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Qu’attendre de la politique climatique de l’administration Biden ?

BidenWILMINGTON, DE – DEC 22: President-elect Joe Biden speaks at a news conference about his administration’s transition and the holidays at the Queen Theater in Wilmington, D.E., on Tuesday Dec. 22, 2020. (Photo by Sarah Silbiger for The Washington Post via Getty Images)

ACCORDS DE PARIS | Après avoir gagné les voix de plus de 306 grands électeurs et assuré une majorité Démocrate à la Chambre des Représentants et au Sénat, le Président Biden a désormais les mains libres pour mettre en œuvre son programme. Toutefois, ces victoires législatives ne doivent pas occulter un contexte politique américain profondément clivé et exacerbé par des mois de vindictes médiatiques, de manifestations et de violences. La lutte contre le réchauffement climatique fait partie de ces sujets qui divisent l’Amérique. Dès lors, que peut-on attendre de la politique climatique de la nouvelle administration américaine ?

Une nouvelle Administration emmenée par le Président Biden et la Vice-Présidente Kamala Harris

 

Renouer avec l’ère Obama sans pour autant révolutionner l’approche climatique américaine 

Tous les observateurs internationaux saluent l’annonce du retour des Etats-Unis dans l’Accord de Paris et célèbrent la nomination de John Kerry en tant qu’envoyé spécial pour le Climat. Néanmoins, ces premiers pas semblent davantage relever d’une reconquête diplomatique que d’une vision politique. En effet, après 4 ans d’instabilité géopolitique, le Président Biden souhaite regagner la confiance des alliés historiques des Etats-Unis, notamment l’Union Européenne. Il faut donc montrer à ses partenaires des signes de bonne volonté et le Climat est aujourd’hui un sujet qui fait l’unanimité.  D’un point de vue domestique, de nombreux observateurs ont accueilli positivement les nominations du nouvel exécutif en soulignant néanmoins que le contenu du programme était encore maigre face à l’urgence de la situation.

Si le programme de campagne dit peu, on peut toutefois se reporter, non pas au Green New Deal, résolution du Congrès de Février 2019 porté notamment par la Représentante Alexandria Ocasio-Cortez et le sénateur Edward J. Markey et qui a fait grand bruit lors de la campagne, mais au rapport du Climate 21 Project. A contrario du Green New Deal, le Climate 21 Project est un plan tactique, pragmatique et détaillé de ce que doit faire l’Administration Biden dès son investiture. Il est donc moins attrayant que les mesures chocs et phares habituellement trouvées dans ces exercices (arrêt de l’extraction du charbon, neutralité carbone à 2050, mix énergétique 100% bas carbone…), mais il a le mérite de décortiquer les différents leviers de l’action fédérale dans la lutte contre le réchauffement climatique. Il dresse ainsi le tableau des organes de pouvoir, canaux de sensibilisation et régulation, ainsi que les opportunités d’actions directes que le Président Biden aura à sa disposition.

Non le privé ne fait pas tout aux Etats-Unis !

Le Climate 21 Project nous donne donc une bonne indication du futur esprit de la Présidence Biden, s’appuyant sur les institutions américaines, ses agences et administrations. Si le pays est à bien des égards allergique au « Big Government » et à l’« Establishement », il n’est pas pour autant démuni de tout pouvoir central. Au contraire, l’État fédéral est un acteur clé de l’économie américaine et a marqué l’histoire du XXème siècle par son interventionnisme patent (Complexe Militaro-Industriel, taux d’intérêt, cours du dollar, …). Le Président Joe Biden entend faire de cette puissance fédérale un moteur de la lutte contre le réchauffement climatique. L’objectif est de relayer l’influence de l’Etat fédéral à travers différentes agences comme l’Environmental Protection Agency (EPA), le Department of Energy (DOE) ou le Department of the Interior (DOI), le Council of Environmental Quality (CEQ), le Department of Agriculture (USDA) ou le Trésor, pour citer les principaux ! Ces agences pourront ainsi insuffler un vent réglementaire nouveau, plus ambitieux et contraignant en modelant le marché américain vers des actifs moins émetteurs de gaz à effet de serre.

