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Remontée Des Taux En Zone Euro : Mythe Ou Réalité ?

La reprise économique en zone euro s’est consolidée en 2017 et devrait s’accélérer dès 2018. Avec un taux de croissance s’établissant à 2,6 % en glissement annuel au troisième trimestre 2017, la zone euro devance les Etats-Unis et le Japon depuis sept trimestres consécutifs, la croissance américaine ne dépassant pas les 2,3 % et le Japon plafonnant à 1,6 %. Cette bonne performance de la zone euro trouve en partie son explication dans le vrai redémarrage des investissements et la vigueur de la consommation portée par la forte baisse du chômage à travers toute l’union monétaire.

Début décembre 2017, l’institut de statistique européen Eurostat a confirmé la reprise cyclique sur le Vieux Continent, mais souligne des disparités persistantes : si l’Allemagne et l’Espagne (respectivement à 2,8 et 3,1 % de croissance en glissement annuel au troisième trimestre 2017), se révèlent être les véritables moteurs de la croissance de la zone euro, la France et l’Italie (respectivement à 2,2 et 1,7 % de croissance) apparaissent encore à la peine et quelque peu en retard dans le cycle, malgré des signes évidents de reprise économique.

De facto, les taux d’intérêt souverains en zone euro devraient suivre cette tendance mais, sans un retour franc de l’inflation et sous l’égide d’une politique monétaire toujours très accommodante menée par la BCE, le mouvement de remontée des taux n’est toujours pas palpable en zone euro.  

Les rendements obligataires restent à des niveaux très faibles

Fin 2017, les rendements obligataires de la zone euro restaient sur des niveaux très faibles. En effet, si nous nous cantonnons aux seuls Etats membres cités plus haut, les rendements obligataires de maturité 2 ans restent fortement négatifs, et évoluent entre -0,72 % en l’Allemagne et -0,29 % en Italie, un taux historiquement bas pour la Péninsule. A échéance 10 ans, les rendements obligataires évoluent entre 0,30 % en Allemagne et 1,81 % en Italie. Même si ces taux sont très faibles dans l’absolu, ils n’en demeurent pas moins éloignés de leurs plus bas historiques atteints à l’été 2016, quelques mois après l’extension du QE annoncée en mars 2016.

La détente fut alors spectaculaire. Pour nourrir la comparaison, les rendements obligataires américains à 2 et 10 ans sont respectivement de 1,84 et 2,36 %. De quoi faire rêver certains investisseurs de la zone euro…

La politique monétaire de la BCE est toujours très accommodante en raison d’une inflation encore trop timide

Le principal objectif de la BCE consiste à assurer la stabilité des prix et à soutenir ainsi la croissance économique et la création d’emplois. Cet objectif de stabilité des prix se traduit par une cible d’inflation proche mais inférieure à 2 % en moyenne annuelle. Et l’inflation moyenne en zone euro peine à remonter vers cette cible. En effet, l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) calculé par Eurostat augmente légèrement en novembre 2017 à 1,5 % en glissement annuel, tout de même bien au-delà des chiffres d’inflation de novembre 2016 (0,6 %). En outre, l’IPCH sous-jacent – hors énergie et alimentation – évolue entre 1,2 et 1,3 % depuis plus de 6 mois.

Cette faiblesse de l’inflation conduit la BCE à rester très accommodante dans la conduite de sa politique monétaire. Néanmoins, l’annonce du 26 octobre dernier ouvre la voie à la fin de l’assouplissement monétaire (QE). Et pour cause, la BCE va diminuer de moitié ses montants nets d’achats d’actifs – de 60 à 30 milliards d’euros par mois – à compter de janvier 2018 et pour une période initiale de 9 mois. Pour autant, l’institution basée à Francfort est encore loin de son homologue américain. La Réserve Fédérale est en plein cycle de resserrement monétaire et son bilan va être petit à petit réduit par le simple fait de ne plus racheter certaines obligations arrivant à maturité. Il est donc aisé d’imaginer les futures évolutions de la politique monétaire conduite par la BCE. Elle devrait imiter dans les grandes lignes son homologue américain. Si la chronique est connue, le timing reste quant à lui difficile à prévoir.

Les rendements obligataires finiront par remonter à mesure que les politiques monétaires des grandes banques centrales se normaliseront

Pour comprendre pourquoi et quand les rendements obligataires vont remonter, il convient de synthétiser ce qui a été écrit plus haut. La zone euro est au cœur d’une reprise cyclique remarquable, les pressions inflationnistes restent poussives et la BCE amorce son virage vers une politique monétaire de moins en moins accommodante. En diminuant de moitié les montants d’achat de son QE jusqu’à septembre 2018, la BCE s’achète du temps afin que la reprise économique se consolide et que l’inflation tende vers la cible définie plus haut. Les prévisions de croissance et d’inflation ainsi que les prochaines conférences de presse de l’institution basée à Francfort seront très suivies par les acteurs de marchés, ceux-ci pourront y déceler des signaux forts quant à l’avenir de la politique monétaire de la zone euro.

Si la reprise se poursuit et que l’inflation remonte, il se pourrait bien que la fin du QE soit annoncée fin 2018 et que la première remontée des taux ait lieu fin 2019 – début 2020. En effet, la Réserve Fédérale avait attendu à peine plus d’un an entre la fin du QE3 en novembre 2014 et la première remontée des taux en décembre 2015. Le taux de rémunération des dépôts – actuellement à -0,40 % – pourrait être le premier taux concerné par cette hausse, sous réserve que les conditions de crédit poursuivent leur amélioration d’ici-là.

Quant aux rendements obligataires, la tendance devrait anticiper cette chronique à mesure que la BCE devrait distiller avec parcimonie des indices qui l’amèneront vers une politique monétaire de moins en moins accommodante. De plus, l’Allemagne, qui a toujours était plus réticente que les autres Etats membres en ce qui concerne l’assouplissement de la politique monétaire, devra désormais se concentrer sur sa politique intérieure suite aux difficultés rencontrées pour faire émerger une coalition stable et pérenne. A mesure que les grandes banques centrales ayant adopté des politiques du QE depuis la crise financière de 2007-2008 normaliseront leurs politiques monétaires, l’offre de papiers disponibles pour les investisseurs « classiques » devrait augmenter sur les marchés obligataires souverains, faisant ainsi baisser les prix de ces actifs. 

Enfin, seule une crise financière majeure pourrait entraver le bon déroulement de ce cycle de normalisation monétaire en zone euro, une crise qui trouverait probablement son essor sur les marchés obligataires. Les rendements obligataires n’ont cessé de baisser depuis près de trois décennies, un changement de paradigme pourrait, à l’évidence, nuire fortement à la stabilité financière.

Article rédigé par Julien Moussavi, BSI Economics

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