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Changement climatique : le lourd prix de l’inaction

changement climatiqueSource : Getty

La COVID-19 et les différentes mesures de confinement mises en œuvre dans le monde n’y changeront rien. Certes, les déplacements motorisés ont reculé et les voyages en avion drastiquement baissé. Mais l’ONU a refroidi nos espérances en réaffirmant les tristes prévisions du dérèglement climatique : d’ici 2100, si les trajectoires actuelles sont maintenues, le monde se réchauffera de trois degrés. Si nous ne souhaitons pas réduire massivement notre consommation d’énergie et nous orienter vers le modèle amish, nous devons urgemment sortir des fossiles partout où cela est possible.

 

Les sombres perspectives de l’inaction climatique

Comme un clin d’œil à notre futur, le mois de novembre a été le plus chaud jamais enregistré à l’échelle du globe. Ces dernières années, la littérature scientifique a adopté une démarche prospective pour prédire les difficultés à venir. Si elles restent encore hypothétiques, quoique désormais hautement probables, les visions des scientifiques s’accordent pour annoncer la disparition massive des espèces connues (entre 40 et 70 %), la hausse du niveau marin ou encore l’accroissement du nombre de phénomènes extrêmes (tornades, ouragans, sécheresses…). Les populations occidentales ne seront pas épargnées. Une étude publiée en août 2017 par le Lancet Planet Earth affirme que deux Européens sur trois seront affectés, d’ici 2100, par des catastrophes climatiques. Ils n’étaient que 5 % le siècle dernier. Le réchauffement climatique amène aussi avec lui ses équations à multiples inconnues, comme la bombe à retardement que constitue la fonte du permafrost et ses considérables réserves de méthane, un puissant gaz à effet de serre.

Au niveau humain, un rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT), daté de juillet 2019, considère que le réchauffement climatique pourrait coûter 80 millions d’emplois d’ici 2030. Le GIEG, quant à lui, prévoit de nouveaux risques sanitaires, tant du fait des canicules, que de l’arrivée, dans les pays du Nord, de maladies exotiques comme le paludisme ou la dengue. Accrus, les risques de conflits pourraient enflammer de nombreuses régions du globe, tant du fait des guerres de l’eau que de l’arrivée, à nos portes, de dizaines de millions de réfugiés climatiques que nos pays ne sont ni prêts, ni en capacité d’accueillir. Sans sombrer dans le catastrophisme, d’un point de vue bénéfices – risques, les coûts de l’immobilisme seront sans commune mesure avec ceux d’un engagement volontariste des États. Le prix de l’inaction climatique a été estimé dans une fourchette comprise entre 40 et 210 milliards par an au cours des deux prochains siècles, selon des chercheurs britanniques.

 

Une COVID-19 — et ses confinements — par an ?

Rappelons que pour rester sous la barre des 1,5 ° — ce qui semble d’ores et déjà peine perdue —, une réduction de 62 % des émissions entre 2017 et 2030 aurait été nécessaire, selon les modélisations du cabinet d’analyse BL Evolution. Soit environ 6 % par an, ce qui correspond peu ou prou aux émissions que nous ont épargnées les mesures de confinement. Il faudrait, donc, une COVID-19 accompagné de ses mesures de confinement par an, pour suivre les trajectoires de l’Accord de Paris. 

Certains évoquent les scénarii de « sobriété heureuse ». Avec des mesures aussi impopulaires, coercitives et liberticides que l’interdiction des vols internationaux non-justifiés, la prohibition de la vente de véhicules neufs pour un particulier ou encore la division par trois du flux vidéo. Et ce, à l’échelle internationale. Qui se souvient de la crise sociale née de la taxe carbone en 2018 sait que toutes les formes de décroissance énergétique représentent une perspective irréaliste qui se heurtera au plafond de verre de l’acceptabilité sociale.

 

Se sevrer des fossiles n’est pas négociable

S’il n’est pas question de ralentir les activités humaines, alors une transition rapide vers les énergies bas-carbone est nécessaire. Car le charbon, le pétrole et le gaz naturel sont une drogue dont l’Humanité a bien du mal à se sevrer. Représentant 82 % de la consommation finale d’énergie en 2018, ils sont aussi responsables de plus de 80 % des émissions anthropiques de gaz à effet de serre. Il faudrait, idéalement, remplacer ces 82 % par des sources d’énergie décarbonées. Pourtant, le monde semble loin du compte. Selon un rapport publié en novembre 2019, la seule production de charbon prévue en 2030 excède de 150 % les objectifs de l’Accord de Paris.

Alors que les pays doivent, de toute urgence, entamer leur sortie des énergies fossiles, comment comprendre l’arrêt définitif des 7 réacteurs belges d’ici à 2025, confirmé par le gouvernement « écologiste » du pays ? Sachant que, pour récupérer les 6 GW produits chaque année par les centrales belges, le gouvernement prévoit certes d’accentuer les efforts sur le renouvelable, malgré ses insuffisances chroniques, mais aussi de construire de nouvelles centrales au gaz, dont les émissions de CO2 sont quasiment 35 fois supérieures à celles du nucléaire. Là où la Pologne, l’un des traditionnels très mauvais élèves européens, a récemment fait le choix de s’orienter vers la construction massive de réacteurs nucléaires en engageant un budget de 33 milliards d’euros pour sortir du charbon. Là où la Chine, désireuse d’atteindre la neutralité carbone en 2050 a mis en service, le 28 novembre dernier, le Hualong One, le premier réacteur 100 % made in China. Rappelons que, dans son dernier rapport, l’International Energy Agency a rappelé que, d’ici 2025, le nucléaire resterait la technologie bas-carbone pilotable la moins coûteuse. Il est toujours utile de réaffirmer aussi que la montée en puissance des énergies renouvelables, si elle est salutaire, ne peut se faire que par un soutien actif à un mode de production d’énergie propre et pilotable, pour combler leurs déficits quand il n’y a pas de vent où que le soleil ne brille pas. Et qu’il serait parfaitement hypocrite de se positionner sur des solutions de stockage à très grande échelle, qui restent encore indéployables.

 

Dos au mur, les décideurs doivent prendre conscience que les coûts engagés aujourd’hui en faveur de la sortie des énergies fossiles resteront toujours inférieurs à ceux du laisser-faire court-termiste. Surtout, comme ne l’ont pas fait les Belges, il convient de se garder de décisions qui, même sous couvert d’écologie, peuvent avoir des effets contraires à ceux espérés.

 

Par Olivier DurinDirecteur de publication du site Le Monde de l’Energie.

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