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Faut-Il Récompenser Les Entreprises Qui Embauchent Des Jeunes ?

La crise du covid-19  creuse encore un peu plus le fossé social qui fracture notre nation. L’accès à l’emploi est ainsi un enjeu clé de la réduction de cette fracture sociale. Des mesures sont prises par le gouvernement pour y faire face, et l’une d’entre elles concerne la possibilité de subventionner les entreprises prêtes à embaucher des jeunes. S’agit-il là d’une bonne mesure ?
 

Une incentive à embaucher des jeunes qui constitue une réponse pratique avant tout

Alors que le chômage de masse menace d’exploser (davantage), il est critique pour le gouvernement d’assurer autant que possible le maintien des emplois existants, mais également d’inciter la création de nouveaux emplois. De très nombreuses mesures ont vu le jour au fil des années dans cet objectif, et la crise actuelle voit apparaître l’ébauche d’une prochaine mesure concernant l’emploi des jeunes.
 
Concrètement, le gouvernement envisage de subventionner les entreprises prêtes à embaucher des jeunes en CDI. Les contours du dispositif restent encore à préciser à ce stade, néanmoins de nombreuses questions émergent d’ores et déjà. Beaucoup critiquent ci et là la volonté de promouvoir l’emploi des jeunes plutôt que celui des seniors ou des autres populations entrées dans le système depuis plusieurs années. D’autres encore dénoncent le fait de récompenser des entreprises pour des embauches, expliquant qu’une telle aide ne change qu’à la marge les décisions d’embaucher, et favorisent donc les entreprises qui avaient prévu d’embaucher de toute manière.
 
En effet, sur le principe, la mesure est largement discutable, et la suite de l’article s’y attache notamment. En revanche, si on porte un regard un peu plus attentif à la population spécifique des jeunes de moins de 25 ans, on se rend compte qu’ils ne disposent pas de filet de sécurité, hormis les ressources familiales, et n’ont souvent pas eu la chance de faire leurs preuves pour construire une réelle employabilité. Embaucher ou non ces jeunes maintenant fait une grande différence.
Ces quelques mois représentent en fait potentiellement un moment charnière dans la vie d’un jeune cherchant à s’intégrer dans la vie active. D’une part, de nombreuses familles ne sont pas en mesure de pourvoir aux besoins de leurs enfants ad vitam, et notamment lorsque ces besoins deviennent des besoins d’adulte.
Si on regarde en particulier la population des étudiants et jeunes diplômés, la plupart sont éloignés du domicile familial, souvent dans des zones actives qui leur assureront de meilleures chances d’accéder à un emploi. Quelques mois sans revenus impliquent souvent une incapacité à payer le loyer et les charges du quotidien, et peuvent sonner un retour nécessaire à la maison, lorsqu’il y a une maison. Donc, au delà des aides financières temporaires accordées aux étudiants et aux jeunes précaires, et des aides disparues comme l’ARPE, l’enjeu de leur accès à l’emploi est clé, et toute mesure facilitant cet accès à l’emploi est donc la bienvenue.
 
C’est maintenant qu’il faut agir, nous avons bien le temps des critiques du passé et des améliorations du futur.
 
Depuis mi-mars, près de 70% des entreprises françaises ont tout simplement gelé leurs recrutements. Au moment où les entreprises posent l’équation financière de maintenir ou non leurs recrutements dans les mois à venir, la nouvelle d’une subvention à l’embauche peut peser dans la balance pour une partie de ces entreprises, et confirmer une volonté pré-établie. D’autres pays ont déjà pris de telles mesures en faveur des jeunes, comme la Chine, qui anticipe une crise massive de la jeunesse dans les mois à venir, ou encore le Royaume-Uni sur le point de franchir le pas.
 
