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8 Mars | Entretien exclusif avec Jane Fonda, la voix mondiale du féminisme

Jane FondaJane Fonda © L’Oréal Paris

ICÔNE | Première de cordée dans les luttes en faveur des droits humains, qu’elles soient féministes, écologiques ou géopolitiques, l’Américaine Jane Fonda est un modèle pour de nombreuses générations. Les arrestations, les sit-in, les discours enflammés, la star planétaire, égérie intemporelle de L’Oréal Paris, porte le verbe haut et le slogan, sans jamais se renier. Pour Forbes, elle s’exprime en exclusivité en cette journée symbolique du 8 mars.


 

Encore un 8 mars où il sera question de passer en revue les nombreuses inégalités hommes-femmes à travers le monde y compris dans les pays à la démocratie bien enracinée. Vous êtes certainement l’une des voix les plus légitimes pour vous exprimer en matière de féminisme et de droits humains. Ainsi quelles sont les décisions courageuses à prendre – prioritairement – pour une société plus égalitaire ?

Jane Fonda : Premièrement, le féminisme et les droits de l’Homme sont la même chose. Les Nations Unies l’ont clairement indiqué il y a 70 ans et Hillary Rodham Clinton l’a réaffirmé en 1995. Quant à notre liste d’actions à entreprendre, gardons en tête que les problématiques sexistes et racistes, par exemple, sont intimement liées, donc tout est une priorité. Comme commencer par protéger notre planète du changement climatique, puisque c’est notre seul vaisseau spatial. Il n’est pas surprenant que les femmes aient été des leaders dans tous les mouvements environnementaux des siècles passés et actuel. Cela implique naturellement de consacrer et de faire respecter en tant que Loi, partout, notre droit fondamental à la liberté et à la santé en matière de procréation, suivi de près par les droits à l’éducation, à l’emploi, à l’égalité de rémunération, à la mobilité, aux droits civils et surtout à la protection contre la violence – dans la famille, au travail, ou en temps de guerre.

 

L’auteur Racha Belmehdi s’interroge dans son premier ouvrage sur la « rivalité féminine » qui met à mal le concept de sororité et son pouvoir de faire avancer collectivement la cause des femmes. De ces querelles de femmes, le vainqueur pourrait être le patriarcat et la misogynie, analyse l’auteur qui a passé des années à travailler dans l’industrie de la mode et du show business. L’ennemi de la femme est-il la femme ?  

J.F : Je suis plus nuancée. Ce vieux cliché a longtemps été réfuté par, tout d’abord, la grande Simone de Beauvoir en 1949 et en second lieu, la fraternité et la solidarité à travers l’énorme mouvement mondial des femmes. Seules de petites poches de la société – peut-être certaines industries de la mode et du show business – tentent encore de propager de telles notions. Mais même dans ces univers, elles deviennent minoritaires. Arrêtons-nous sur Maria Grazia Chiuri, première femme directrice artistique de la Maison Dior, récipiendaire de la Légion d’honneur et fière féministe notoire, qui travaille avec des femmes, cite des féministes quant à ses inspirations créatives, finance des causes féministes et chérit ses amies – tout comme moi.

Jane Fonda © Getty Images

 

 

Comment transmettre aux femmes la confiance en soi pour qu’elles cessent de ressentir le syndrome de l’imposteur même quand elles ont brillamment réussi ? 

J.F : Dans la mesure où ce « syndrome » existe encore, c’est un effet secondaire de « l’âge » : ma génération étant, en quelque sorte, des femmes « transitionnelles », conditionnées émotionnellement pour préserver des sentiments internes d’indignité, même lorsque nous savons très bien intellectuellement que nous sommes aussi ou plus dignes que n’importe qui d’autre. Mais rappelez-vous, le féminisme se renouvelle. Les jeunes se reconnaissent le plus en matière de féminisme par une réelle auto-identification en ses valeurs. Des enquêtes ont révélé que sur une période de 24 ans (1992-2016), les jeunes de 18 à 24 ans ont accru leur identification jusqu’à doubler en nombre, passant ainsi de 21 % à 42 %. Cela reflète les tendances générales. De fait, à mesure que des générations plus jeunes s’impliqueront, les sentiments relatifs au syndrome de l’imposteur se révéleront heureusement inadéquats.

 


 Jane Fonda : Plutôt que de tendre les relations entre les sexes, #Metoo a plutôt exposé les problématiques à l’instar des actes de manipulation jusqu’alors cachés, la pression, la violence, la douleur, le chagrin, les dommages à vie pesant sur les survivants


 

Que voulez-vous dire à ces femmes qui doutent de leur valeur ? 

J.F : Le patriarcat, le paradigme qui nous dit que les hommes contrôlent et que les femmes doivent être soumises, a fait douter les femmes de leur valeur, a encouragé notre silence et notre consentement. Mesdames, comprenez que vos doutes vous sont imposés, et battez-vous pour gagner la confiance qui vous revient.

 

Comment arrivez-vous à booster votre capital confiance ?

J.F : Fréquentez des féministes. Étudiez la signification du patriarcat. Liez-vous d’amitié avec des femmes et des filles qui ont trouvé leur voix.

 

Un conseil sur la confiance en soi à l’adresse de la jeune génération ?

J.F : Ne pensez pas que parce que vous êtes jeune, votre voix peut être rejetée. Vous avez un point de vue qui mérite l’attention, vous pouvez beaucoup apprendre à vos aînés, si bien que l’avenir peut dépendre de votre action. 

 


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La vague planétaire #metoo a crispé les relations hommes / femmes dans tous les pans de la société. Et maintenant ?  

J.F : Plutôt que de tendre les relations entre les sexes, #Metoo a plutôt exposé les problématiques à l’instar des actes de manipulation jusqu’alors cachés, la pression, la violence, la douleur, le chagrin, les dommages à vie pesant sur les survivants. L’exposition à ces réalités doit avoir lieu avant que nous puissions commencer à cheminer vers la guérison. Ce n’est qu’après que nous pourrons transformer nos valeurs, qui doivent – et vont – changer. De nouvelles études portant sur les Affaires internationales montrent que les accords de paix durent considérablement plus longtemps si les femmes sont impliquées dans les négociations, dans le détail : 70 % de ces pactes durent 20 ans ou plus. L’une des raisons est que les femmes insèrent naturellement dans l’accord des solutions à de nombreux autres problèmes communautaires, problèmes qui conduisent souvent à des conflits plus importants. Quant à savoir si l’intégration croissante des femmes dans la prise de décision politique a eu un effet réel sur le comportement conflictuel des nations, de nouvelles études constatent que l’émancipation exponentielle des femmes – et pas seulement la montée de la démocratie elle-même – soutient la paix démocratique. Sachons-le, l’engagement politique grandissant des femmes a désormais un impact majeur sur l’ordre social.

 

En tant qu’égérie de la première heure de L’Oréal Paris, que vous inspire le fameux slogan : « Parce que vous le valez bien ? » 

Jane Fonda : Cela m’inspire que j’ai de la valeur en tant qu’être humain et que je mérite de me traiter avec respect tout en attendant le respect d’autrui.

 

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