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Facebook Papers : Quelles accusations pèsent sur le réseau social ?

Facebook PapersLes documents internes du groupe fournis par la lanceuse d’alerte, Frances Haugen, au SEC révèlent de nombreuses défaillances au sein du groupe et de ses différentes plateformes. | Source : Getty Images

ENQUÊTE | Selon plusieurs documents internes (Facebook Papers) fournis à la Securities and Exchange Commission (SEC, organisme fédéral américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers, NDLR) par une lanceuse d’alerte, le groupe Facebook a permis à plusieurs reprises à des célébrités et hommes politiques d’échapper aux règles de la plateforme. Par ailleurs, ces documents montrent que le PDG du groupe, Mark Zuckerberg, a cédé aux demandes du gouvernement vietnamien. Ce dernier a réclamé que Facebook censure les messages antigouvernementaux sur le réseau social.


 

Bien que le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, ait demandé à ses employés de faire preuve d’une « neutralité irréprochable », le Financial Times rapporte que des cadres de l’entreprise, dont Mark Zuckerberg lui-même, ont régulièrement « interféré » pour laisser des célébrités et des politiciens contourner les règles de la plateforme, malgré les protestations des employés. En outre, après plusieurs plaintes de politiciens républicains, le PDG de Facebook serait personnellement intervenu pour remettre en ligne une vidéo qui avait été retirée, car elle contenait de fausses déclarations sur l’avortement. Politico rapporte que les lobbyistes de Facebook ont une influence similaire.

Le Washington Post indique, en citant également des sources anonymes, que Mark Zuckerberg a cédé aux demandes du gouvernement vietnamien qui réclamait la censure des publications de dissidents antigouvernementaux. Facebook a ainsi supprimé 2200 publications entre juillet et décembre 2020, contre 834 durant les six mois précédents.

Le groupe Apple a brièvement menacé de retirer Facebook et Instagram de son App Store en raison de l’utilisation de ces plateformes pour « acheter et vendre » des servantes philippines, rapportent CNN et Associated Press. Bien qu’Apple ait fait marche arrière après que Facebook a promis de « sévir » sur cette question, Associated Press affirme que l’action du groupe sera « limitée », car cette question fait partie d’un problème plus large de trafic d’êtres humains auquel le réseau social est confronté.

Facebook n’a pris aucune mesure globale contre les utilisateurs qui possèdent plusieurs comptes, alors que le groupe est conscient que ces comptes représentent une « source massive » de messages politiques « toxiques » sur la plateforme et sont des « diffuseurs d’activités politiques dangereuses », selon Politico.

Les Facebook Papers montrent que l’entreprise domine le marché, avec 78 % de tous les adultes américains utilisant le réseau social et « presque tous les adolescents américains » utilisant les différentes plateformes du groupe. Ces informations pourraient aider la Federal Trade Commission (Commission fédérale américaine du commerce, NDLR) dans son procès contre Facebook pour abus de position dominante et monopole illégal.

Le Washington Post rapporte également que l’entreprise a supprimé moins de 5 % des discours haineux sur sa plateforme, alors que Mark Zuckerberg a déclaré au Congrès des États-Unis l’année dernière que l’entreprise en supprimait 94 %. En outre, le PDG de Facebook a désapprouvé l’idée de mettre en place un centre d’information sur le vote en langue espagnole pour l’élection présidentielle américaine, car il estimait que ce centre ne serait pas « politiquement neutre ».

Au printemps, les employés de Facebook ont tiré la sonnette d’alarme sur la faible capacité de la plateforme à modérer les contenus anti-vaccins. Selon un mémo, la détection des « commentaires hostiles aux vaccins est mauvaise en anglais, et pratiquement inexistante ailleurs ». L’entreprise a pourtant mis des mois à corriger ce problème, rapporte The Verge.

Toujours selon The Verge, Facebook regroupe les pays en différents « niveaux » afin de déterminer les ressources que l’entreprise alloue aux élections dans chaque État. Le groupe ne fournit aucune assistance aux pays de niveau inférieur, à moins qu’un contenu spécifique lié aux élections ne soit signalé pour modération.

