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À Paris, L’Intelligence Artificielle Vaut Bien Une Messe

La nuit de l’Intelligence Artificielle #AINight a des airs de grand-messe pour sa première édition le 8 février 2018 au Palais de Tokyo. Vincent Luciani, PDG d’Artefact France, l’agence de data qui co-organisait l’événement, ouvre la soirée par un ironique « chers êtres humains, chers robots ». Et de poursuivre devant un parterre de futurs « chiefs AI officers » en évoquant les enjeux majeurs autour de l’intelligence artificielle : organisation, recrutement, formation et transparence.

Qu’est-ce que l’intelligence ? « C’est ce qui permet de conquérir le pouvoir », dixit Laurent Alexandre, gourou en chef de la soirée et auteur du livre « La Guerre des Intelligences » (JC Lattès, 2017). Celui qui jouait hier les Cassandre de l’IA s’amuse désormais à surprendre. « Les mauvaises langues prétendant que quand je fais un keynote on multiplie par cinq les ventes de Prozac dans un rayon de trois kilomètres, jai décidé d’être plus positif » commence-t-il. « Au niveau de l’Etat, on commence à comprendre qu’il faut créer un écosystème. » C’est justement la mission de France is AI, l’autre organisateur de la nuit de l’IA. Seul point de désaccord entre le fondateur de Doctissimo et le député Cédric Villani, qui prépare un rapport stratégique pour le gouvernement sur l’intelligence artificielle, le budget. Quand le ministère de l’économie prévoit 50 millions d’euros pour l’IA, Cédric Villani annonce qu’il faudra 30 milliards au niveau de l’Union Européenne. Le docteur Alexandre prescrit de son côté 200 à 300 milliards. C’est une question de temps long, il faut des milliers et des milliers de boîtes pour créer des champions.

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« Le prochain Google ne sera pas européen mais le prochain SAP pourrait l’être » explique Jean David Chamboredon de France Digitale. Si la bataille des données B2C est perdue face aux GAFA et BATX, il reste des niches dans l’énergie, la sécurité et la santé pour créer de nouveaux services.

La recette des champions de demain

Parmi ces potentiels champions tricolores, Bruno Maisonnier, fondateur d’Aldebarran, va un cran plus loin. « Quand nous avons commencé l’aventure, qui a donné les robots Nao et Paper, nos concurrents s’appelaient Sony, Microsoft et Google » explique celui qui a créé un champion mondial revendu à SoftBank. « Aujourd’hui chaque investissement dans le deep learning et les bases de données va se faire au profit des géants américains et chinois ». C’est pourquoi il faut se focaliser sur la génération d’après, la troisième vague de l’intelligence artificielle qu’il explore avec sa start-up AnotherBrain, spécialisée sur les circuits intégrés du futur. L’un de ses facteurs clés de réussite réside dans une équipe de gens humbles, avec des valeurs fortes et profondes.

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Les valeurs et la vision de l’IA sont d’ailleurs au cœur de la philosophie du gouvernement, présentée par le secrétaire d’État chargé du numérique Mounir Mahjoubi. La vision européenne prend en compte la performance et l’impact de l’intelligence artificielle. Pour développer une culture de l’intelligence artificielle sur le vieux continent, une pédagogie du numérique va être mise en œuvre à la fois pour les enfants et pour les personnes qui en sont éloignées – le fameux concept d’« inclusion ».

Les lois européennes

Au cours des conférences de cette nuit de l’IA, la question de l’éthique est apparue en toile de fond, grâce à l’intervention de Christophe Muffat, fondateur de Dathena. La cybersécurité est abordée, à la veille de l’entrée en vigueur du Règlement Européen sur la Protection des Données (RGPD). Nombreuses sont les voix qui appellent à ne pas trop brider l’accès aux datas. Les données de la sécurité sociale représentent l’une des plus grandes et des plus complètes bases de données au monde, mais ces dernières restent sanctuarisées. Certains travaillent néanmoins dessus, mais les résultats restent confidentiels. David Giblas, CDO de Malakoff Médéric, propose de déclarer d’intérêt général des cas d’usage développés sur des problématiques de prévention ou d’observance. Un RGPD trop restrictif peut freiner l’expansion de bien des start-up.

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L’exemple de Cardiologs, qui améliore la prise en charge des patients victimes de maladies cardiovasculaires, est éclairant. La start-up a eu accès au savoir et à des financements (près de 10 millions d’euros levés à ce jour). Mais pour travailler sur les bases de données, essentielles à son développement, Yann Fleureau et ses équipes font acheter des datas dans des cliniques du monde entier. « Il faut aujourd’hui un accès large à la data des patients, la bataille se joue aujourd’hui aux Etats-Unis où les start-up s’attaquent à un marché qui n’est pas optimisé » explique-t-il, « pour maintenir notre avance nous devons aller sur leur terrain avant qu’ils viennent nous concurrencer en Europe. »

Une communauté dynamique

Symbole de cette France en avance sur l’intelligence artificielle, EasyMile est l’une des deux sociétés au monde (avec son concurrent français Navia) à vendre aujourd’hui des véhicules autonomes prêts à l’emploi, sans volant ni pédale. Pejvan Beigui, le CTO, se félicite d’ailleurs d’en commercialiser en Californie. « Ma vision à terme est celle d’une autonomie totale et parfaite sur de petites distances, comme si Waze prenait le contrôle en toute sécurité, sans que les passagers ne regardent le volant » explique-t-il. Là encore l’écosystème, avec un équipementier comme Valeo et un opérateur comme RATP, prouve la dynamique de la France en la matière. « Il suffit d’aller à la station Château de Vincennes le week-end pour tester la navette autonome d’EasyMile et visiter le bois » se réjouit Mathieu Dunant, directeur de l’innovation chez RATP.

Au-delà de l’autocélébration, l’ensemble de la communauté de l’intelligence artificielle française se structure. Le Paris Machine Learning Application group est ainsi le troisième par la taille au niveau mondial sur Meetup, avec plus de 6600 membres. Côté diversité, l’association Women in AI de Moojan Ashgari veut désormais porter la parole de la tech dans les écoles, notamment à destination des lycéennes. La culture de l’IA ne vient pas que de la tête mais aussi de la base. Autant de raisons d’espérer sur ce sujet qui demeure avant tout humain.

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