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Les temps incertains : un électrochoc  à notre posture en entreprise…

entreprisesPhoto taken in Saint-Mard, France

Les organisations sont-elles capables d’apprendre dans ces temps incertains, dans un contexte où les situations répétitives, la routine, la saisonnalité ne font plus partie du décor ? Comment les organisations pourraient-elles profiter de cet électrochoc pour revoir leur posture managériale ? Par Christian Rivet, Professeur Associé de Marketing à Grenoble École de Management (GEM), Delphine Gatti Urweiller, Responsable des Programmes Innovation GEM labs, Grenoble École de Management (GEM). 

Reprenant le modèle de Chris Argyris, Donald A. Schön sur les boucles d’apprentissage, dont le principe est d’améliorer l’efficacité de son action collective, de revoir de manière continue son organisation, et par conséquent être plus réactive et performante, nous proposons un regard positif sur le nouvel environnement des entreprises.

Observer, comprendre 

J’écoute la météo et je ne fais plus rien, j’annule mon WE… Ou à l’opposé, je pars dans la nature en râlant parce qu’il pleut et que cela n’était pas prévu.  Nous sommes, depuis quelques années, entrés dans un monde où tout doit être certain. Nous fonctionnons souvent dans une fourchette de possibles et de contrôles. Argyris et Schön définissent ce comportement comme un apprentissage en simple boucle : « faisons-nous les choses correctement ? ».  Si j’atteins la limite, la frontière alors je m’arrête, je suis restreint par des normes, un cadre, des représentations.  
Pourquoi ? Parce que j’ai appris à fonctionner comme cela ! Cependant, dans ce contexte, réapprendre en permanence, c’est être capable d’analyser les normes, prendre du recul et décider d’une position adaptée en fonction des éléments variables. Pour ces auteurs, il s’agit de l’apprentissage en double boucle : « faisons-nous les bonnes choses ? ».

Visualiser la complexité

Sur le plan météorologique, une situation anticyclonique est assez prévisible, il est alors possible de partir avec peu de matériel. Dans notre cas, en entreprise, face à cette complexité, il est préférable de choisir des équipements modulables.  Pour Edgar Morin, la complexité est « ce qui est tissé ensemble« . Il faut donc observer cette météo et détecter les indices ! Regarder la forme des nuages, la vitesse et le sens de déplacement. Mais aussi regarder l’éclair de l’orage et compter l’espace-temps avant d’entendre le bruit du tonnerre…Cette observation ne peut être comprise que par un esprit bien préparé. En entreprise, ce pourrait être comparé à l’observation et la prise en considération des acteurs en présence, de leur interaction avec les parties prenantes, de leurs différents contextes, des signaux faibles et savoir visualiser ceci comme un paysage en mouvement.

La mètis, version contemporaine

Selon Marcel Detienne et Jean-Pierre Vernant, la mètis est « un ensemble complexe, mais très cohérent, d’attitudes mentales, de comportements intellectuels qui combinent le flair, la sagacité, la prévision, la souplesse d’esprit, la feinte, la débrouillardise, l’attention vigilante, le sens de l’opportunité, des habiletés diverses, une expérience longuement acquise ; elle s’applique à des réalités fugaces, mouvantes, déconcertantes et ambiguës, qui ne se prêtent ni à la mesure précise, ni au calcul exact, ni au raisonnement rigoureux. ». Cette notion est à prendre avec des pincettes, il est bon d’ajouter une dimension éthique pour ne pas œuvrer dans le sens de la tromperie ou de la manipulation. Nous retiendrons plutôt le flair, la souplesse d’esprit, la débrouillardise, la vigilance pour mieux faire face à des réalités fugaces, mouvantes, déconcertantes qui sont notre actualité.  Il n’est nul besoin de passer au-delà des règles et des lois mais plutôt de développer un sens de la critique, de l’analyse, de la compréhension de l’environnement, du système. Avoir une approche systémique et obtenir une vision synoptique devient un atout majeur en entreprise… 

 A temps incertains, outils modulaires

Un voyage vers l’incertitude demande d’avoir des objets vous permettant de répondre à un maximum de scenarii. Ils ne se prêteront pas au calcul rigoureux, à la mesure précise, mais ils seront là pour apporter la solution tel un couteau suisse, et permettront de travailler selon un « management à la pagaie », pour s’adapter dès que nécessaire sans changer de cap.

De nouvelles compétences

Cela demande un savoir, un savoir-faire, un savoir-être. Une compétence “douce” que l’on a du mal à résumer sous un seul nom, qui alliera observation, scénarisation, bricolage (dans le bon sens du terme selon R. Duymedjian évoquant les travaux de  C. Levi-Strauss), adaptation… Pourquoi ne pas acquérir ce côté anti-fragile énoncé par Nassim Nicholas Taleb. « Pour se rendre anti-fragile, il faut accepter et essayer d’apprivoiser l’insécurité plutôt que de l’éviter ou de l’éliminer ».

Dans le cadre de l’apprentissage, ce sont des compétences orientées solutions qui sont à mettre en œuvre. Des méthodes comme la cartographie des controverses de B. Latour nous permettent de visualiser les éléments, les acteurs, les points de vue et la portée d’un sujet. Pour ce qui est de la recherche de solutions, les méthodes de « design thinking » sont riches et positives pour s’adapter et itérer.  
L’esprit doit également être préparé à une forme combinatoire de résolutions :  j’utilise une technologie pour résoudre mon problème. Mais qu’en est-il si je change de technologie ?  Idem, si je recherche une solution dans un environnement défini avec un utilisateur unique. Quelles seraient les solutions si toutes ces variables changeaient ? 

Ces solutions multiples sont souvent imaginées dans un temps raccourci et doivent être testées rapidement en “laboratoire” avant d’entrer en application. Pour reprendre l’idée de l’anti-fragilité“ce qui profite des événements inattendus”, il n’est pas question de mettre en danger qui que ce soit, mais de tester le plus possible des solutions, des scénarii orientés vers le futur et non tournées vers l’analyse du passé ; le tout dans des espaces “laboratoires” permettant d’observer, analyser et s’entrainer sur ces processus créatifs d’organisation.  

Nous sommes certainement entrés dans un apprentissage en triple boucle : « comment décidons-nous de ce qui est correct ?” Apprendre à apprendre en révisant sans cesse les modèles d’apprentissage : Observer, combiner, imaginer les solutions et itérer sans cesse.  

<<< À lire également : Devenir une entreprise vivante pour faire face à la complexité et l’incertitude >>>

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