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Les Noces De Pierre Hermé Et L’Occitane Au 86 Champs-Elysées

©Getty Images

Qui a dit que business et amitié ne faisaient pas bon ménage ? 86Champs réunit en une seule adresse, sur « la plus belle avenue du monde », les univers de deux maisons françaises au rayonnement international, Pierre Hermé et L’Occitane. Un concept-store « bâti sur le ciment de l’amitié » entre deux entrepreneurs passionnés et leur garde rapprochée. Rencontre avec le chantre de la pâtisserie haute couture.

Même de dos, sa silhouette ne passe pas inaperçue. Une jeune fille et sa mère, au regard insistant, franchissent le pas et viennent saluer leur voisin de table d’un jour, le « roi » Pierre Hermé. « Nous vous admirons tant ! Merci d’avoir ouvert ce lieu magique qui nous fait vraiment du bien », confie le duo sensiblement ému. Souriant et accessible, l’homme consacré « Picasso de la pâtisserie » vingt ans plus tôt par le critique gastronomique du magazine américain Vogue, échange volontiers quelques mots sur ce « projet de cœur bâti sur le ciment de l’amitié ». Le 86Champs, nouveau concept-store de la marque gourmande qui fait vie commune avec l’enseigne de cosmétiques L’Occitane, sur « la plus belle avenue du monde »… Incongru ? « Oui, seulement sur le papier », introduit Pierre Hermé qui revient sur la gestation de ce lieu hybride « longtemps réfléchi ».

Racontez-nous la genèse de cette enseigne phare, « 86Champs » ?

Le point de départ de ce projet est mon amitié avec Olivier Baussan, fondateur de la marque L’Occitane. Lorsque nous avons fait connaissance il y a vingt ans, nous savions au bout de dix minutes que nos destinées resteraient liées. Cela fait partie de ces rencontres exceptionnelles qui marquent une vie ! Autour de notre amitié, ce sont deux entreprises qui se sont rencontrées avec l’envie d’explorer des univers créatifs, assez proches je dois dire.

La pâtisserie et la beauté cultivent des valeurs communes en requérant aux mêmes savoir-faire d’excellence : intransigeance sur la qualité des matières premières, exigence sur la technicité des gestes, tout en recourant aussi à des termes analogues au niveau des textures, des sensations, des odeurs et parfums… D’où une première collaboration en 2015 autour d’une collection éphémère de crèmes pour les mains inspirées de senteurs pâtissières.

Après cette expérience réussie, nous voulions aller plus loin en imaginant un concept store à la fois salon de thé et bulle de bien être. Olivier Baussan m’a présenté à Reinold Geiger (PDG de L’Occitane) afin de réfléchir à ce que l’on pourrait appeler une « idée folle » ! Mon acolyte et moi-même n’avons eu aucun mal à le convaincre. En moins d’un an, le projet a abouti. Je me souviens d’ailleurs que lorsqu’un bail s’est libéré sur les Champs-Elysées, nous devions décider de signer en quelques heures à peine.

Vous vous trouvez à quelques encablures du non moins célèbre salon de thé Ladurée, 86Champs est-il fidèle à vos projections ?

Ce qui pouvait être improbable apparaît comme une évidence aujourd’hui, 86Champs marie à merveille les deux univers. Grâce à Laura Gonzalez, notre architecte visionnaire, les espaces se confondent tout en existant chacun à part entière. Le lieu est à la fois moderne et chaleureux avec le goût comme fil rouge. Comme tout projet audacieux et novateur, il y a une prise de risque d’entrepreneurs. Je salue mon associé Charles Znaty et Adrien Geiger, le fils du président Reinold, pour leur précieux investissement à nos côtés, le concept-store est en osmose avec ce que nous voulions. Il y a quelques derniers points de fignolage à apporter, je pense aux spots lumineux de l’arrière salle, un peu trop violents selon moi. Nous sommes donc en train de les réajuster.

