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Hyperloop : Le Concept De Déplacement Rapide Imaginé Par Elon Musk

© Getty Images

L’Hyperloop est un système de déplacement très rapide conceptualisé par l’entrepreneur Elon Musk.

En plein cœur de la guerre de Sécession, le chapitre le plus sombre de l’histoire de l’Amérique, une chose extraordinaire se produisit. Les entreprises et le gouvernement, les citoyens et immigrants fraîchement arrivés sur le territoire, tous se sont rassemblés pour construire près de 3 218 mètres de rails, de ponts et de tunnels pour rendre possible la traversée des Etats-Unis dans toute la largeur du pays. Cela prit six ans, c’est-à-dire plus de temps que la durée de la guerre entre les Etats, mais ce fut un accomplissement remarquable. Le temps de voyage d’un bout à l’autre du pays diminua considérablement en passant de plusieurs mois à environ une semaine ; quant au coût, il passa de près de 1 000 dollars à pas plus de 65 dollars, soit une baisse de 93%.

Dire que le chemin de fer fut l’une des premières grandes manifestations de puissance industrielle et qu’il aida à motiver l’élévation de l’Amérique au rang de première puissance économique mondiale pour les cent cinquante années suivantes minimiserait grandement son impact.

Nous en venons donc au Président Donald Trump, à Elon Musk, et au fameux slogan « making America great again ». Il y a quelques jours, Elon Musk écrivit dans un tweet qu’il avait « l’autorisation » de construire un Hyperloop allant de Boston à Washington en passant par New-York, avec des arrêts à Philadelphia et à Baltimore. Son plan implique l’usage de la technologie naissante appelée Hyperloop (dont le premier test vient d’être réalisé, bien que sur une distance minuscule et seulement à 1/10e de la vitesse prévue) et l’application de cette technologie à ce qui serait le tunnel le plus long jamais construit par l’Homme. Et ce tunnel serait six fois plus long que le plus long jamais construit.

Le projet d’Elon Musk est objectivement « impossible » à concrétiser, et ce pour d’innombrables raisons. Actuellement, le monde n’abrite pas un seul Hyperloop en fonctionnement. Il est probablement plus logique d’en construire un quelque part avant de s’engager à en construire un immense en sous-sol. La géologie du nord-est des Etats-Unis est complexe, présentant de nombreux types de roches et de sols différents, sans compter le fait que creuser le sol n’est pas une mince affaire. Un forage d’une profondeur de 3,2 km à Seattle fut repoussé de plusieurs mois à cause de débris, d’une machine capricieuse et des réparations nécessaires pour la faire fonctionner à nouveau. Ce tunnel est finalement terminé, mais la voirie qu’il contient ne l’est pas et le projet ne sera achevé que deux ans après la date prévue.

Un article du groupe financier américain Bloomberg explique pourquoi il y a tout un monde entre le tweet d’Elon Musk et un voyage de 29 minutes entre New-York et Washington. Le magazine américain Wired expose les réalités politiques de la réalisation de cette voie qui passerait par de multiples Etats et qui ferait face à des standards environnementaux sévères. Wired et Bloomberg ont tous deux raison, ce projet ne peut être réalisé. Il n’y a qu’à voir le dernier grand projet de voie ferrée connu par l’Amérique : le très fameux Second Avenue Subway de New York n’implique que 3,2 km de nouveaux rails et stations de métro, mais il coûte plus de 2,2 milliards de dollars par km. Il a fallu dix ans pour le construire, mais cela n’est qu’une infime partie de l’histoire d’un projet dont les prémices remontent aux environs de l’année 1919. La ville de New York espère construire environ 9 km de plus sur cette ligne de métro, pour un coût similaire par km, sur plusieurs décennies.

La voie ferrée transcontinentale ne fut pas non plus une idée facile à mettre en œuvre. Peut-être n’avez-vous jamais entendu parler du Dr. Hartwel Carver, l’arrière petit-fils de l’un des passagers du Mayflower. En 1832, il proposa l’idée d’un train qui traverserait le nord de l’Amérique. À l’époque, la Californie tentait de se libérer de la domination mexicaine. L’idée fantasque de Carver fut rejetée par le Congrès, mais à force de persévérance, il finit par obtenir l’autorisation de la concrétiser en 1847. Sa proposition de construction d’un chemin de fer s’étendant du Lake Michigan (Nord des Etats-Unis) à l’Océan Pacifique fut un tremplin pour le concept et 22 ans plus tard, le projet devint réalité.

Il est peut-être un fait encore plus remarquable que le commencement de la construction pendant la guerre : son coût, qui est estimé à 60 millions de dollars. Aujourd’hui, les trains installés dans des tunnels sont peut-être 4000 fois plus coûteux que ceux du milieu du 19e siècle, lorsque l’Amérique entrait dans l’ère de sa puissance industrielle.

Ainsi, l’idée d’Elon Musk semble absurde. Le PDG de deux entreprises qui tente de construire des véhicules électriques et de révolutionner le voyage spatial s’est tant éparpillé qu’il se met aussi à explorer l’intelligence artificielle, sans oublier qu’il essaie de bouleverser le secteur du forage avec une société de construction de tunnel qu’il a baptisée The Boring Company. Cependant, l’histoire nous enseigne qu’ignorer les rêveurs peut s’avérer regrettable.

Elon Musk est souvent comparé à Tony Stark, le personnage fictif milliardaire qui devient Ironman, mais la meilleure comparaison que l’on puisse faire est en fait celle avec l’aviateur Howard Hughes. Si ce dernier révolutionna l’aviation, son plus grand exploit fut peut-être d’aider le gouvernement des Etats-Unis à extraire un sous-marin soviétique, le K-129, des fonds marins de l’Océan Pacifique, à plus de 3 km de profondeur. La légende veut que lorsque les Russes virent cela se produire, leurs espions surent alors que la Guerre froide était perdue. Dans les années 70, l’Union soviétique dut faire face à de grandes difficultés économiques, quand l’ennemi américain faisait l’impossible.

