurs fabriqués par Pratt & Whitney, l’un des fournisseurs d’Airbus, réduisent également le nombre d’avions mis à la disposition des compagnies aériennes cet été. Des compagnies aériennes comme Hawaiian Airlines, Spirit Airlines et JetBlue Airlines retirent un à un les avions Airbus du service pour procéder à de longues inspections des moteurs. Spirit Airlines et JetBlue Airlines restructurent également leurs réseaux après que leur projet de fusion a été bloqué pour des raisons liées aux pratiques anticoncurrentielles.

Southwest Airlines, qui n’utilise que des Boeing, s’attend à ce que le constructeur en difficulté livre une vingtaine d’avions cette année, selon Reuters, alors que la compagnie en attendait 86 début 2023. Ce total incluait 45 exemplaires du 737 Max 7, la plus petite version de l’avion dont la certification a pris plus de temps que prévu en raison des nouveaux tests exigés par le Congrès américain à la suite des accidents survenus plus tôt cette année. L’incident rencontré par Aaska Airlines a entraîné de nouveaux retards en raison d’un problème lié au système d’antigivrage des moteurs découvert sur les modèles 737 Max actuels. Ces mêmes problèmes ont également retardé la certification du 737 Max 10, la plus grande version du modèle Max, ce qui a conduit l’un de ses principaux clients, United Airlines, à renoncer à acquérir l’avion à court terme et à s’aligner sur les avions Airbus à louer à partir de 2025.

Jusqu’à présent, Southwest Airlines a réduit sa capacité estivale de 1,4 % depuis la publication de son programme, ce qui représente tout de même une augmentation de 4 % par rapport à l’été précédent. La compagnie a également déclaré le mois dernier qu’elle réduirait de moitié ses embauches de pilotes cette année et de 60 % ses embauches d’hôtesses et de stewards en raison des retards de livraison de Boeing.

Un porte-parole de Southwest Airlines a déclaré que la compagnie ne pouvait pas faire de commentaires durant la période de silence qui précède la publication de ses résultats trimestriels cette semaine.

La compagnie aérienne Alaska Airlines, dont le directeur financier, Shane Tackett, a déclaré lors de la présentation des résultats trimestriels, jeudi 18 avril, que la compagnie pourrait obtenir « entre 10 et 20 » avions Boeing cette année, s’est également retirée. Elle en attendait 26 à partir de janvier 2023. Alaska Airlines a réduit sa capacité estivale de 6,7 %. Dans un contexte d’incertitude quant à la date à laquelle Boeing retrouvera un rythme de production stable et certifiera le 737 Max 10, dont Alaska Airlines a commandé 45 exemplaires, la compagnie aérienne pourrait décider de prendre moins d’avions : « Ce sera probablement moins que ce que nous avions envisagé il y a un an. »

Dans un courriel, un porte-parole d’Alaska Airlines a déclaré à Forbes : « Nous sommes confiants dans notre capacité à exploiter notre programme de manière fiable pour permettre à nos clients de partie en vacances et de réaliser leurs projets d’été. »

Les horaires des compagnies aériennes pour le mois d’août sont restés relativement inchangés jusqu’à présent, ce qui laisse présager de nouvelles réductions, a déclaré un porte-parole de Cirium.

Selon les experts, la réduction de la capacité est plus probable dans les endroits où il y a plusieurs vols par jour et dans les villes secondaires plutôt que dans les grands centres. Par exemple, à Orlando (Floride), haut lieu des vacances, United Airlines a supprimé près d’un tiers des vols prévus au départ de l’aéroport national Reagan de Washington en juillet, ce qui laisse une moyenne de neuf vols par jour, d’après les données de Cirium.

 

La solution : des avions plus anciens ?

Dans certains cas, les retards de livraison d’avions conduisent à maintenir plus longtemps en service des avions plus anciens, en particulier les gros porteurs utilisés pour les vols internationaux, où la demande a été particulièrement forte, selon les analystes.

Par exemple, parce que Boeing a eu du mal à reprendre le rythme des livraisons du 787 après que les régulateurs fédéraux ont arrêté la production pendant un an entre 2021 et 2022, United Airlines a continué à faire voler ses 767-300 vieillissants à l’étranger.

Southwest Airlines prévoit désormais de faire voler plus d’une douzaine de 737 qu’elle avait prévu de retirer du service cette année, ce qui nécessitera des millions de dollars supplémentaires en dépenses de maintenance.

Les avions plus anciens ont tendance à tomber en panne plus régulièrement. Si l’on ajoute à cela le nombre réduit de nouveaux avions, les risques de perturbation des vols cet été augmentent, d’autant plus que les compagnies aériennes ne gardent pas beaucoup d’avions de rechange en réserve en cas de problème, souligne Henry Harteveldt d’Atmosphere Research.

Pour certaines compagnies aériennes, l’assouplissement forcé des plans de croissance sur le marché intérieur constitue un répit opérationnel bienvenu après avoir accéléré le service à la suite du quasi-gel des voyages au plus fort de la pandémie en 2020, a déclaré Geoff Murray, pilote commercial et consultant de longue date pour Oliver Wyman, qui a pris sa retraite le mois dernier. La croissance des rendements des vols intérieurs (le montant des recettes par passager-mille transporté) a été inférieure à celle des vols internationaux, a-t-il fait remarquer.

« Je pense que les compagnies low cost et ultra low cost axées sur les vols intérieurs sont en train de dire discrètement, et certainement pas dans le domaine public, “Hé, c’est l’occasion pour nous de rattraper notre retard” », a déclaré Geoff Murray. Il y a un autre point positif pour les compagnies aériennes : un calendrier plus serré devrait se traduire par des avions plus remplis et des bénéfices plus élevés. « Ce n’est pas une mauvaise chose, car cela leur permet de dégager de meilleures marges », a déclaré Helene Becker.

Le ralentissement de l’embauche de pilotes par les grands transporteurs offre une autre lueur d’espoir, selon Geoff Murray. Il devrait permettre aux compagnies aériennes régionales, que les grandes compagnies mieux rémunérées avaient pillées pour trouver des talents lors de la reprise des voyages après la pandémie, de se réapprovisionner en personnel et de rétablir la desserte de certaines des villes secondaires qu’elles ont été forcées d’abandonner au cours des dernières années.

De nombreux facteurs entrent en ligne de compte pour déterminer si votre vol sera perturbé pendant la saison estivale, qui est très chargée. Le plus important est la météo : les orages peuvent faire des ravages sur les horaires. Cet été, Henry Harteveldt a déclaré que les conflits sociaux pourraient constituer un risque, United Airlines et American Airlines étant en cours de négociation avec leurs hôtesses et stewards.

Cependant, il y a au moins une chose qui pourrait aider les plannings à se dérouler plus facilement. Les compagnies aériennes qui ont licencié des milliers de travailleurs pendant la période de ralentissement des voyages due à la pandémie ont recruté un grand nombre de nouveaux employés en 2021 et 2022. Ces agents d’embarquement, bagagistes et autres travailleurs sont maintenant plus compétents dans leur travail, ce qui améliore l’efficacité, note Helene Becker.

 


À lire également : Stephanie Pope, au cœur des efforts pour résoudre les problèmes du 737 MAX de Boeing

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