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Morad Attik (cofondateur d’Evolukid) : « Nous devons préparer les jeunes aux métiers numériques de demain tout en garantissant l’inclusion »

EvolukidMorad Attik, cofondateur d’Evolukid. ©️Rafet BELLALOUNA

Lorsque Morad Attik décide de quitter le monde de l’enseignement pour celui de l’entrepreneuriat, il a une chose en tête : former aux métiers numériques de demain. L’ancien professeur de mathématiques, accompagné de son frère ingénieur Rabah, a créé en 2016 Evolukid pour proposer – en présentiel et en ligne – des ateliers de programmation, de robotique et de découverte de l’intelligence artificielle.


 

Comment vous est venue l’idée du projet ? Qu’est-ce qui a déclenché chez vous l’envie d’entreprendre ?

Morad Attik : Nous sommes bien loin du storytelling de l’entrepreneur qui trouve une solution à un problème en mode “eureka !”. Depuis tout petit, mon frère est passionné par la science et l’ingénierie. De mon côté, je me suis trouvé une vocation dans l’enseignement et je suis devenu professeur de mathématiques. Nous nous sommes donc tous les deux demandés comment mettre nos expertises à contribution de la jeunesse ?

Le déclic a été de constater que la transition digitale s’opère très vite et devient un secteur d’avenir pour les jeunes. 80% des métiers qui apparaîtront en 2030 n’existent pas encore et seront notamment liés au développement de l’intelligence artificielle. Nous devons donc former ces jeunes et les préparer aux métiers numériques de demain, tout en garantissant l’inclusion.

 

Votre mission ne concerne d’ailleurs pas seulement la jeunesse…

M. A. : Oui, l’objectif au sens large est de vulgariser la technologie pour rassurer. Notre projet est de monter en compétences les populations qui ne sont pas familières avec le numérique. Ce travail d’acculturation et de démystification de la technologie permet de mieux la maîtriser et d’en avoir moins peur. Cela passe par des cours sur le fonctionnement des algorithmes, du code mais aussi par des ateliers de robotique. 

Au début du projet en 2016, nous nous adressions aux communes franciliennes puis aux entreprises. Des grands groupes ont souhaité nos formations comme la Maif, Société Générale, BNP Paribas, TF1 ou encore l’Oréal. Dans le secteur éducatif, nous étions trois start-up en France à faire apprendre le code dès le plus jeune âge. Mais notre différenciation par rapport à nos concurrents était de couvrir des quartiers où ils n’étaient pas présents. Des quartiers prioritaires dans des villes comme à Meaux , Mantes la Jolie ou Clichy-sous-bois.

Nous allons dans ces quartiers sans à priori et nous pensons profondément que l’inclusion doit être primordiale, que cela soit en matière de diversité ou de parité.

 

Nous voulons aussi développer notre plateforme d’e-learning et je dois préciser que le but de notre levée de fonds n’est pas uniquement d’augmenter notre rentabilité sur les cours en ligne. Nous souhaitons nous implanter dans les territoires à l’aide d’antennes locales

 

Est-ce votre première expérience entrepreneuriale ? Avez-vous bénéficié d’un accompagnement spécifique pour vous lancer ?

M. A. : Non, c’est notre deuxième entreprise. La première étant Scolarius, une entreprise de coaching scolaire destinée à rendre accessibles les cours en ligne pour les quartiers populaires.

Pour Evolukid, nous avons bénéficié de l’accompagnement de l’incubateur So Digital et nous avons été lauréat du concours “Révélateurs de talents” de l’association Créo, qui récompense les meilleurs projets entrepreneuriaux dans les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et le Val-d’Oise. Nous bénéficions aussi de l’aide de Bpifrance et nous avons participé à leur tournée Entrepreneuriat Pour Tous l’année dernière dans le but de sillonner la France pour célébrer des succès entrepreneuriaux.

Les partenariats avec le privé ont aussi beaucoup aidé comme dans le cadre du programme MAIF Numérique Tour qui consistait encore une fois à parcourir le territoire français pour animer des ateliers de coding. Nous pouvons citer aussi les ateliers IT4Girls de la Société Générale ou encore la création avec Texas Instruments de parcours pédagogiques pour apprendre à coder avec sa calculatrice.

 

 

Quelle est la suite ? Des projets à nous annoncer ?

M. A. : Nous préparons une levée de fonds d’ici 2022 pour passer à l’échelle de l’Hexagone. Le problème avec notre mission exclusivement centrée sur Paris, c’est qu’elle occulte tous les besoins en région. Nous voulons y aller et beaucoup de villes comme Lyon, Lille et Marseille nous demandent de proposer notre accompagnement dans leurs quartiers populaires.

Nous voulons aussi développer notre plateforme d’e-learning et je dois préciser que le but de notre levée de fonds n’est pas uniquement d’augmenter notre rentabilité sur les cours en ligne. Nous souhaitons nous implanter dans les territoires à l’aide d’antennes locales.