Facebook a étudié les « fonctionnalités de base » de la plateforme, telles que les boutons « J’aime » et « Partager », et a constaté qu’elles « avaient permis à la désinformation et aux discours haineux de se développer sur le réseau social », rapporte le New York Times. Cependant, les dirigeants ont bloqué toutes modifications pour ne pas étouffer la croissance du groupe et pour « maintenir l’engagement des utilisateurs ». Cette inaction est représentative d’un phénomène plus large : Facebook a « abandonné ou retardé » des mesures qui auraient pu réduire « la désinformation et la radicalisation ».

Bien que Facebook ait mené des recherches approfondies montrant sa baisse de popularité auprès des jeunes, Bloomberg rapporte que la société a « présenté de manière inexacte » cette information aux investisseurs en omettant de mentionner le déclin de sa popularité auprès de certains groupes démographiques et en se concentrant sur la croissance globale.

Les Facebook Papers révèlent également que le groupe donne souvent la priorité aux « considérations politiques » dans la prise de décision, afin de paraître impartial, et accorde aux éditeurs de droite les plus influents un « traitement spécial » qui leur permet d’échapper aux sanctions pour désinformation, précise le Wall Street Journal. Un employé de Facebook a noté dans un mémo que l’entreprise a mis en place des « exceptions spéciales » pour le site d’information conservateur Breitbar et « le soutient même explicitement » en incluant le lien du site dans l’onglet « Actualités » de la plateforme.

Toujours selon les Facebook Papers, l’entreprise a supprimé les « mesures de protection » destinées à empêcher la diffusion de fausses informations électorales après le jour de l’élection américaine et avant l’attaque du Capitole le 6 janvier dernier. En outre, les employés de Facebook estiment que le groupe n’a pas assez réagi après le début des violences le 6 janvier.

Le Wall Street Journal et le Washington Post rapportent que Facebook a mené des recherches approfondies en interne qui ont permis de fournir des recommandations sur la manière dont la plateforme pourrait arrêter la diffusion de contenus extrémistes. Cependant, « dans de nombreux cas, les dirigeants ont refusé de mettre en œuvre ces mesures. » En outre, les efforts déployés par Facebook pour bannir QAnon et d’autres groupes conspirationnistes ont fait l’objet de critiques en interne. En effet, des experts du groupe ont considéré que ces efforts étaient « fragmentaires » et qu’ils n’avaient pas réussi à arrêter la « croissance fulgurante » du mouvement.

Le Wall Street Journal indique que Facebook adopte une approche « tatillonne » pour interdire les mouvements extrémistes, en menant des « frappes chirurgicales » sur des entités individuelles que le groupe juge dangereuses, plutôt qu’en adoptant une « approche plus systématique » qui, selon les dirigeants, étoufferait la croissance de Facebook.

Les discours haineux et la désinformation sur Facebook ont prospéré et ont souvent été laissés sans contrôle en Inde, le plus grand marché de Facebook, notamment en matière de contenus antimusulmans et d’incitations à la violence. Pourtant, des recherches en interne ont permis de montrer toute l’étendue du problème. Par ailleurs, Facebook n’a pas été en mesure de contrôler un grand nombre de contenus en Inde, car le groupe n’a pas la capacité de modérer et de vérifier efficacement les publications dans les 22 langues officielles du pays, y compris l’hindi et le bengali. Pourtant, ces deux langues sont respectivement les quatrième et septième langues les plus parlées au monde. Associated Press et Wired rapportent que la plateforme rencontre des problèmes similaires avec l’arabe et la modération des contenus au Moyen-Orient. Enfin, deux groupes nationalistes hindous n’ont pas été bannis du réseau social malgré la diffusion de contenus antimusulmans ou d’incitations à la violence. Ces deux groupes ont des liens avec le Premier ministre indien, Narendra Modi, et son parti politique.

