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Nicolas Hulot : « La Green Economy est un investissement pour les prochaines générations »

© Nicolas Hulot

ONE PLANET SUMMIT | Dans ce « monde d’après » qui a notamment vu l’élection historique de plusieurs maires écologiques lors des dernières municipales, l’ancien ministre de l’Environnement  d’Emmanuel Macron apporte des réponses à cette crise multiple dans son dernier ouvrage, D’un monde à l’autre. Le temps des consciences. Un livre riche d’enseignements, sans concessions. Entretien exclusif de Nicolas Hulot, alors que va se tenir à Paris, le 11 janvier 2021,  le sommet  One Planet Summit, en présence de dizaines de chefs d’Etat sur la biodiversité.  


Dans votre dernier ouvrage, « D’un monde à l’autre. Le temps des consciences » co-écrit avec le philosophe Frédéric Lenoir (Editions Fayard), vous revenez sur les causes de la pandémie. Pensez-vous que l’électrochoc de la crise sanitaire aboutira à une véritable prise de conscience ?

Nicolas Hulot : Ce livre est pensé comme un dialogue, celui de deux « gêneurs » qui ont la volonté de « gêner » sans juger, mais aussi et, surtout, d’ouvrir les esprits. Ainsi, comment amène-t-on les citoyens dans une vraie mutation sociétale ? Comment combine-t-on les enjeux d’aujourd’hui avec le long terme ? Autant de questions en résonance avec ce que nous traversons. Il y a eu dans les premiers temps, me semble-t-il, un électrochoc lorsque nous nous sommes tout d’un coup retrouvés dans une situation inédite de confinement, de privation de libertés fondamentales. Ce coup de massue nous a confrontés à notre vulnérabilité, face à un virus venu subrepticement du bout du monde. Même s’il est prématuré de tirer des leçons définitives, j’ai le sentiment que notre système assis sur ses propres inerties, n’est pas encore prêt à un changement d’échelle. Il est plus que jamais nécessaire de créer une forme d’unité sur l’essentiel : trouver un équilibre entre ce que nous pouvons demander à la nature et ce qu’elle peut nous donner. Avec nos deux parcours de vies différents, Frédéric Lenoir et moi arrivons à une convergence d’inquiétudes et, en même temps, d’aspirations que nous partageons avec le lecteur.

Sortons de cette confrontation binaire entre croissance et décroissance. Dans cette période de transition écologique, il y a des choses qu’il va falloir développer parce que vertueuses (comme les énergies renouvelables, l’agro-écologie…), et d’autres qu’il faudrait restreindre car toxiques à l’image de l’économie carbonée. Mon ouvrage éclaire le public sur la pertinence et les bénéfices à sortir de cette crise de l’excès. Sans toutefois tomber dans un monde rigoriste où la consommation n’aurait plus droit de cité. Depuis le début de la pandémie, beaucoup de décideurs ont été pris de cours en s’imaginant invulnérables, ivres des prouesses technologiques d’aujourd’hui. Où est l’humilité dans les discours ?

Nicolas Hulot : La partie n’est pas gagnée mais elle n’est pas désespérée !

En temps de crise, n’est-il pas humain d’attendre des dirigeants qu’ils incarnent la maîtrise de la situation ? 

N.H. : S’enfermer dans le déni ou dans des formes de discours guerriers, n’est pas la meilleure posture ! Ce n’est pas de cette manière que l’on va rassurer les citoyens et citoyennes. Si mon médecin me diagnostique une pathologie grave, j’attends de lui qu’il me parle des symptômes mais surtout des remèdes. N’est-il pas plus vertueux de faire l’inventaire de ce qui nous nuit pour sortir de ce qui est toxique ? Clairement, il faut être de mauvaise foi pour nier la multiplication des crises – à toute échelle de territoires – des crises qui, d’ailleurs, se combinent entre elles. Nos leaders, comme nous-mêmes, avons un devoir de lucidité et d’objectivité afin de ne pas nier notre vulnérabilité. Actons que nous sommes des hommes et que nous sommes interdépendants. « La Science a fait de nous des Dieux, avant même que nous méritions d’être des hommes » disait très justement Jean Rostand. Cette phrase résume parfaitement l’errance humaine, une espèce des plus précaires.

© Nicolas Hulot

 

La France a su se créer un véritable écosystème de pointe en matière de new technology. Mais pourquoi sommes-nous encore à la traîne en matière de green economy ?

N.H. : Nous avons bien vu qu’il pouvait y avoir de « l’argent magique » lorsque l’on s’est retrouvé le nez dans la crise ! Pourquoi ne sommes-nous pas capables d’investir en amont des crises dans les secteurs qui font partie de la solution ? Certes, nous ne sommes pas les plus mauvais. D’ailleurs, je disais souvent durant mon mandat de ministre : « Quand je nous regarde, je me désole mais quand je nous compare, je me console ! » Mon problème, c’est que notre pays ne se met pas en situation de saisir les opportunités du nouveau modèle à enclencher. En France, nous savons nous fixer des objectifs environnementaux (lesquels pour 60% reposent sur l’Etat et sur les entreprises), cependant nous manquons de méthode. Il n’y a aucun point de passage obligé pour y aboutir, aucun cadre financier, normatif, ni législatif pour flécher cette trajectoire. Cette coordination entre l’Elysée et Matignon n’est pas encore là, il faudrait un vice-Premier ministre s’assurant notamment que chaque ministère prenne sa part dans la transition écologique.

A titre d’exemple, rappelons-nous ce qui s’est passé avec l’affaire des néonicotinoïdes. On a découvert un bon matin que leur interdiction avait mis dans l’impasse le secteur betteravier ? Sa réintroduction a été votée en urgence ! Voilà le manque de planification, de méthode. Quand on transforme des filières, il y a des gagnants et des perdants à court terme ; malheureusement nous ne savons pas identifier les ‘perdants’ pour les accompagner et engager la transition écologique. Sortons de l’idée qu’investir est une dépense alors que nous sommes bien dans un investissement sur les prochaines générations. Mais, surtout, cessons de tourner en dérision les écologistes en ressortant des vieilles Lunes selon lesquelles les écolos nous feraient retourner au temps des Amish…

Vous soufflez cette année le 30ème anniversaire de votre fondation. Quand vous regardez dans le rétroviseur, qu’est-ce qui vous rend le plus fier ?

N.H. : Je suis fier d’avoir contribué à déghettoïser l’écologie, d’être allé au-delà du cercle des convertis en rapprochant les économistes, les scientifiques, les militants associatifs… Au sein de la Fondation Nicolas Hulot, nous avons aussi contribué à l’inscription dans la Constitution de la charte de l’Environnement. Pour la suite, nous devons refixer nos priorités, combattre concomitamment les inégalités sociales avec la crise écologique et économique. C’est notre nouveau cap.

Dans ce nouveau monde anxiogène, irrespirable, quelques mots pour donner à nos lecteurs des raisons de rester optimistes ?

N.H. : L’humour et la dérision sont vraiment d’excellents antidotes au stress ! Dans ce monde où il y a deux humanités dont l’une, bien organisée, qui accapare le bien commun, et l’autre invisible qui, elle, incarne la solidarité au quotidien, il nous faut malgré tout cultiver l’optimisme. Certes, la partie n’est pas gagnée mais elle n’est pas désespérée !

 

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