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Céline Boutier, une championne française sur le LPGA Tour

Céline BoutierCéline Boutier sur le Honda LPGA organisée en mai 2021 en Thaïlande (Crédit : Céline Boutier, 1999 Consulting LLC)

Depuis la création du Lady Professional Golf Association (LPGA) en 1950, seulement quatre joueuses tricolores ont réussi à remporter un titre sur le prestigieux Tour américain : Catherine Lacoste, Anne-Marie Palli, Patricia Meunier-Lebouc et Céline Boutier. Dernière en date, Céline Boutier s’est déjà illustrée plusieurs fois aux Etats-Unis, tant dans sa carrière universitaire que sur les circuits amateur et professionnel. Avec ce palmarès, elle est aujourd’hui une figure incontournable du golf international et un espoir pour le golf français.


Après une fin de saison 2021 époustouflante et deux victoires mémorables, dont l’Open de France à Évian et le ShopRite LPGA Classic à Galloway dans le New Jersey, Céline Boutier a accepté de revenir sur son parcours pour Forbes France.

 

La Découverte du golf

Comment avez-vous découvert le golf ? 

Céline Boutier : J’ai débuté le golf grâce à mon père, qui était fou de ce sport. Il a commencé à nous emmener au club avec mon frère et ma sœur dès l’âge de 6, 7 ans. Au début, c’était vraiment une activité parmi d’autres parce que je faisais également de la danse, de la natation et du piano.

 

A partir de quel moment vous êtes-vous consacrée entièrement à ce sport ? 

Céline Boutier : On ne peut pas dire que cela ait été à un moment précis. C’est venu progressivement. En plus, au début, je n’aimais pas le golf, parce que je n’étais pas forte du tout ! En grandissant, j’ai commencé à faire des compétitions et à devenir plus régulière et bien meilleure. Petit à petit, j’ai arrêté toutes les autres activités pour m’y consacrer pleinement. J’en faisais tous les mercredis après-midi et les weekends.

Contrairement à d’autres joueuses, aujourd’hui professionnelles, je suis entrée en sport-études très tardivement, à l’âge de 16 ans et un an plus tard, à 17 ans, j’ai rejoint l’équipe de France. Les entraînements quotidiens m’ont permis de beaucoup progresser et puis cette fierté d’évoluer au Pôle France Dames a vraiment boosté ma motivation.

 


La formation aux Etats-Unis et l’entrée sur le LPGA Tour

Céline Boutier avec son frère à l’entraînement (Crédit : Céline Boutier, 1999 Consulting LLC)

 

Comme pour d’autres sports, notamment le football, de nombreuses jeunes athlètes françaises décident de suivre leur cursus universitaire aux Etats-Unis.  Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

Céline Boutier : Il y a vraiment plusieurs raisons. Tout d’abord, en France, après le baccalauréat, il faut choisir entre le sport et les études supérieures. Or, je voulais avoir un bagage académique solide et anticiper une potentielle reconversion, pour des raisons de santé ou de performance. Je souhaitais me développer en tant que joueuse, étoffer ma technique et renforcer mon mental. Les Etats-Unis offrent ce cadre, mêlant travail académique exigeant et préparation sportive de haut niveau. J’aspirais également à rejoindre le circuit américain parce qu’il est le plus prestigieux et le plus difficile au monde.

 

Vous avez suivi vos études à la prestigieuse Duke University. Comment s’est déroulée la sélection ?

Céline Boutier : La sélection se fait principalement en Europe. De nombreux entraîneurs d’universités américaines se rendent sur les tournois jeunes européens pour identifier les talents de demain. Ils proposent ensuite aux joueuses les plus prometteuses de venir suivre leurs études et continuer leur entraînement aux Etats-Unis. J’ai reçu plusieurs offres dans ce cadre et c’est comme cela que j’ai retenu Duke.

 

Partir seule aux Etats-Unis à l’âge de 18 ans pour suivre une formation très exigeante tant sur le plan académique que sportif est un vrai défi. Comment avez-vous vécu ces premières années d’expatriation ?

Céline Boutier : Ces quatre années à Duke ont été intenses ! Notre équipe féminine de golf s’entraînait 20 heures par semaine, sans compter les compétitions le weekend pour se sélectionner aux tournois ; et les cours bien sûr. Quand je suis arrivée, je ne maîtrisais pas bien la langue, ni la culture américaine et les professeurs ne faisaient vraiment pas attention au fait que l’on soit athlète et que l’on doive manquer les cours pour se rendre aux compétitions… J’ai vraiment beaucoup travaillé et peu dormi, mais bien que le début ait été difficile, je suis devenue plus indépendante. Et puis, j’ai adoré l’expérience du campus américain, je pouvais choisir mes cours en fonction de ce que j’aimais. Cette liberté m’a beaucoup plu.

 


La vie d’une joueuse professionnelle

 

Comment avez-vous rejoint le LPGA Tour ?

