OPINION | Les valeurs d’une entreprise sont profondément ancrées dans sa culture. Elles fédèrent les collaborateurs et les mettent en mouvement, dans un monde lui-même en perpétuelle évolution. Pour le collectif, c’est l’ADN, le code source à partir duquel se développer. Pour l’individu, c’est la boussole qui le guide dans la tempête. La force de conviction qui l’empêche de décrocher en phase d’accélération. Mais que se passe-t-il quand, sur fond de crise sanitaire, la tourmente prend soudain des allures de catastrophe généralisée ? Plus que jamais malmenées, les valeurs d’entreprise vont–elles être balayées ? Parviendront-elles, au contraire, à se réinitialiser dans le contexte du monde d’après ? La question, pour passionnante qu’elle est, se révèle surtout cruciale.
Par Melchior du Boullay, Directeur général de Club Freelance & Mindquest
“Culture eats strategy for breakfast”
Cela n’aura échappé à personne : les jeunes générations se montrent de plus en plus sensibles aux valeurs véhiculées par leur employeur. Résultat : la culture d’entreprise représente aujourd’hui un vrai point de différenciation et un fort levier d’attractivité. Comme l’a écrit Peter Drucker, éminent théoricien et consultant en management d’entreprise : Culture eats strategy for breakfast, que l’on peut traduire par : la culture mange la stratégie au petit déjeuner. Cela ne signifie nullement que la stratégie joue un rôle mineur dans le développement et la réussite, mais plutôt que seule une culture d’entreprise forte, forgée sur des valeurs qui le sont tout autant, saura mobiliser et fédérer l’ensemble des collaborateurs pour les mener durablement sur la route du succès. Par ailleurs, il y a ce que l’on dit et ce que l’on fait, et il faut donc toujours veiller à la bonne adéquation entre valeurs et stratégie. La culture d’entreprise ne peut exister que si le dirigeant est en phase avec elle et l’incarne au quotidien dans ses actions. Ainsi, on ne peut plus s’ériger en défenseur de l’écologie et nouer des partenariats douteux avec des entreprises polluantes. La donne a changé ! Les entreprises sont maintenant confrontées à l’impérieuse nécessité de faire évoluer leur culture en tenant compte des évolutions de la société. C’est bien beau de revendiquer soudain une valeur dans l’air du temps, bien perçue en interne, mais encore faut-il l’appliquer de manière concrète, faute de quoi vos collaborateurs ne se sentiront ni concernés, ni impliqués.
Les valeurs, c’est du concret
Les valeurs d’une entreprise n’ont rien d’abstrait. Elles se construisent en fonction de son activité, de sa taille ou encore de la sociologie de ses salariés. Elles recouvrent chaque fois une manière d’être et d’agir, des comportements et des rites, des règles et des process. Je crois profondément qu’une stratégie qui dévierait soudainement de son axe, sans s’appuyer sur la réalité de ses valeurs, serait condamnée à l’échec. En cas de développement accéléré, de crise ou de pivot, la culture de l’entreprise doit évidemment s’adapter, mais en aucun cas se renier. Pour cela, il faut commencer par écouter ce que les collaborateurs ont à dire. Les valeurs, contrairement à la stratégie, ne viennent pas d’en haut mais bien du socle. Elles sont un ciment, un gage de solidité et font de la culture une sorte d’autorité supérieure. Il n’est ainsi pas rare d’entendre des collaborateurs s’y référer facilement, voire avec déferrement, comme si invoquer la culture était une réponse à tout : « nous faisons comme ça, car c’est dans notre culture ». Et ce n’est pas pour rien si l’efficacité opérationnelle d’une entreprise repose en grande partie sur la communication interne. Il faut sans cesse rappeler les valeurs que l’on entend partager et faire témoigner sans relâche ceux qui les mettent chaque jour en œuvre. Et, c’est d’autant plus vrai en situation de crise. Une valeur ce n’est pas juste un mot, lancé à la volée. Ce qui importe en premier lieu, c’est la manière dont chacun va se l’approprier, pour l’incarner et la faire vivre dans son travail.
Puiser dans ses valeurs pour réenchanter l’avenir
Une entreprise qui traverse une crise majeure rebondira toujours grâce à l’implication de ses collaborateurs. Il suffit de regarder ce qui se passe depuis le début de cette pandémie. La culture d’entreprise a joué un rôle déterminant dans la capacité de chacun à s’adapter. Confrontés à une situation inédite, les individus ont su réinitialiser leurs valeurs. Prenons l’exemple de l’autonomie. Aujourd’hui comme hier, le mot demeure le même, mais la réalité qu’il recouvre a totalement changé. Il y a encore deux ans, être autonome, cela voulait dire être libre d’agir dans son périmètre de compétences, sans avoir à en référer au quotidien à son manager. Avec la Covid et la montée en puissance du télétravail, la notion s’est élargie. Beaucoup, désormais, gèrent tout par eux-mêmes : leur emploi du temps comme leur organisation de travail. Demain, chacun devra tirer les leçons de cette période. C’est le principal challenge qui attend les entreprises si elles veulent réenchanter l’avenir : comment faire évoluer ses valeurs sans désengager ses troupes et, surtout, comment capitaliser sur les acquis de la crise sanitaire ? Elles vont devoir tout remettre à plat : interroger leurs valeurs, créer des groupes de travail, faire remonter le ressenti, le vécu et les envies de chacun. Il devient urgent d’identifier les différences entre le monde d’avant et le monde d’après, afin de redéfinir les bons process et les plans d’actions les plus efficients. Vaste et beau programme !
Une tribune de Melchior du Boullay, Directeur général de Club Freelance & Mindquest
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