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Série (Ep. 2/3) | Comment produire plus de licornes en Europe que dans la Silicon Valley : pour découvrir de grands territoires, il faut de grands explorateurs

Christophe CollombChristophe Collomb Source: GettyImages-1306541340

Nous vous proposons pendant 3 semaines la série d’articles écrits par Bruno Martinaud (Directeur du Master Innovation Technologique & Entrepreneuriat de l’Ecole Polytechnique) sur le thème : comment produire plus de licornes en Europe que dans la Silicon Valley :  quelles pistes ?

 ➡ Episode 2 sur 3 : Pour découvrir de grands territoires, il faut de grands explorateurs


Que Dieu accompagne ton périple

Nous sommes en 3 août 1492, sur le port de Palos de la Frontera, situé sur la côte atlantique andalouse. Missionné par Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon, persuadé que la distance qui sépare l’Europe de l’Asie est de 5000 km, Christophe Colomb part avec son équipage pour trouver une nouvelle route vers les Indes, en passant par l’Ouest.

Cette expédition que nous connaissons tous, est en elle-même une parabole de l’aventure entrepreneuriale.

C’est une mission exploratoire, et l’entrepreneur qui se lance est, au sens le plus plein du terme, un explorateur.

Elle s’est construite sur des prémisses fausses, dans laquelle la persévérance et la flexibilité, la frugalité et l’ambition, sont parmi les principales clés de succès de l’explorateur.

Christophe Collomb, tout comme l’entrepreneur, était directement associé à la réussite de son projet : il avait réussi à « négocier » le titre de Vice-Roi des territoires découverts, et un 1/10ème des richesses que l’on en retirait.

Elle a été financée par un modèle proche du capital-risque.

Et enfin, la mission a fini par trouver ce qu’elle ne cherchait pas, les Amériques, alors que l’on pensait tracer une nouvelle route vers les Indes.

L’entrepreneur est, d’abord et avant tout, un explorateur. Est-ce pour cela que, selon une étude McKinsey datant de 2019, l’Europe produit 36% des start-up et (seulement) 14% des licornes, soit moins que la Silicon Valley ? Parce que nous sommes de moins bons explorateurs ?

 

Peut-on préparer à l’exploration ?

Cette dynamique exploratoire relève en 1ère observation d’une approche purement empirique, dont l’apprentissage peut paraître superflu. Il est impossible de s’y préparer, l’entrepreneur se lance et se forme en avançant.

Mais là se situe le piège, cette éducation dans l’action tend à enfermer naturellement ce dernier dans un modèle mental d’exécution : développer le produit, commencer à le produire, le vendre, recruter l’équipe pour préparer la croissance. Le « start-uppeur » se voit dès lors comme exécutant une bonne idée qu’il convient de faire marcher, alors que, partant d’une bonne idée qui ne marche pas, il devrait explorer, itérer, pour en faire émerger une qui pourra réussir.

La validation d’une opportunité passe par l’expérimentation

Là est la clé du démarrage d’un projet entrepreneurial : chercher et non pas exécuter. Se rappeler que je ne sais pas, a priori, ce qui marche dans mon idée, de là, la seule méthode pour avancer est l’expérimentation. Dériver de ses hypothèses de départ un faisceau de tests permettant de structurer la découverte progressive du territoire. Trouver le « Product-Market fit », c’est-à-dire le bon produit pour le bon marché est le résultat d’un processus tortueux et itératif.

Ed Catmul, co-fondateur de Pixar a ainsi résumé la recette « magique » de Pixar: « Going from suck to non suck ». A partir d’un concept de départ, Pixar teste tout, varie à l’infini sur tout. Il y a eu, au long du processus de production, 43 536 variantes de Nemo, 69 562 de Ratatouille, et 98 173 de Wall-E… Voilà le chemin entre l’idée initiale et le succès final.

 

Développer un modèle mental d’explorateur

Au-delà des bonnes pratiques, il faut avant tout développer chez l’entrepreneur un état d’esprit cohérent avec ces challenges.

Cela commence par changer le regard sur le projet et remodeler les schémas de pensée face au complexe :  c’est à dire reconnaître que l’on affronte des problèmes que l’on ne comprend pas au départ. Accepter de ne pas savoir, écouter les experts afin de cerner « l’état de l’art », s’en imprégner… mais pour – parfois – faire exactement l’inverse. « Never listen to experts » recommande ainsi Bob Sutton, Management Professor à Stanford (11 ½ weird idea that work on innovation).

Et il faut enfin capter les signaux faibles, c’est dire mettre en place des stratégies pour mémoriser ce qui est non pertinent aujourd’hui, mais qui le sera peut-être demain. Rappelons-nous qu’Instagram a émergé d’un projet de réseau social géolocalisé, The BurBn, qui fut un échec total. Rien ne marchait … Rien, aucun sauf apparemment une fonction isolée de partage de photos. Une fonction, seule parmi des centaines, qui est devenue Instagram.

 

Avancer vite, penser grand et n’avoir peur de rien !

Sven de Cleyn dans sa thèse publiée en 2011, met en parallèle le fait que l’Europe est incapable de produire des Google, Apple, FaceBook mais, d’un autre côté il n’y a peu de gros échecs. Il évoque le fait que moins de 10% des start-up créées à partir des Universités Européennes échouent.

Sven de Cleyn explique ce phénomène par le fait que les start-up européennes sont focalisées sur la survie, comme principal critère de succès. L’échec doit être évité à tout prix. A l’inverse les start-up US suivent un tout autre chemin : grossir vite ou mourir.

L’idée forte dans les travaux de Sven de Cleyn, au-delà du rebattu rapport à l’échec, nous semble donc être la capacité à aller vite, à itérer, comme une composante essentielle de l’efficacité du processus d’exploration. Il faut non seulement favoriser et accompagner l’échec, mais surtout former les entrepreneurs à cet exercice particulier consistant à avancer vite, en environnement incertain, et se réinventer, renaître autant de fois que nécessaire. Les start-up américaines pivotent, meurent beaucoup plus rapidement, cèdent leurs actifs technologiques et les entrepreneurs repartent dès le lendemain sur un nouveau projet.

En bref, la culture entrepreneuriale de la Silicon Valley est articulée autour de ces 3 principes, avancer vite, penser grand et n’avoir peur de rien. L’intégrer dans la formation du modèle mental de nos entrepreneurs pour en faire de grands explorateurs est un enjeu majeur pour toutes les institutions…

 

BLAST – Une plate-forme originale pour former des explorateurs

Le programme BLAST dans le domaine Aéronautique-Aérospatial-Défense, regroupant Starburst, l’Onéra la SATT Paris Saclay et l’Ecole polytechnique de par son ouverture international, l’accès à l’état de l’art de ce que la science permet de faire, et la combinaison de savoir-faire complémentaires constitue un environnement unique pour former et préparer les futurs entrepreneurs aux challenges de l’exploration.


Bruno Martinaud est le Directeur du Master Innovation Technologique & Entrepreneuriat de l’Ecole Polytechnique

 

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