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Si, un Google ou un Amazon français sont possibles !

OPINION // Personne ne croit que la France va faire émerger demain, sur son sol, un leader mondial des technologies de l’information. Pourquoi une telle résignation, un tel manque d’ambition alors qui rien n’est irrémédiable ?

 

Pourquoi si peu de licornes françaises (des start-up technologiques valorisées plus d’un milliard de dollars – ou d’euros ? Même si l’évaluation de leur nombre varie d’un baromètre à l’autre mais, tous les classements montrent que la France est à la traîne, en particulier par rapport à des pays bien moins riches ou bien moins peuplés (Corée du Sud, Israël, etc…).
Et même parmi celles reconnues comme tel, le palmarès est contestable. Car bien peu d’entre elles obtiennent cette valorisation avantageuse grâce à un chiffre d’affaires conséquent et récurrent ou à des bénéfices élevés reposant sur un modèle économique durable.
Cette valorisation repose le plus souvent sur une estimation attribuée lors d’un tour de table financier élevé – toujours subjectif donc instable – ou lors d’une (rare) introduction en Bourse, là aussi incertaine, pour les mêmes raisons.
Si le constat est connu, et ne mérite donc pas davantage de développement, les conséquences de cette faiblesse méritent qu’on en mesure les conséquences. En particulier le fait que l’absence de leaders technologiques de niveau mondial dans les technologies de l’information limite la création d’un tissu innovant puissant et durable, attirant de façon régulière capitaux et talents du monde entier. Et favorise l’exode des cerveaux.

 

La start-up nation, un village gaulois ?

Il faut bien le reconnaître, la « Start-up Nation » reste, malgré les efforts louables de la puissance publique, un village hexagonal, pour ne pas dire gaulois
Une des raisons principales pour lesquelles le problème persiste vient, semble-t-il, du fait qu’il est largement sous-évalué, voire mal analysé. On a tendance à se gausser de l’existence de milliers et de milliers de start-up, de presque autant de structures d’accompagnement, voire d’accélération, et même des sommes considérables payées par le contribuable pour que ce paysage se renouvelle… A croire que c’est le nombre de start-up recensées dans les différents répertoires de la French Tech qui permettrait de mesurer le succès de celle-ci.
Il n’en est rien. Au contraire, on peut se demander si le ratio argent public versé/richesse créée par les start-up est si avantageux que cela…
Se montrer dubitatif sur la réponse ne signifie pas qu’il faut jeter le bébé avec l’eau du bain mais peut-être qu’il faut se baigner autrement.
Un premier indice qu’il faut une nouvelle direction vient du constat que rencontrent les entrepreneurs français lorsqu’ils se lancent en dehors des frontières hexagonales. L’éclairage a récemment été porté sur le patron de Moderna – COVID oblige – mais, rien qu’en Californie, ils sont des milliers à avoir développé des entreprises à succès, souvent après avoir fait le constat qu’ils n’y arriveraient pas – du moins pas aussi bien, pas aussi vite – dans leur pays d’origine.

Là encore, beaucoup d’arguments ont déjà été avancés pour expliquer cette désolante réalité : faiblesse des structures, des mentalités, de l’écosystème, etc… Tout cela est vrai, mais il manque une façon de voir le problème.
Il faut également prendre en compte la mentalité environnante : au futur CEO gaulois qui « voudrait changer le monde », ou tout simplement devenir un leader mondial, son environnement économique et financier, ses structures d’accompagnement, voire ses « mentors » ont tôt fait de modérer ses ardeurs. « Fais d’abord tes preuves en France (voire en région), puis tu verras ensuite dans les pays limitrophes. D’ici 2 à 3 ans, il sera toujours temps de préparer vraiment l’international ».
Quel startupper n’a pas été confronté à un tel discours dans un pays où l’ambition avérée, quelque fois depuis le plus jeune âge, peut être considérée comme suspecte ?