D’autres pays tels que l’Australie ou le Canada vont même plus loin en finançant directement ou indirectement des stages. Loin d’être propre à la France, cette crise qui commence tout juste touche déjà l’ensemble de la jeunesse mondiale. C’est donc bien maintenant qu’il faut agir, puisqu’il est question d’éviter la précarité et une spirale infernale pour des centaines de milliers de jeunes rien qu’en France. En ce sens, toute mesure visant à limiter cette casse est louable. Récompenser les entreprises prêtes à embaucher des jeunes est-il le moyen le plus efficace pour y parvenir ? Il s’agit de soutenir la création d’emplois, qui permettront l’autonomie financière aux nouveaux employés, donc difficile d’être contre. A moins que…
 

L’éthique d’une civilisation malmenée

Difficile d’être contre une mesure qui favorise l’accès à l’emploi pour les jeunes en temps de crise, à moins que ce privilège prive d’autres populations ayant un besoin encore plus critique de ces emplois. Et les illustrations de cette possibilité sont encore nombreuses, tant que les détails de l’allocation de cette subvention ne sont pas définis. Par exemple, faut-il subventionner une entreprise qui embaucherait un étudiant sortant d’une grande école française ? Le taux de chômage à la sortie de ces établissements prestigieux étant extrêmement faible, la question se pose. En effet, les recruteurs valorisent grandement les profils issus de ces écoles, lesquelles préparent par ailleurs souvent mieux leurs étudiants à trouver un emploi que le système universitaire, notamment grâce à des services d’accompagnement mieux dotés et mieux intégrés au cursus. Une subvention attribuée pour un tel recrutement pourrait être une subvention de moins pour un autre recrutement. D’un autre côté, faut-il sanctionner un jeune sous prétexte qu’il est parvenu à intégrer une grande école ? D’un point de vue éthique, le débat n’est pas tranché, et peut-être s’agira-t-il simplement de déterminer les règles qui permettront au plus grand nombre de jeunes d’accéder à un emploi, indépendamment de leur cursus.
 
Une autre question peut ensuite s’ouvrir sur l’atout représenté par le diplôme lui-même. Bien qu’un diplôme de l’enseignement supérieur soit loin de conférer la garantie d’un emploi, il est indéniable que le taux de chômage chez les non diplômés est quatre fois supérieur à celui des diplômés d’un niveau Bac +2. Dans ce cas, ne vaudrait-il pas mieux concentrer cette subvention sur l’embauche de profils non diplômés ? Là encore, le débat reste ouvert. La plupart des recruteurs ne savent simplement pas recruter en masse sans un indicateur tel que le diplôme. C’est possible pour certains recruteurs, ou dans le cas de certains métiers en tension depuis plusieurs années, mais c’est loin d’être la norme. Certains diront que le monde change, mais pas aussi vite, et pas à ce point. La norme reste le diplôme, et les chiffres le prouvent largement. Je prends le pari qu’une subvention uniquement dédiée aux jeunes sans diplômes aurait simplement très peu d’effet, car peu d’entreprises franchiraient réellement le pas. Surtout, cela n’enlèverait rien au problème des centaines de milliers de jeunes diplômés en situation de précarité. Il y a ainsi là une première piste de réflexion, montrant qu’il faut nécessairement adresser les deux populations à travers la subvention, et peut être la renforcer pour les profils dont l’attractivité habituelle pour les recruteurs est faible.
 
Faut-il privilégier un jeune au détriment d’un autre actif ?
 
En regardant un peu au delà de la population des jeunes de moins de 25 ans, il n’est pas inutile de rappeler que la France compte actuellement plus de 3.7 millions de chômeurs de catégorie A, avec plus de 7% d’augmentation rien que sur le début du confinement, en mars. L’OFCE prévoit notamment près d’un demi-million de personnes sans emploi en plus suite à la période de confinement. Parmi ces chômeurs, il y a bien entendu des jeunes de moins de 25 ans, mais il y a également des actifs de 26 à 70 ans (les allocations chômage sont prolongées après 62 ans pour les travailleurs n’ayant pas cumulé tous leurs trimestres). Il n’est pas forcément plus facile pour un senior de trouver un emploi, ou un adulte en situation de handicap, ou une personne sans emploi depuis plusieurs années. Concrètement, la crise touche l’emploi de manière générale, et cela risque d’affecter de très nombreuses populations et catégories, pas simplement les jeunes. La question se pose alors : faut-il privilégier un jeune au détriment d’un autre actif ? La question pose un dilemme éthique, et les réponses possibles décrivent autant de visions de la société dans laquelle nous souhaitons vivre. Mais en allouant une subvention pour le recrutement de jeunes, cela augmente mécaniquement, même à la marge, l’attractivité des jeunes sur le marché de l’emploi. Le nombre d’emplois étant limités, il y a un risque que ce soit au détriment d’une autre personne.
 
