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Interpol : Nouvelle plainte pour « tortures » déposée contre le candidat des Émirats arabes unis à la présidence d’Interpol

InterpolLe candidat émirati à présidence de l’Organisation internationale de police criminelle est loin de faire l’unanimité. | Source : Getty Images

La candidature du général Ahmed Nasser Al-Raisi à la présidence d’Interpol est loin de faire l’unanimité :  une nouvelle plainte pour « tortures » a été déposée contre lui à Paris, auprès du pôle du parquet spécialisé dans la lutte contre les crimes contre l’humanité.


 

Le général Ahmed Nasser Al-Raisi est l’un des deux candidats déclarés au poste de président d’Interpol, dont l’élection fait l’objet d’un processus particulièrement opaque.

Déjà visé par une plainte pour « tortures » depuis la mi-juin, le général émirati est à nouveau mis en cause pour des faits similaires et une plainte a été déposée auprès du pôle du parquet de Paris spécialisé dans la lutte contre les crimes contre l’humanité. Cette nouvelle plainte vise expressément le général Al-Raisi, ainsi que d’autres responsables émiratis, pour la détention illégale et la torture de deux Britanniques, Matthew Hedges et Ali Issa Ahmad, en 2018 et en 2019.

L’avocat des deux ressortissants britanniques a déposé cette plainte en vertu du principe de compétence universelle. Selon ce principe, les autorités françaises peuvent enquêter sur des faits en dehors de leur ressort et arrêter des ressortissants étrangers pour certains crimes, même s’ils sont commis hors de France. N’étant pas un chef d’État, le général Al-Raisi ne bénéficie pas de l’immunité. Ainsi, si les autorités françaises se saisissent de l’affaire, il pourrait être arrêté et interrogé s’il entre sur le territoire français, y compris à Lyon où se trouve le siège d’Interpol.

Matthew Hedges, un étudiant britannique, a été arrêté aux Émirats arabes unis en mai 2018 et affirme avoir été placé à l’isolement, torturé et contraint à faire de faux aveux. Il a été condamné pour espionnage, avant d’être libéré dans le cadre d’une grâce en novembre 2018.

Ali Issa Ahmad a fait l’objet d’une détention aux Émirats arabes unis en janvier 2019 pour avoir porté un t-shirt avec le drapeau du Qatar lors d’un match de la Coupe d’Asie des nations. À l’époque, les Émirats arabes unis étaient impliqués dans un différend avec le Qatar et avaient imposé un boycott du pays, boycott également suivi par l’Arabie saoudite, Bahreïn et l’Égypte. Ce différend diplomatique a depuis été résolu, et le boycott a pris fin en janvier 2021.

Ali Issa Ahmad a affirmé avoir été battu par plusieurs policiers en civil et emmené en prison où il a été poignardé. Il a été libéré, mais seulement après avoir accepté d’admettre qu’il avait fait perdre son temps à la police.

« Je pense que le général Al-Raisi ne mérite pas cet honneur », a déclaré Ali Issa Ahmad. « La présidence d’Interpol ne devrait pas être attribuée à des personnes qui abusent de leur pouvoir et enfreignent les lois en punissant et en torturant des innocents comme Matthew et moi. »

Les poursuites judiciaires

La plainte déposée jeudi 30 septembre est la dernière en date visant le général Al-Raisi, dont la campagne pour la présidence d’Interpol est désormais compromise.

Au début de l’année, un groupe de 35 parlementaires français a écrit au président de la République Emmanuel Macron pour lui demander de s’opposer à la nomination du général Al-Raisi à la présidence d’Interpol.

En avril dernier, un ancien procureur général du Royaume-Uni a également appelé les membres d’Interpol à rejeter la candidature du général Al-Raisi, dans un rapport qui mettait l’accent sur les violations présumées des droits humains commises par les Émirats arabes unis.

En juin dernier, un avocat représentant le militant des droits humains Ahmed Mansour a également déposé une plainte pour « tortures » en France contre le général Al-Raisi. Ahmed Mansour a été arrêté en 2017 et condamné à dix ans d’emprisonnement pour des publications sur les réseaux sociaux qui, selon les autorités, insultaient le prestige des Émirats arabes unis.

À la mi-septembre, le Parlement européen a adopté une résolution demandant la « libération immédiate et inconditionnelle » d’Ahmed Mansour ainsi que d’autres militants et dissidents, dont l’avocat des droits humains Mohammed Al-Roken et le professeur et défenseur des droits humains Nasser Bin Ghaith. Le gouvernement des Émirats arabes unis a réagi à cette résolution en déclarant que les allégations étaient « factuellement incorrectes » et que le Parlement européen avait ignoré « toutes les avancées importantes des Émirats arabes unis en matière de droits humains. »

Les autres accusés

Au total, la plainte déposée jeudi 30 septembre vise sept responsables des Émirats arabes unis. Outre le général Al-Raisi, les autres accusés sont :

  • Saqr Saif Al-Naqbi, chef du parquet de la sûreté de l’État à Abu Dhabi ;
  • Faris Khalaf Al-Mazrouei, général et commandant en chef de la police d’Abu Dhabi ;
  • Ahmed Al-Dahri, général et commandant en second du département de la sûreté de l’État à Abu Dhabi ;
  • Saif Al Zairi Al-Shamsi, général et commandant en chef de la police de Sharjah ;
  • Khalid Hamad Al-Hamadi, brigadier et directeur du centre de recherche de la police de Sharjah ;
  • Mohammed Khalfan Al-Rumaithi, général et commandant en chef de la police d’Abu Dhabi au moment de la détention de Matthew Hedges.

Les avocats de Matthew Hedges et d’Ali Issa Ahmad ont également déposé plainte au civil au Royaume-Uni contre les mêmes responsables émiratis.

Lors d’une conférence de presse organisée à Lyon vendredi 1er octobre, Matthew Hedges a déclaré : « Je n’arrive pas à croire que près de trois ans après ma libération, je dois me rendre au siège d’Interpol pour leur demander de ne pas élire au poste de président d’un des hommes responsables de ma torture ».

La présidence d’Interpol est un poste avant tout honorifique, la gestion quotidienne de l’organisation étant assurée par le secrétaire général. Néanmoins, le président a une influence considérable, car il préside les réunions de l’assemblée générale et du comité exécutif d’Interpol.

 

Article traduit de Forbes US – Auteur : Dominic Dudley

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