Céline Boutier : Après ma scolarité à Duke, j’ai rejoint le Symetra Tour, tournoi amateur américain, où j’ai évolué pendant deux ans. Grâce à mes deux victoires sur ce Tour, j’ai rejoint le LPGA en 2018, et je ne l’ai plus quitté depuis !

 

Comment avez-vous constitué votre équipe ? Avez-vous reçu de l’aide de la Fédération Française de Golf ?

Céline Boutier : Lors de mes deux années sur le Symetra Tour et ma première année sur le LPGA Tour, j’ai reçu de l’aide de la Fédération Française de Golf. C’est vrai que ce n’est pas évident de bien s’entourer et il y a énormément d’éléments qui entrent en jeu dans la composition de l’équipe. Je connais mon coach technique depuis l’université et j’ai d’ailleurs décidé de m’installer à Dallas, pour me rapprocher de là où il habite. Pour le préparateur physique, mes besoins changent et évoluent, donc il est parfois nécessaire d’ajuster les entraînements pour vraiment être en phase avec ce que je recherche. 

 

Au golf, l’athlète est accompagné tout au long de l’épreuve d’une tierce personne ne concourant pas, le caddie. Quelles qualités attendez-vous d’un caddie ?

Céline Boutier : Jusqu’à présent, j’ai eu 4 à 5 caddies. Il est fréquent de changer de caddies sur le LPGA. Il faut vraiment bien s’entendre avec la personne, parce que l’on passe près de 6 heures par jour avec elle et ce, pendant plus de 30 semaines par an. J’attends d’un caddie qu’il me conseille sur la stratégie de jeu et la sélection des clubs. Il y a tellement de paramètres dans ce sport, la météo ou le changement des boules de départs[i] qu’il faut minimiser au maximum les erreurs stratégiques. J’attends également de mon caddie qu’il s’adapte à moi et qu’il sache me lire. Je suis une personne qui ne parle pas beaucoup sur les tournois, donc mon caddie doit comprendre quand il doit être plus distant ou plus présent.

 

Vous entraînez-vous avec d’autres joueuses ou joueurs du circuit ?

Céline Boutier : Je m’entraîne seule, mais quand je joue sur le parcours, j’aime bien jouer avec d’autres golfeurs pour mettre un peu d’enjeu et me rapprocher des conditions de la compétition.

 

Votre équipementier PXG est arrivé récemment sur le marché du golf, mais a réussi à s’imposer très vite sur les circuits professionnels, tout en se forgeant une identité de marque très particulière, notamment avec son slogan “NOBODY MAKES CLUBS THE WAY WE DO. PERIOD.” Comment votre partenariat avec PXG s’est-il noué ?

Céline Boutier : Durant ma dernière année à l’université, j’ai souhaité changer de série[ii] et cette marque faisait beaucoup de bruit. J’avais entendu dire qu’ils avaient de très bons fers. J’ai commencé à jouer avec leurs clubs, 13 clubs sur les 14 de la série et finalement ils m’ont contactée pour me sponsoriser.

 

Premier tournoi de la saison 2022 – Céline Boutier finit quatrième ex-aequo au Tournoi Gainbridge LPGA de Boca Rio en Floride (Crédit : Céline Boutier, 1999 Consulting LLC)

 

Comment vous êtes-vous préparée pour cette nouvelle saison ?

Céline Boutier : Pour me préparer, j’ai analysé ce qui n’allait pas l’année passée et j’ai défini des objectifs précis. C’est important d’avoir un fil directeur, parce qu’à chaque saison il faut tout recommencer à zéro. Les résultats des saisons dernières n’ont finalement pas beaucoup d’importance. Un autre élément très important dans la préparation, c’est la coordination avec l’équipe. Je m’assure que tout mon entourage est aligné avec mes objectifs et que l’on travaille tous dans la même direction.

 

De nombreux joueurs s’accordent à dire que le golf est un sport très frustrant. Qu’est-ce qui vous plaît et déplaît le plus dans ce sport ?

Céline Boutier : Ce que j’apprécie dans ce sport, c’est la compétition, non pas contre une personne spécifique, mais j’aime me mettre au défi. Cela me pousse vraiment à devenir meilleure et j’adore me voir progresser. En plus, gagner un tournoi, c’est un événement que l’on a envie de reproduire. J’apprécie aussi qu’il s’agisse d’un effort individuel, qu’on ne puisse pas se reposer sur quelqu’un d’autres ou se trouver d’excuses.

Ce qui est frustrant, c’est que d’un jour à l’autre mon niveau peut changer. Je peux réaliser -5 le mardi et passer à +4 le mercredi[iii]. Mentalement, c’est vraiment difficile d’accepter qu’il y ait des périodes où l’on joue moins bien que d’autres : on peut rapidement être au fond du trou. A un certain niveau, ce sport se joue à 80% au mental.

 

Quel a été votre meilleur souvenir de golf jusqu’à présent ?