Enfin, vient le sujet du remplacement. Il est facile d’afficher facialement une création de poste, alors que d’autres postes ont été supprimés en parallèle. Par exemple, faut-il accorder la subvention pour l’embauche d’un jeune à une entreprise qui procéderait à un plan social dans une période rapprochée ? Le sujet du remplacement des compétences devient un problème majeur de notre société moderne, en ces périodes de turbulences économiques, même hors crise du covid-19. De ce point de vue, il ne semble pas y avoir de grand débat éthique a priori. Il ne semblerait pas éthique de subventionner une entreprise qui embaucherait un jeune pendant qu’elle dégraisse. Mais après tout, sur le fond, une entreprise embauche car elle a besoin de compétences supplémentaires pour son activité. Donc est-il juste de la récompenser parce qu’elle répond à l’un de ses propres besoins ? Cet argent pourrait-il servir autrement ? Par exemple en prolongeant la durée de formation de ces jeunes, ou en indemnisant un stage, de sorte à augmenter leurs compétences, et donc leur employabilité ? Deux écoles de pensée…
 
Un problème plus profond de résilience et de préparation
 
Si la loi pourra déterminer clairement les critères d’éligibilité pour une subvention incitant à embaucher des jeunes, il est probable que l’éthique sera malmenée pour faire juguler au mieux la crise en cours. Tout comme des règles ont été définies pour la priorité d’accueil des patients en réanimation, nous allons devoir apprendre à vivre plus consciemment avec ce sens des priorités dans de nombreux aspects de notre société. Il n’y aura plus beaucoup de choix parfaits.
 
Il y en aura des mieux justifiables, plus pertinents sur le plan économique, plus pertinents sur le plan humain, des moins pires, et des mauvais. Mais l’ère des ‘bons choix’ est révolue, si elle a existé un jour. Cette crise nous montre que plus que jamais, nous devons nous positionner sur la société dans laquelle nous voulons vivre.
 
Car nous en sommes arrivés au stade où nous devons définir des règles pour choisir qui devrait bénéficier d’une assistance médicale ou non, pour choisir qui devrait obtenir un emploi en priorité. Qu’on le veuille ou non, nous vivons dans cette société, et le choix ne semble désormais plus sujet à procrastination. Heureusement ou malheureusement, ce ne sera pratiquement jamais le choix de l’humanité, seulement le choix de quelques personnes. Mais il faudra vivre avec.
 
Les choix que nous sommes en train de faire pendant et à l’issue de cette crise, vont déterminer la société dans laquelle nous allons vivre pour les décennies à venir.
 
Nous en sommes arrivés là principalement en raison d’un manque de résilience de nos systèmes, et d’un manque de préparation à l’imprévu et l’incertitude. Dans une société où tout est industrialisé, processé, suroptimisé pour assurer croissance et profits, le moindre grain de sable vient enrayer toute la machine. Et c’est littéralement ce qui est arrivé avec un minuscule organisme, capable d’enrayer la machine de l’économie mondiale en quelques semaines, avec des conséquences à subir pour plusieurs années. Au risque d’y ajouter une note dramatique, ce manque de résilience est le mal de toutes les civilisations disparues. Et sans aller jusqu’à l’échelle de notre civilisation, il est facile de la constater à l’échelle de notre population d’intérêt pour cet article : les jeunes. Si on prend l’exemple des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur, il est absolument dingue de constater que l’état français investit un minimum d’environ 10 000 Euros  par étudiant et par an, et cela sans compter les dépenses de vie de l’étudiant au moins égales. Pour un jeune diplômé de Master, cela fait plus de 100 000 Euros, pour un actif entrant sur le marché du travail, pas beaucoup mieux préparé que 100 000 Euros et 5 ans plus tôt.
 
On parle aujourd’hui d’une subvention aux entreprises prêtes à embaucher des jeunes, aussi et surtout parce que ces mêmes jeunes n’ont pas assez été préparés à faire face à un monde où l’emploi n’est plus automatique et balisé. Bien au delà, le système ne prépare pas du tout notre jeunesse à être résiliente et adaptable. Au sein même du système éducatif, l’apprentissage par cœur, les cours rigides et uniformisés, la hiérarchie de l’enseignant, la sanction par la note, tout est fait pour atrophier notre capacité à nous adapter et nous inciter à suivre des règles pré-établies. Seulement, dans le monde moderne, les règles changent vite et souvent. Mais attention, n’y voyez pas ici un quelconque blâme envers tel ou tel gouvernement. Ce fonctionnement obsolète bâti à l’aube de la Révolution Industrielle reste aujourd’hui la norme dans le monde. Les systèmes éducatifs innovants, qu’ils soient publics comme en Finlande ou à Singapour, ou privés comme Montessori, Steiner ou Freinet, restent des éducations dites alternatives, preuve qu’ils ne sont en rien la norme. Ce manque de résilience est avant tout celui d’un système obsolète et d’une époque révolue dont nous avons culturellement beaucoup de mal à faire le deuil.
 