L’essence même de notre boutique nous différencie des autres salons de thé à l’instar de Ladurée que vous citez. Mêler la pâtisserie aux cosmétiques, sans la prétention d’en faire notre flagship, relève d’une autre démarche : celle de faire coexister deux mondes riches en savoir-faire ainsi qu’évoqué en préambule.

Une histoire d’entrepreneurs et de passionnés… Quelles sont les principales étapes de la création de votre enseigne ?

J’ai fait mes armes chez Gaston Lenôtre à l’âge de 14 ans. Cette grande maison qui fait, à juste titre, figure d’institution m’a permis d’explorer toutes les arcanes du métier et surtout de maîtriser l’ensemble des techniques et des savoir-faire. Plus tard, alors que j’œuvrais comme Chef pâtissier chez Fauchon, j’ai croisé la route de mon futur associé, Charles Znaty. Cette rencontre déterminante coïncidait avec l’envie de créer mon enseigne éponyme. Nous ne nous sommes pas tournés spontanément vers la France mais vers le Japon où nous avons ouvert à Tokyo la première boutique Pierre Hermé Paris en 1998.

Durant la décennie 2000, nous avons poursuivi notre expansion en inaugurant plusieurs magasins à Paris (Saint-Germain-des-Prés, rue Cambon, 17ème arrondissement) et en ouvrant plusieurs points de vente en Europe, au Moyen-Orient et en Asie. Avant la Ville Lumière, j’avais déjà imaginé en 2005 des concept-store dans l’archipel nippone, à l’exemple d’une « supérette de luxe » et d’un « Bar chocolat ». Dans cette terre de culture et de saveurs, j’ai accès à une source d’inspiration inépuisable : thés verts, sésame, yuzu, wasabi ou encore miso blanc sont autant de terrains de jeux à explorer pour imaginer de nouvelles associations de goûts et de textures. D’ailleurs, le Japon demeure notre premier marché en termes de chiffre d’affaires, nous y employons 200 salariés sur un effectif total de 500.

Vingt ans de success-story, un ancrage aux Champs-Elysées à présent, comment appréhendez-vous l’avenir ? Avez-vous des inquiétudes vis-à-vis de la pénurie de chocolat qui pointe à horizon 2020, risquant de mettre à mal votre cœur de métier ?

 Voilà une prophétie qui n’a rien de nouveau et qui refait surface de manière un peu cyclique. Souvenons-nous du « péril jaune » dans les années 90 autour des consommateurs chinois portés de plus en plus sur le chocolat. La culture de cacao n’a-t-elle pas malgré tout résisté ? A mon sens, ce sujet de pénurie – à l’image de la crise du beurre dans les grandes surfaces l’automne dernier –  impacte davantage la distribution de masse, à rebours d’une enseigne spécialisée comme la mienne.

Pourquoi ? Je m’approvisionne auprès d’un fournisseur spécifique dans une plantation brésilienne qui cultive du chocolat uniquement pour ma Maison. Chacun de mes produits reposent sur une filière solide et exclusive : mes citrons sont sourcés en Sicile, mon beurre est issu d’une laiterie de Charente, ma crème d’Alsace… Il y a un seul décisionnaire sur cette question de matières premières, et c’est moi-même.

Issu d’une lignée de quatre générations de boulangers-pâtissiers alsaciens, j’aimerais continuer, encore et toujours, à exercer ce métier de passion. Des plaisirs aux rencontres, des lectures aux voyages, des fragrances aux textures… Je suis curieux de tout. Dans mon Atelier de création, j’imagine les goûts et les associations de saveurs que je matérialise à travers des dessins. J’écris les recettes, fixe les proportions. Aux 86Champs, je propose d’ailleurs pour la première fois une carte salée. A la fois light, simple et variée, elle s’adresse à tous les palais et toutes les envies, allant des omelettes sans œufs, aux légumes en passant par une sélection de croque-monsieur bien généreux, l’exploration est infinie !

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