Le moment de golf qui m’a le plus marqué est ma première Solheim Cup[iv] en 2019. Le golf est un sport individuel, donc partager des émotions intenses avec ses coéquipières, c’est quelque chose d’incroyable et magique. J’ai eu la chance de jouer avec une partenaire avec qui je m’entendais très bien et cette semaine m’a vraiment transformée.   

 


Le Golf pour tous !

 

En France, 27% des licenciés français sont des femmes et la moyenne d’âge s’élève à 54 ans. Deux nouvelles joueuses françaises viennent de faire leur entrée sur le LPGA Tour cette année (Pauline Roussin-Bouchard et Agathe Laisné), pensez-vous que ces succès et cette présence féminine va permettre de démocratiser et d’éclairer sous un nouvel angle cette pratique sportive en France ?

Céline Boutier : La dynamique du golf est très particulière en France, alors qu’aux Etats-Unis, beaucoup de jeunes jouent au golf et tout le monde trouve cela cool ! L’image du sport est radicalement différente. Ces dernières années, notamment grâce aux efforts de la Fédération Française de Golf et à l’organisation de la Ryder Cup[v] en France en 2018, qui est un des événements les plus regardés au monde, le golf a suscité plus d’intérêt. La récente pandémie de COVID a aussi aidé notre sport. La proportion des femmes reste faible assurément, mais plus nous allons performer, plus – je l’espère – les licenciés vont augmenter ! Cela s’est produit en Corée avec Se-ri Pak, véritable pionnière dans son pays qui a inspiré toute une génération de golfeuses désormais très nombreuses sur le Tour, ou avec les sœurs Ariya et Moriya Jutanugarn pour la Thaïlande.   

 

Victoire de l’équipe européenne à la Ryder Cup 2018 organisée au Golf National en France (Crédit : Getty Images)

 

Avez-vous des conseils pour les personnes qui souhaiteraient débuter le golf ?

Céline Boutier : Quand on commence, il faut vraiment suivre des leçons le plus rapidement possible pour éviter de prendre de mauvaises habitudes. Ensuite, il ne faut pas passer trop de temps au practice et ne pas hésiter à se lancer sur le parcours, parce que c’est là où c’est le plus fun et où l’on progresse vraiment.

 

Le mot de la fin. Quel est votre foursome[vi] de rêve ?

Céline Boutier : Alors Tiger Woods, bien sûr. Ray Allen, avec qui j’ai eu l’occasion de jouer et qui est vraiment génial. Mon papa et Jordan Spieth.

 

Pour aller plus loin :

 

 

[i] Changement de boules de départs : Pour chaque trou, il existe plusieurs repères de départ permettant à chaque joueur selon son âge, son handicap et son genre de choisir la distance au trou qui lui convient le mieux. En compétition, les « boules de départ » ou repères de départ, tout comme l’emplacement des trous sur le green, sont changés chaque jour. 

 

[ii] Une série est composée de 14 clubs de golf comprenant un putter pour jouer sur le green, 9 fers pour des distances plus ou moins longues, 3 bois et un driver utilisés sur les départs.

 

[iii] Le but du golf est de finir un parcours avec le moins de coups possibles. Le « par » est le nombre de coups standard fixé pour le terminer. Sur un parcours de 18 trous, le par est généralement de 72 avec en moyenne dix trous « par 4 », quatre trous « par 3 » et quatre trous « par 5 ». Ainsi, quand Céline Boutier réalise -4, cela signifie qu’elle a terminé le parcours en 68 coups, soit 4 coups en dessous du par et dans le cas du +5 cela veut dire qu’elle a effectué 5 coups de plus que le par standard.

 

[iv] La Solheim Cup est une compétition de golf féminin qui se déroule tous les deux ans. Cette compétition, créée en 1990, oppose par équipes des joueuses européennes et américaines, à la manière de la Ryder Cup pour les hommes. L’intérêt et l’originalité de ce tournoi tient dans les nombreuses formules de jeu en double et en simple, faisant de cet événement un véritable match par équipe.  

 

[v] La Ryder Cup est un trophée de golf qui oppose l’Europe aux Etats-Unis. De 1927, année de sa création, à 1979, le tournoi voyait s’affronter le Royaume-Uni aux Etats-Unis, mais il s’est progressivement ouvert à d’autres joueurs européens.  Tout comme pour la Solheim Cup, la compétition dure trois jours et s’organisent autour de doubles (foursomes, fourballs) et de simples. Chaque victoire fait remporter un point à l’équipe et la première équipe qui atteint le score de 14,5 gagne la compétition. 

 

[vi] Foursome : formule de jeu à quatre joueurs scindés en deux équipes de deux. Les deux joueurs de la même équipe jouent alternativement la même balle. Les golfeurs jouent un départ sur deux, de sorte que nulle équipe ne puissent établir une stratégie pour capitaliser sur les forces de chaque joueur de la paire.

 

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