Construire la résilience des jeunes

Que devrait-on pouvoir attendre d’un jeune sur le point d’entrer sur le marché du travail ? Pour le docteur Auguste Dumouilla, chercheur en psychologie de l’orientation, l’idéal serait qu’il soit en mesure de s’adapter aux contextes, contraintes et opportunités pour en tirer profit. Cela implique notamment qu’il se connaisse bien, sur ses atouts et ses limites notamment. Mais également qu’il ait une connaissance de la richesse du marché du travail, afin d’en comprendre le fonctionnement et identifier les opportunités (à ce titre, la baisse des budgets de l’Onisep est un drame sans nom). Et bien entendu, qu’il soit préparé aux rituels d’accès à l’emploi que sont entre autres les candidatures, entretiens et prises de fonction. Alors que la plupart des jeunes ne savent pas comment présenter leur CV, comment chercher efficacement un emploi, ou comment se présenter de manière convaincante pour un recruteur, il reste beaucoup à faire. Surtout, un jeune dans le monde d’aujourd’hui, et encore plus de demain, doit être capable d’exprimer sa créativité, faire preuve d’un esprit critique affûté, tout cela en étant capable de communiquer et de collaborer pour adresser des défis et problèmes complexes et inédits.
 
Pour revenir sur un plan plus pragmatique, s’il est possible de limiter la casse liée à la crise actuelle, il est grandement souhaitable de mieux préparer les jeunes de demain à un monde toujours plus volatile, incertain, complexe et ambigu. Le grand plan de relance est une opportunité sans précédent de soutenir les personnes et l’activité aujourd’hui, tout en pensant à mieux préparer demain. Il faut faire émerger le système qui préparera nos jeunes pour les 30 à 50 prochaines années. Même s’il y a des kilomètres à écrire sur le sujet de l’éducation en primaire et au secondaire, les recommandations sont déjà dans la littérature pour la plupart. Je m’intéresse donc ici à ce qu’il est possible de faire dans l’enseignement supérieur, puisque c’est à ce niveau que je pense qu’il sera possible d’agir ‘sans tout casser’.
 