La commande publique reste le champ d’action fédéral le plus important. L’État central détient et gère plus du tiers du territoire américain. Par l’intermédiaire du Department of the Interior, il alloue les permis d’exploitation, les locations de parcelles, les autorisations d’extraction de matières premières… 

U.S. Department of the Interior
Le U.S. Department of the Interior a été créé en 1849. Il est responsable de la gestion et de la préservation des terres et ressources fédérales américaines.

L’ambition est double :

  • accélérer le développement de projets renouvelables sur ces terres fédérales afin d’influencer et stimuler le marché, notamment off-shore ;
  • protéger les espaces terrestres et marins en règlementant ou interdisant l’exploitation de leurs ressources

Le Président Barack Obama avait déjà œuvré en ce domaine en interdisant l’exploitation du pétrole contenu dans la zone exclusive située au Nord-Est des Etats-Unis dans les océans Arctique et Atlantique en invoquant l’article 12.a de l’Outer Continental Shelf Lands Act. Cette décision a marqué l’histoire législative du pays de par son caractère inédit et son irrévocabilité.

 

Les principales mesures annoncées jusqu’à présent

Pour l’heure, le Président Biden n’a indiqué que quelques axes de sa politique environnementale, mais a tout de même annoncé un investissement de 2 000 milliards de dollars afin de financer un vaste plan d’infrastructures. Parler de l’amélioration « des routes, des ponts et des réseaux » selon les mots du programme permet d’aborder la question climatique sous un angle bipartisan et ainsi rassembler la majorité des électeurs derrière un même plan économique et social. L’administration souhaite ainsi démontrer que la politique de lutte contre le changement climatique est un levier essentiel de la relance économique grâce à la création d’emplois associés. Toutefois, l’effet des mesures annoncées dans ce plan d’infrastructures vertes sera sans doute minime sur le réchauffement climatique.

Pour la mobilité, Biden souhaite reconstruire l’industrie automobile américaine en investissant massivement dans les voitures électriques et la création de l’écosystème nécessaire à son utilisation avec l’installation massive de bornes de chargement à travers le pays. Enfin, il faut mentionner le souhait de conduire la rénovation énergétique de plus de 4 millions de bâtiments tertiaires (soit plus de 70% du parc commercial américain) et de plus de 2 millions de logements privés sur les quatre années du mandat.

De manière plus immédiate, il est prévu que la nouvelle Administration revienne aux réglementations telles qu’elles ont été rédigées et votées sous l’Administration Obama et défaites de manière systématique par le Président Trump. Le Président devrait lever également les attaques en justice lancées par l’administration Trump contre l’Etat de Californie visant principalement à endiguer son programme de réduction de gaz à effet de serre. Cette décision redonnera les coudées franches aux Etats les plus avancés dans leur transition énergétique et permettra d’entraîner les autres Etats américains dans cette course.

Sur une note moins positive, Joe Biden a affirmé à plusieurs reprises durant la campagne présidentielle qu’il n’interdirait pas le fracking, signe de sa politique climatique « modérée ». On peut donc s’interroger sur la compatibilité de ces promesses avec un scénario de neutralité carbone à horizon 2050 pour les Etats-Unis d’Amérique. 

Chaque année des événements climatiques violents frappent les côtes et l’intérieur des terres américaines, et ce, de plus en plus fréquemment et de manière accrue. La tâche de la nouvelle administration est par conséquent urgente et difficile. Il faudra d’abord rassembler le Peuple américain derrière un nouveau projet collectif de relance, que le Président oriente vers les infrastructures vertes à savoir, la mobilité électrique, la production d’énergies renouvelables et l’amélioration des réseaux. Il reste toutefois à réinventer l’imaginaire américain qui s’est nourri, durant les trois derniers siècles de son époque moderne, de l’exploitation intensive des sols et des sous-sols.

 

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