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La campagne, mot à mot | De qui « régalien » est-il le nom ?

Emmanuel Macron

A moins de 50 jours du premier tour, les candidats affûtent leur couteau, empoignent leur fourchette, car leurs appétits voraces se déchaînent. Bien décidés à nous régaler, ils ont posé sur la table le sujet le plus alléchant de la campagne : le régalien.

 


 

Le régalien est partout, mais que désigne-t-il exactement ? Les sujets qui participent de la préservation de la souveraineté de l’Etat, à savoir la diplomatie, la défense des territoires, la sécurité intérieure, la justice, la souveraineté monétaire et budgétaire. Si, en France, ils sont désormais attribués à différents ministères, historiquement, ils relevaient de l’autorité du roi ; les autres sujets étant traités par ses ministres et conseillers.

Pointer le régalien, c’est donc centrer le débat sur les thématiques considérées comme essentielles et critiquer l’exécutif sur le cœur de sa politique. C’est aussi le déplacer vers les thèmes de prédilection de la droite et de l’extrême-droite comme la sécurité ou l’immigration.

Grâce à l’histoire du mot, mais également à son étymologie, regalis signifiant « royal », l’adjectif régalien ravive en nous la sourde nostalgie de la monarchie française et de sa gloire passée. Violons, mouchoirs, 7e symphonie de Beethoven, il s’inscrit dans un attirail de communication bien rôdé que certains candidats aiment à dégainer pour mieux jouer sur la corde sensible de notre ego patriote…  Le camp national, voire nationaliste, se plaît à employer « régalien » et cherche à lui rendre ses lettres de noblesse. Jusque-là conçu comme un adjectif – on parle de ministères, de pouvoirs, de droits régaliens – on observe depuis quelques années un glissement grammatical. En effet, les politiques utilisent de plus en plus « le régalien » comme un nom commun, et donc un concept en soi, qui mérite d’être pensé dans son unité propre. Même si officiellement, les dictionnaires ne reconnaissent que l’adjectif.

 


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Place aux devinettes. Pour ses opposants, attaquer Emmanuel Macron sur le régalien, c’est un peu trouver le comble de Jupiter. Par la réhabilitation du régalien, ils ne se refusent pas le petit plaisir d’atteindre le président sortant, auquel on a beaucoup reproché de mépriser les institutions de la Vème République, autant par son comportement que sur le fond.

Et la gauche dans tout ça ? Elle peine à incarner des thématiques longtemps abandonnées au camp adverse, car il faut dire que depuis 1792, l’éducation, l’environnement ou encore le pouvoir d’achat ont détrôné le régalien dans ses programmes. Mais le mot ne désigne pas seulement une sélection de thèmes prioritaires, il porte en lui cette capacité à gouverner, à assumer les charges du pouvoir. Par conséquent, quand la gauche manque de crédibilité sur le « régalien », c’est tout le sérieux de sa candidature qui est remis en cause.

 

Par Nina Derai, consultante en création de noms

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