Après de nombreux échanges avec des professionnels de l’orientation ou de l’enseignement supérieur, j’ai pu synthétiser 5 propositions concrètes susceptibles de grandement améliorer la capacité des jeunes à gérer leur avenir et leur employabilité, à défaut de l’avoir fait plus tôt dans le cursus : 
  1. Intégrer l’accompagnement à l’orientation dans tous les cursus. Quelle que soit la filière d’étude, elle est supposée déboucher sur un emploi. Et donc, quel que soit le cursus, un accompagnement poussé à l’orientation devrait être intégré. Des efforts sont faits en ce sens, mais ils sont très insuffisants, car non intégrés réellement au cursus. Au mieux, la plupart du temps, des heures sont dédiées à la préparation à l’emploi. Mais le cadre et les livrables restent flous, et reposent majoritairement sur la qualité de l’intervenant et la maturité de l’étudiant, plus que sur un système pédagogique porté sur une obligation de résultat. Aujourd’hui, c’est simplement une quasi-perte de temps dans de nombreux cas, puisqu’à la sortie, les étudiants ne sont pas préparés et ne se connaissent pas mieux.
  2. Augmenter les effectifs des services d’orientation. Dans une université française, il n’est pas rare de voir seulement 2 à 3 personnes devoir gérer l’accompagnement à l’orientation de 20 000 à 30 000 étudiants. Inutile de préciser que ces professionnels ne peuvent pas couvrir tous les étudiants. Les budgets alloués à ces services sont très largement insuffisants, là où au Royaume-Uni les équipes sont jusque 30 fois plus importantes pour le même nombre d’étudiants. A noter qu’au Royaume-Uni, les budgets accordés aux universités sont notamment déterminés par les taux d’accès à l’emploi que ces universités assurent. L’obligation de résultat a eu pour effet de renforcer significativement l’accompagnement à l’orientation. Les écoles de commerce et d’ingénieur françaises sont également souvent mieux dotées, mais là encore des budgets plus importants seraient souhaitables.
  3. Renforcer la professionnalisation des étudiants. La France fait figure de bonne élève en Europe en matière de politique de stages et d’alternances. Pourtant, la plupart des universitaires arrivent en Master peu professionnalisés. Il faut plus d’un stage pour se préparer efficacement. Il est nécessaire d’augmenter le nombre de contacts avec le marché du travail, et ce dès la première année d’études, comme c’est souvent le cas dans les écoles d’ingénieur. La Direction Générale de l’Enseignement Supérieur et de l’Insertion Professionnelle (DGESIP) est notamment très active sur ces sujets. Mais pour aller plus loin, si nous étions capables d’investir autant dans ces expériences professionnalisantes que dans le programme Erasmus par exemple, l’impact serait gigantesque dans la préparation à l’emploi. D’ailleurs, pourquoi pas un Erasmus des stages ? Au moins aussi utile, sinon plus !
  4. Valoriser les compétences des étudiants. De nombreux étudiants s’impliquent dans des activités extra-scolaires, et ont acquis des compétences techniques (hard skills) ou transversales (soft skills) très utiles. Malheureusement, ces étudiants ne se connaissant pas, ils ne sont souvent même pas conscients qu’ils disposent de ces compétences, ne savent pas les nommer, et encore moins les mettre en avant auprès de recruteurs potentiels. Pour augmenter l’attractivité des jeunes (entre autres) auprès des employeurs, il devient critique de mettre en place une réelle démarche de reconnaissance et de valorisation des compétences. Des démarches structurantes sont réalisées par France Compétences et les OPCO, à travers la reconnaissance des compétences acquises en formation, mais il s’agit d’aller au delà des formations. L’initiative des Open Badges pourrait être très pertinente pour atteindre cet objectif. Cela pourrait également avoir pour avantage de créer un langage et référentiel commun avec les recruteurs, qui pourraient ensuite travailler à l’évaluation de ces compétences. De nombreux acteurs privés se sont attelés au sujet, et même des start-up d’état comme Pix ou Eva.
  5. Rapprocher les entreprises de l’enseignement. La loi Pécresse (ou LRU) a marqué un tournant dans ce rapprochement nécessaire entre entreprises et universités. Alors que beaucoup y voient un risque de conflits d’intérêts de la part des acteurs privés, bien réel, il y a également une réalité, qui est que ce sont ces mêmes entreprises qui sont les futurs recruteurs probables des étudiants. Et en complément d’avoir développé la maturité vocationnelle et l’adaptabilité de leurs étudiants, les universités leur rendraient un réel service en facilitant par tous les moyens possibles la mise en relation avec des recruteurs potentiels, mieux susceptibles par ailleurs de les informer sur la réalité du marché du travail que le monde académique.
 
Aujourd’hui, une réponse doit être apportée en urgence par le Ministère du Travail, car les jeunes sont face au mur, avec le risque de ne pas pouvoir accéder à l’emploi, et se retrouver précaires car démunis. Je suis convaincu qu’avec un accompagnement à l’orientation tout au long de la vie, en commençant à l’école, et à tous les niveaux, un plus grand nombre de personnes seront en mesure de construire leur propre résilience pour faire face aux prochaines crises que nous devrons affronter. Pour autant, ce problème de fond questionne le rôle de l’enseignement, point philosophique central dans la réflexion, et qui continue de diviser au sein des professionnels : est-ce le rôle de l’école de préparer au travail ?
 
Dans notre société actuelle, le travail constitue la création de valeur économique. Je pense donc que c’est bien le rôle de l’école et notamment du supérieur de préparer à cela. En revanche, je refuse de restreindre la création de valeur à la seule valeur économique. Cette création doit également être sociale et environnementale. Et dans ce volet humaniste, j’y vois le fondement même de l’université, lieu de rassemblement d’une communauté ou association d’hommes. En intégrant pleinement un accompagnement à l’orientation centré sur la découverte de soi, du monde et ses règles, il est possible de faire émerger des générations mieux averties et mieux conscientes des enjeux et opportunités du collectif, où la question d’embaucher des jeunes se posera beaucoup moins.

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