 

Au-delà de l’entrepreneuriat, nous formons surtout nos jeunes aux soft skills. Vous pouvez  devenir le meilleur développeur du monde, mais si vous ne savez pas communiquer ou travailler en équipe, cela ne servira à rien sur le marché de l’emploi

 

Votre but est-il de remplacer les cours traditionnels de “techno” dans les écoles ?

M. A. : Nous venons compléter ces cours, pas les remplacer. Et les professeurs de technologie ont d’ailleurs déjà accès à des imprimantes 3D ou des robots pour enseigner. Pour les écoles avec moins d’argent, nous proposons de venir avec toute notre flotte d’ordinateurs et d’imprimantes 3D. Mais l’objectif reste bien de venir compléter les cours existants ; c’est d’ailleurs le cas en ce moment avec des professeurs de mathématiques et de techno dans le collège du Val Fourré à Mantes-la-Jolie.

Dans cette même perspective, nous proposons deux publications chez Hachette Éducation pour apprendre à coder en Python. Beaucoup de professeurs ont acheté nos livres ou visionné nos webinaires pour former leurs élèves. À mon époque, les cours de code n’étaient proposés qu’à partir de la fac. Aujourd’hui c’est une révolution : le code est appris dès la fin de la primaire et les collégiens peuvent avoir une épreuve algorithmique à leur brevet. Cela montre que le numérique va devenir une part importante du monde de demain et il faut préparer ces jeunes, y compris ceux des quartiers populaires.

Pour mieux former nos enfants au numérique, il faut dépasser les murs de l’école. Il faut rendre l’accès au code plus égalitaire et arrêter de prendre le problème par le bas. Autrement dit, changer nos a priori sur le potentiel des talents qui font partie d’écosystèmes défavorisés. C’est tout l’intérêt de notre projet “Kesk’Ia” pour les geeks des banlieues, qu’il serait dommage de laisser à l’abandon. Je suis convaincu que tout le monde va se disputer ces talents plus tard.

Au-delà de la formation à l’IA, l’objectif est bien d’identifier les jeunes les plus talentueux et motivés pour les aider dans leurs études et les valoriser auprès de recruteurs. Je veux former des talents d’excellence, ceux qui sont les plus passionnés – à l’image de mon frère qui manipulait des robots dès son plus jeune âge.

 

 

Qui fait partie d’Evolukid aujourd’hui et qui peut vous rejoindre ?

M. A. : Nous comptons aujourd’hui cinq salariés et cinq alternants. Nous avons aussi à disposition  une trentaine d’intervenants en externe pour les formations, des experts data et IA mais aussi des animateurs en robotique pour les centres aérés.

Il y a deux critères principaux pour le recrutement des intervenants : ils doivent être des experts en technique mais aussi en animation. Ce sont des personnes capables d’allier astucieusement les deux. Nous nous adressons à des publics pour qui le capital confiance est très important donc la personne qui est meilleure en relationnel va passer en premier de la liste. 

 

 

Est-ce que vous sensibilisez aussi votre jeune public à l’entrepreneuriat ?

M. A. : Au-delà de l’entrepreneuriat, nous formons surtout nos jeunes aux soft skills. Vous pouvez  devenir le meilleur développeur du monde, mais si vous ne savez pas communiquer ou travailler en équipe, cela ne servira à rien sur le marché de l’emploi. Lors de nos missions, nous demandons par exemple aux jeunes en fin de projet un rendu à présenter en public, un projet formalisé qu’ils mettent en valeur et les valorise par la même occasion.

 

 

Est-il vrai d’affirmer que les jeunes sont naturellement geeks ?

M. A. : Les jeunes d’aujourd’hui ont plus de facilités à manipuler la technologie mais il ne faut pas croire non plus qu’ils baignent dedans et qu’ils sont tous des fins connaisseurs. Ils savent peut-être tous utiliser la réalité augmentée sur Snapchat mais ils ne savent pas généralement comment elle fonctionne. Notre mission est de les aider à comprendre les mécanismes en jeu et voir ce qu’ils pourraient faire de ces technologies. 

Nous créons beaucoup de contenus en ligne et Evolukid a vocation à devenir une sorte d’Openclassroom pour les néophytes du numérique. L’idée est de proposer un abonnement pour accéder à du contenu pédagogique. Les professeurs et les animateurs peuvent s’approprier ces outils pédagogiques clés en main. 

 

 

Êtes-vous plutôt favorable à l’enseignement à distance ou en présentiel ?

M. A. : Il n’y a pas de tout noir ou de tout blanc, il faut toujours nuancer. Je ne crois pas qu’il faille tout basculer en ligne car l’interaction humaine est importante. Mais il est possible d’évoluer vers une hybridation des pratiques pour en tirer le meilleur des deux mondes. Il faut donc expérimenter davantage et interroger les principales cibles concernées : les élèves et les étudiants.

 

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