Or, 3 ans, à l’échelle de l’innovation technologique, c’est le long terme ! Non seulement les meilleures places peuvent être prises par plus entreprenant et mieux financé que soi sur les marchés internationaux encore vierges de l’innovation mise au point en France, mais ces futurs concurrents viendront bientôt, plus puissants et mieux financés, sur le marché domestique de la start-up gauloise. A moins qu’ils ne la rachètent à prix cassé, ce qui peut aussi correspondre à une ambition « raisonnée ».
Pourtant, une connaissance approfondie de l’ensemble du territoire français où l’on innove – en gros partout – montre que l’on pourrait nettement mieux faire.
Car le vivier est bien là : dans tous les domaines qui façonneront la société de demain : intelligence artificielle, environnement, énergies alternatives, mobilité, robotique, etc… des innovations sortent des laboratoires et des garages.

 

Preuve de concept, mais pas de marché

Mais c’est là que le bât blesse. Car si ces innovations ont bel et bien été financées par des dispositifs appropriés soutenus par la puissance publique, on s’arrête là.
Après la preuve de concept, reste à faire la preuve de marché… Certes, les start-up du monde entier ont le même problème. Mais la différence entre la France et d’autres pays plus exemplaires, c’est que le private equity prend des risques (dans capital risque, il y a « risque »).
Pas en France, du moins pas à ce stade de maturité de la start-up. Où sont les business angels qui servent à cela partout ailleurs dans le monde ?
D’ailleurs même dans les discours publics actuels, on entend les grands financeurs se targuer de pouvoir désormais suivre des tours de table en centaines de millions d’euros lors de séries B, C, D, etc…. Certes, mais combien auraient pu prétendre arriver jusque-là et sont mortes (ou vendues) bien avant ?

La réponse est évidemment dans la question.

Pourtant, la solution est facile à résumer : si une fraction seulement de l’argent public utilisée pour faire la preuve de concept pouvait servir à faire la preuve de marché, l’horizon changerait immédiatement.
Concrètement, cela veut dire financer des efforts commerciaux à l’international. Certes, l’assurance prospection, par pays, existe. Mais elle est beaucoup trop restrictive pour les start-up innovantes qui veulent tester leur innovation très tôt. C’est la culture du MVP (Minimum Viable Product) qui échappe encore presque totalement à la France, alors qu’elle constitue le fondement de toute start-up qui considère que son pré carré est la planète entière et qu’il faut confronter ses idées aux différents marchés le plus tôt possible. Pour apprendre, corriger et revenir avec une nouvelle version. Pas construire sa Rolls tout seul dans son garage avec l’argent du gouvernement et voir ensuite ce qu’il se passe…

 

La recette miracle existe

Outre ce positionnement financier qui manque, et l’état d’esprit qui va avec, il faut reconnaître qu’un autre ingrédient est nécessaire pour passer ce cap. L’entrepreneur doit avoir la lucidité et la modestie de reconnaître qu’il faut se faire aider par ceux qui connaissent ces nouveaux marchés, et en particulier le « way of doing business ». Ces compétences existent : elles abondent, notamment en Silicon Valley, où des dizaines de pays s’appuient sur elles pour aider leurs propres start-up.
En ce qui concerne la France, l’effort passe essentiellement par l’agence Business France qui a beaucoup de mérites, mais pas celui de travailler avec ces spécialistes locaux du business développement, de la GoToMarket Strategy, du marketing mondial, etc…
Le schéma idéal serait celui où de tels experts pourraient être directement connectés avec les structures d’accompagnement des start-up basées en France et préparer ensemble, de façon rationnelle, mesurée par résolue, des plans de développement globaux.
Loin de faire peur aux investisseurs (les vrais, ceux qui sont prêts à miser sur la création de valeur), ces schémas leur inspireraient confiance au moment d’investir, ou de réinvestir, dans les start-up. D’ailleurs, plusieurs pays européens – en particulier en Grande-Bretagne – disposent de fonds qui se dotent eux-mêmes, directement, d’équipes internationales capables d’accompagner leurs start-up dans la croissance globale. Chiche ?

 

Michel Ktitareff – Président de Scaleup-Booster

 

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