Ce fut particulièrement déplorable pour les dirigeants soviétiques, car cet événement marquait la fin d’une époque dans laquelle l’URSS avait eut une stature d’avant-gardiste technologique. Les Russes mirent le premier satellite en orbite, en 1957, et envoyèrent Youri Gagarine dans l’espace avant que les Etats-Unis ne puissent suivre avec Alan Shepard un mois plus tard, en 1961. L’année suivante, un autre visionnaire, le Président John F. Kennedy, prédit que l’Amérique ne resterait pas dans l’ombre de son adversaire.

« Nous avons choisi d’aller sur la Lune au cours de cette décennie et d’accomplir d’autres choses encore, non pas parce que c’est facile, mais justement parce que c’est difficile. Parce que cet objectif servira à organiser et à offrir le meilleur de notre énergie et de notre savoir-faire, parce que c’est le défi que nous sommes prêt à relever, celui que nous refusons de remettre à plus tard, celui que nous avons la ferme intention de remporter, tout comme les autres. » JFK, Septembre 1962

Kennedy établit clairement que cela n’était pas une vaine tentative. « Je considère cette décision comme au nombre des décisions les plus importantes qui seront prises pendant mon mandat, » ajouta t-il. Personne ne sut comment réaliser cela. Nous n’avions pas la technologie nécessaire, ni les antécédents, ni même les mathématiques ! Mais nous avions la volonté et le sens des obligations; en seulement sept ans le plan de Kennedy devint le « petit pas » de Neil Armstrong sur la lune.
Parce qu’il est né en Afrique du Sud, Elon Musk ne pourra jamais être président. Néanmoins, avec Space X, Tesla, et son habilité à susciter la fascination en avançant des idées comme l’Hyperloop, Elon Musk rappelle le meilleur de Hughes et de Kennedy. Comme Donald Trump, il fait souvent ses plus grandes annonces sans avertissement, sur Twitter. Et comme Trump, il a évoqué une renaissance de l’infrastructure aux Etats-Unis. Si Musk pense en effet avoir obtenu « l’autorisation » pour la construction de son Hyperloop, il est possible que lui et Trump partagent également une certaine naïveté concernant la façon dont les choses ont été réalisées à Washington et aux Etats-Unis.

Mais cela n’a pas d’importance. Les Etats-Unis ont toujours tourné autour de ce qui était jugé impossible. Tandis que les machinations du Congrès rencontrent un mur en tentant de changer le système de santé du pays, nous avons tendance à ignorer que la partie la plus ardue est de défaire ce qui a déjà été fait. Medicare ne date que de moins d’un siècle et l’Obamacare ne date que d’il y a cinq ans. L’un des défis auxquels les Républicains font face est l’élan de ces programmes. 

À l’opposé, les exploits d’ingénierie et d’infrastructure sont sur une pente raide. Ils coûtent des sommes d’argent exorbitantes, nécessitent un labeur incroyable et rencontrent d’innombrables obstacles. Mais s’ils sont menés à bien, ils tendent à rapporter des dividendes qui dépassent toute imagination. Le chemin de fer aida à transformer un pays comptant moins de 5% de la population mondiale en fournisseur d’un quart de la production mondiale. Il a aussi fait de mon Alma mater, Stanford University, une possibilité. Et de manière non négligeable, Stanford conduisit à la Silicon Valley et à ses incalculables innovations ayant des répercussions sur le monde entier.

Hyperloop pourrait permettre aux Américains de vivre dans des villes économiquement abordables comme Houston, tout en travaillant pour des entreprises technologiques offrant de hauts salaires à Austin. Ce plan pourrait faire disparaître des millions de voitures des routes américaines de plus en plus encombrées, réduisant non seulement les émissions mais aussi la mortalité routière. Il créerait des dizaines de milliers d’emplois bien rémunérés pour les générations à venir (dont beaucoup ne nécessiteraient pas de diplôme universitaire). En période de régression économique, les Etats-Unis pourront accroître les constructions pour compenser les pertes d’emplois.

Peut-être que la réalisation du projet coûtera des centaines de milliards de dollars, mais cela pourrait être rentabilisé. Il se peut que cela requiert une plus grande main d’œuvre que celle dont les Etats-Unis disposent aujourd’hui, motivant la gauche et la droite à s’accorder sur des façons de réformer l’immigration. Si le projet était mis en place cependant, les Etats-Unis sortiraient du retard dans lequel ils se trouvent pour ce qui est de la transportation cette nation n’a en effet toujours pas de train à grande vitesse.

Il est incroyable de penser que l’on pourrait parcourir des centaines de kilomètres en seulement quelques minutes, tout comme il était incroyable de croire que l’on pourrait envoyer des personnes sur la lune, ou que l’on pourrait se balader avec des supers-ordinateurs dans nos poches. Alors que nous contemplons l’idée folle d’Elon Musk et son potentiel de transformer non seulement les Etats-Unis mais, à terme, le monde, souvenons-nous de ce que Steve Jobs déclara il y a vingt ans : « Les fauteurs de trouble… Ils ne sont pas adeptes des règles et n’ont aucun respect pour le statut quo… Ils changent les choses, ils poussent la race humaine vers l’avant. Parce que ceux qui sont assez fous pour penser qu’ils peuvent changer le monde sont ceux qui le font. »

Elon Musk est l’une de ces personnes. 

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