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Le charbon allemand et les centrales nucléaires françaises enfoncent un peu plus l’Europe dans la crise énergétique

EuropeCentrale nucléaire de production d’électricité de Cruas-Meysse (France), le 6 mars 2022. | Source : Getty Images

L’Europe continue de prendre des mesures pour accélérer prématurément la transition énergétique, alimentant un peu plus une crise énergétique mondiale en expansion.

 

Le ministre allemand de l’Économie, Robert Habeck, a annoncé dimanche 19 juin que son gouvernement prévoyait de réactiver cet été des centrales électriques au charbon mises en veilleuse, afin de préserver les réserves de gaz naturel du pays, qui sont en baisse. « Pour réduire la consommation de gaz, il faut utiliser moins de gaz pour produire de l’électricité », a déclaré Robert Habeck. « Les centrales électriques au charbon devront être davantage utilisées à la place. »

Le ministre allemand de l’Économie a indiqué que la récente décision de la Russie de réduire les flux de gaz naturel vers l’Europe sur son réseau de gazoduc Nord Stream 1 était la raison de la crise énergétique allemande. Robert Habeck a expliqué que l’objectif sera de remplir les installations de stockage de gaz naturel du pays en vue de l’hiver prochain, notant que « sinon, ce sera vraiment serré cet hiver. » Les niveaux de stockage de gaz naturel en Allemagne sont actuellement à un niveau historiquement bas de 57 %.

Parallèlement, en France, le réseau électrique est confronté à la perspective de pannes d’électricité cet été en raison d’une réduction spectaculaire de la capacité de production de son parc nucléaire. L’énergie nucléaire fournit normalement plus des 2/3 de l’électricité française et permet également au pays d’exporter de l’électricité vers d’autres pays européens, par le biais d’EDF.

Selon EDF, ce niveau inhabituel de pannes est dû à une vague de chaleur importante et à une « apparition soudaine de corrosion fissurante sous tension » dans certaines centrales nucléaires vieillissantes, dont beaucoup restent en activité au-delà de leur cycle de vie initial. Compte tenu du fait qu’EDF est déjà endettée à hauteur de 43 milliards d’euros et que ce niveau d’endettement est sur le point d’augmenter en raison d’un accord que l’entreprise a récemment conclu avec Rosatom, l’opérateur nucléaire russe, le gouvernement français envisage désormais la possibilité de nationaliser EDF pour éviter un désastre financier.

Ces dernières années, le gouvernement allemand a décidé de résoudre son propre « problème » d’énergie nucléaire en choisissant de fermer toutes ses centrales électriques, ne laissant au pays d’autres options que la réactivation des centrales au gaz naturel et des centrales au charbon. Cependant, l’Allemagne et la plupart des autres pays d’Europe occidentale doivent importer la majeure partie de leurs besoins en gaz et en charbon en raison de leur refus d’exploiter leurs propres ressources minérales afin d’améliorer leur niveau de sécurité énergétique. Ces pays ont décidé de s’en remettre à la source la plus proche et la moins chère en termes de combustibles fossiles, à savoir la Russie, malgré les avertissements constants de plusieurs présidents américains bien avant Joe Biden.

En raison de ces décisions en matière de politique énergétique, l’Allemagne et la France, ainsi que le reste de l’Union européenne, se sont retrouvés dans l’incapacité de répondre à l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine fin février avec des sanctions efficaces contre l’industrie énergétique russe. Ne disposant pas d’une réelle sécurité énergétique, ils se sont également rendus vulnérables face à l’influence géopolitique de Vladimir Poutine, comme en témoignent les restrictions de plus en plus importantes imposées par la Russie aux exportations de pétrole, de gaz et de charbon vers l’Europe. L’Inde, la Chine et d’autres pays importateurs ne participant pas au régime de sanctions, la Russie a progressivement remplacé ses partenaires commerciaux européens par de nouveaux partenaires en Asie et dans d’autres régions du monde depuis le début de la guerre.

Le manque de sécurité énergétique de l’Europe et son insuffisante influence géopolitique ont contribué à l’explosion des revenus pétroliers de la Russie au cours des 100 premiers jours qui ont suivi le début de la guerre en Ukraine. Selon une nouvelle étude du Center for Research on Energy and Clean Air (CREA, Centre de recherche sur l’énergie et l’air pur), « la Chine a été le plus grand importateur, achetant pour plus de 13 milliards de dollars de combustibles fossiles au cours de cette période, suivie par l’Allemagne, avec environ 12,6 milliards de dollars. »

 

L’on retrouve cette même dynamique pour les exportations de gaz naturel russe. La France est le plus gros importateur en volume de GNL d’origine russe, tandis que l’Allemagne a importé les plus gros volumes de gaz par gazoduc.

Désormais, l’Allemagne et la France vont voir leurs perspectives d’approvisionnement en gaz naturel encore plus limitées en raison de la fidélité du gouvernement américain à ses politiques de transition énergétique (Green New Deal). Ces deux pays, ainsi que d’autres pays européens importateurs de gaz naturel, placent une grande partie de leurs espoirs dans le remplacement des approvisionnements en gaz russe bon marché par des importations de GNL plus coûteuses en provenance des États-Unis.

L’industrie américaine aimerait beaucoup pouvoir répondre à ce besoin, et le président Joe Biden en a fait la promesse lors d’une conférence de presse début mars. Néanmoins, il est depuis devenu évident que les agences de réglementation américaines n’ont pas l’intention de faire marche arrière et de commencer à approuver rapidement des permis pour faciliter l’expansion des infrastructures critiques de gazoduc et d’exportation de GNL qui seraient nécessaires pour répondre aux besoins de l’Europe. La triste réalité est que, tant que Joe Biden reste au pouvoir, il est peu probable que les États-Unis deviennent le partenaire fiable dont l’Europe a besoin pour se libérer de l’asservissement qu’elle s’impose à la Russie pour ses approvisionnements en gaz naturel.

Tous ces résultats malheureux, mais hautement prévisibles, sont directement liés à la fidélité de l’Europe, et désormais des États-Unis, à un ensemble de décisions politiques en faveur de la transition énergétique. Tant que cela restera la philosophie dominante des gouvernements occidentaux, l’on doit s’attendre à une aggravation de la crise énergétique mondiale.

 

Article traduit de Forbes US – Auteur : David Blackmon

<<< À lire également : Comment l’invasion de l’Ukraine modifie le programme énergétique de l’Europe >>>

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