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Les banques doivent-elles avoir peur des GAFAM ?

banquesSource : GettyImages

On a coutume de dire que de nombreuses peurs sont le plus souvent irrationnelles. Il se pourrait pourtant bien que la peur des Gafam ne soit pas totalement infondée pour les banques historiques. Le poids financier des Gafam, les craintes sur les paiements avec Apple Pay et surtout leurs ambitions folles montrent que le marché des services financiers pourrait bien subir une disruption sans précédent et irréversible.

De nombreux acteurs historiques se replieront en adoptant des attitudes défensives, comptant soit sur la règlementation, soit sur le lobbying anti-Gafam, espérant aussi leurs échecs. D’autres adopteront des attitudes plus positives et offensives en se rapprochant des FinTech pour conduire le monde de demain et ériger des barrières à l’entrée des Gafam.

Peur sur la ville. J’observe un titre de presse visiblement répété des centaines de fois : Les Gafam veulent faire sauter les banques ! La messe est dite, car la capitalisation boursière des 5 géants atteint aujourd’hui environ 5 300 milliards d’euros ; c’est quatre fois le CAC 40 français, 22% de l’indice boursier américain phare, le S&P 500. Jamais aussi peu d’entreprises n’avaient été aussi puissantes à Wall Street. Pour les Gafam (les Gafam moins Facebook), c’est plus de 1 000 milliards de dollars, le PIB des Pays Bas, 17ème pays le plus riche au monde. Leurs moyens financiers sont également impressionnants : au premier trimestre 2019, Apple avait publié un chiffre d’affaires de 84,3 milliards de dollars et un bénéfice net de 19,9 milliards de dollars. En face, un leader historique français de la banque a fait bondir son bénéfice net de près de 9% au troisième trimestre 2019 à… 1,2 milliard d’euros pour un chiffre d’affaires de 5 milliards d’euros, plus de 15 fois moins. Aussi, les Gafam savent presque tout sur nous ! Ils pourraient proposer des services financiers très personnalisés, l’ergonomie de leurs applications internet et mobile permet déjà une meilleure expérience de « shopping » ; puis Amazon Pay, c’est 300 millisecondes pour le paiement par la reconnaissance de la main, sécurisé et universel. Apple pay, Google pay, Facebook pay sont déjà des marques connues de tous, Apple pay travaillant déjà avec de nombreuses banques. Certes, elles restent encore cantonnées aux paiements, mais du côté des banques on s’interroge. C’est que déjà tous détiennent au moins un type de licence auprès de régulateurs[1] et les ambitions sont folles : aux EU, les Gafams’apprêtent à prendre 40% d’un marché de services financiers estimé à 1,35 milliard de dollars et 58% des consommateurs affirment qu’ils ont confiance en Apple et Google. Google n’avait-il pas annoncé aussi la possibilité d’ouvrir des comptes en banque depuis l’application Google Pay pour 2021, sans parler de leur volonté de diversification sectorielle : l’assurance, la santé et le Healthcare, bien sûr l’automobile, l’aérospatial ettc ? Bref rien ne leur fait peur. Le plus gros ? Facebook et sa monnaie électronique. Avec 2,3 milliards d’utilisateurs d’une potentielle monnaie électronique (le Diem), de quoi faire trembler les Banques centrales, la tête de pont du système bancaire !

Le message est donc clair : les banques historiques sont attaquées sur les paiements et peut-être bientôt sur le crédit. A cela une nuance ! Bien que gigantesques, les Gafam, ce sont encore principalement les services de paiements, la biométrie, parfois avec des cartes (Wallet), via principalement le mobile, et, à vrai dire, surtout aux Etats-Unis ! Certes, leurs ambitions sont féroces et des projets sont en cours sur l’assurance, la cybersécurité, la gestion des risques et de la donnée, le crédit, mais pour l’heure, assez peu de concret sur ces derniers aspects des métiers bancaires. A contrario, que dire de leurs cousines beaucoup plus petites que les Gafam entrainent dans leur sillage : les FinTech et en particulier les néo-banques qui drainent encore plus d’actifs ? Beaucoup plus redoutables sur le terrain de la contestabilité des marchés bancaires, elles sont plus modestes en termes de puissance économique et encore sous-rentables et limitées en terme fonctionnel (hormis N26 et Revolut déjà sur le crédit en plus) : elles ne permettent pas de faire des dépôts d’espèces, des chèques, des prêts ou tout simplement d’épargner ! Mais la tendance est là et ce sont des proies logiques pour adresser les problèmes historiques posés par l’existence des Gafam, celui des métiers bancaires de demain. Certes, les néo-banques ne sont pas tout à fait des banques en ligne comme HelloBank ou Boursorama mais elles axent davantage leur service sur l’innovation et sont centrées uniquement sur le mobile… comme les Gafam en fait. Avec un maître-mot : l’expérience client en anticipant déjà  le monde de demain. En 2019, on comptait 3,5 millions de comptes actifs tenus dans une néo-banque, un bond de 75% par rapport à l’année précédente.

Ne pas subir la Silicon Valley mais avancer avec les FinTech ?

A bien y penser finalement, les banques sont-elles contestables sur le terrain de la concurrence ? La banque : un processus de transformation ? De gestion des risques ? Contestable ? Oui ! Il existe aujourd’hui des FinTech qui adressent la gestion des risques bancaires. La banque, ce sont d’abord 200 ans de données clients que n’ont ni les FinTech ni les Gafam : contestable ? Oui, ces données avec les Gafam et les FinTech pourront être constituées en un an au lieu de 200 ! 500 ans de Banque centrale avec le rôle de la monnaie et de la confiance : contestable ? Oui, la monnaie électronique de Facebook fait planer une menace de disruption sans précédent des Banques centrales. Bref, des questions fondamentales pour l’avenir du secteur bancaire qui nous amènent à nous tourner vers les Fintech et surtout les Néo-banques, car il y a le monde de demain… Il faudra être offensif, innover, se rapprocher des Fintech ou des néo-banques pour des spécificités fonctionnelles, financières, ou géographiques, même en termes de prix final des services. Bnp Paribas, par exemple, a racheté compte Nickel (néo-banque) en 2017 pour disposer de sa présence dans plus de 6000 tabacs. La SG a racheté Shine (néo-banque) qui cible la clientèle de jeunes entrepreneurs. In fine, les Gafam ambitieuses posent surtout une question de fonds dans la transformation économique et numérique : celui de la transformation des métiers, de la souplesse et de l’agilité qu’ont su adresser « les néo-banques » pour s’adapter aux métiers de demain. De plus, via la digitalisation, la Covid a accéléré la transformation des métiers. Tout cela oblige à repenser le monde de demain : les banques partenaires des néo-banques, en accélérant leur rentabilité du côté des paiements, en consolidant les avantages « des historiques » coté crédit, en dépassant l’expérience Apple Pay qui, même si adoptée par de nombreuses banques, reste avant tout limitée dans le monde des métiers bancaires.  

[1]Alphabet (maison mère de Google) a des agréments d’établissement de monnaie électronique en Lituanie et en GB, établissement Prestataire de Services de Paiement (PSP) par la Banque Centrale d’Irlande (BCI)  passeportable en Union Européenne, Apple a plusieurs licences américaines « établissement de paiement », Facebook a des agréments aux EU et BCI pour l’activité de « PSP » et établissement de monnaie électronique. Enfin Amazon a des agréments en Europe pour l’activité de « PSP » via la BCI et aux EU ainsi qu’en Inde comme « établissement de paiements » et « établissement de monnaie électronique ».

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