Selon les Facebook Papers, Facebook consacre 87 % de ses ressources à la lutte contre la désinformation aux États-Unis, ce qui ne laisse que 13 % des ressources pour le reste du monde. En outre, Facebook consacre 84 % de ses « attributions mondiales/couvertures linguistiques » aux États-Unis (le groupe a contesté ces chiffres, affirmant qu’ils ne tiennent pas compte des vérificateurs de faits tiers, donc beaucoup se trouvent à l’étranger). En plus de l’Inde, les Facebook Papers ont révélé que la plateforme a rencontré des problèmes de contrôle des contenus du Myanmar, du Sri Lanka, de l’Éthiopie, du Pakistan et de l’Indonésie.

 


« J’éprouve des difficultés à respecter mes valeurs en travaillant ici », a écrit un employé de Facebook sur le tableau de messages internes du groupe le 6 janvier dernier. « Je suis venu ici dans l’espoir de provoquer des changements et d’améliorer la société, mais tout ce que j’ai vu, c’est la corruption et l’abandon des responsabilités. »


 

Le groupe Facebook s’est largement défendu contre ces accusations et a mis en avant les efforts de l’entreprise pour combattre la désinformation et l’extrémisme. « Au cœur de ces articles se trouve une prémisse qui est fausse », a déclaré Joe Osborne, porte-parole de Facebook, dans une interview au Financial Times. « Oui, nous sommes une entreprise et nous faisons du profit, mais l’idée que nous le faisons au détriment de la sécurité ou du bien-être de la population ne correspond pas à nos intérêts commerciaux. La vérité est que nous avons investi 13 milliards de dollars et que nous disposons de plus de 40 000 personnes pour faire un seul travail : assurer la sécurité des utilisateurs sur Facebook. »

Samedi 23 octobre, le vice-président de Facebook en charge des affaires internationales, Nick Clegg, a déclaré aux employés qu’ils devaient « faire preuve de solidité et s’attendre à davantage de mauvais titres dans les jours à venir. »

Facebook fait depuis longtemps l’objet de critiques pour son incapacité présumée à mettre un terme à la désinformation et aux discours haineux sur sa plateforme, mais ces accusations se sont intensifiées ces dernières semaines après que la lanceuse d’alerte Frances Haugen s’est exprimée dans l’émission 60 Minutes. Elle a également témoigné devant le Congrès des États-Unis au sujet des accusations pesant sur l’entreprise. Ancienne membre de l’équipe en charge de l’intégrité civique de Facebook, Frances Haugen a déclaré que le groupe avait « fait passer ses profits astronomiques avant les gens ». Elle a exhorté les législateurs américains à prendre des mesures contre Facebook, dont les pratiques sont « nettement pires » que ce qu’elle a vu dans d’autres sociétés de réseaux sociaux.

 

En plus des articles sur l’Inde et les émeutes du Capitole le 6 janvier, le Wall Stree Journal a utilisé les Facebook Papers pour réaliser une série d’articles sur divers travers du réseau social :

  • La politique de Facebook en matière de modération (les utilisateurs VIP du réseau social seraient exemptés des règles en matière de modération).
  • Le fait que l’entreprise a conscience de l’effet « toxique » d’Instagram (en particulier sur les adolescents).
  • Le changement d’algorithme en 2018 qui a eu pour résultat de rendre la plateforme et ses utilisateurs « plus en colère ».
  • La faible réponse de l’entreprise aux publications des cartels de la drogue et des trafiquants d’êtres humains.
  • L’incapacité de Facebook à contrôler le contenu anti-vaccination.
  • Les plans de l’entreprise pour attirer les préadolescents sur ses plateformes.
  • La manière dont les listes d’employés de l’entreprise ont changé.
  • Les doutes des employés sur l’efficacité de l’utilisation de l’intelligence artificielle par Facebook.
  • La lutte de l’entreprise pour détecter les utilisateurs possédant plusieurs comptes sur sa plateforme.

 

Article traduit de Forbes US – Auteure : Alison Durkee

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