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Vaccination, relance, endettement : ces faux débats qui affaiblissent inutilement l’action publique

De toutes parts, l’Etat est sommé d’accélérer, amplifier, simplifier son action pour faire face à la crise sanitaire et économique.

On lui demande de protéger la santé des Français. Mais en lui rappelant qu’il est aussi le garant du sauvetage de l’économie percutée de plein fouet par l’épidémie.

On attend de lui de vacciner au plus vite les plus fragiles. Mais on lui réclame avec la même force de protéger contre le virus sans délai les professions les plus fortement au contact de la population.

On l’exhorte de sauver les entreprises de la faillite. Mais on lui demande avec la même insistance de préparer la relance de notre appareil productif. Une relance solidaire bien entendu mais aussi écologique.

On demande aussi à l’Etat de jeter toutes ses forces dans la bataille en mobilisant toutes ses ressources disponibles. Mais on lui suggère ne pas négliger d’intervenir en bonne intelligence avec l’Europe et en étroite coopération avec les collectivités locales.

Enfin, on se délecte de la déclaration du président de la République promettant d’agir « quoi qu’il en coûte ». Mais on ne manque pas de lui donner la leçon sur les conséquences qu’aurait le creusement de la dette publique sur notre avenir.

La vérité, c’est que chaque jour, l’action du gouvernement est pointée du doigt. Pour ses carences, ses retards présumés sur le plan sanitaire, logistique, économique, social, écologique…

Alors qu’il essaye d’éteindre l’incendie épidémique, l’Etat reçoit au quotidien des milliers de doléances de celles et ceux qui « savent » (forcément) mieux que lui, ou croient savoir, dans quelle direction aller et comment sauver tout le monde à la fois : les personnes âgées, le Commerce ou la Culture, les jeunes qui entrent sur le marché du travail, les stations de ski, etc.

Sauf que face à une opinion publique qui exprime un désir de protection absolue et généralisée de tous et de tout face au virus et à ses conséquences sur l’économie et la société, l’Etat est débordé.

Et plutôt que de pouvoir se concentrer sur une priorité intangible -sortir au plus vite de la crise sanitaire pour retrouver dès que possible nos équilibres économiques et sociaux- le gouvernement doit lutter sur tous les fronts à la fois, répondre à toutes les critiques.

Un peu comme si l’on demandait à un « centre 15 », chargé de réguler les appels dédiés à l’urgence médicale, d’organiser également toute la prise en charge de l’activité hospitalière programmée, on demande à l’Etat de résoudre tous les problèmes en même temps. Et tout de suite.

Emmanuel Macron et son gouvernement ont beau déverser des milliards d’euros pour sauver les ménages et les entreprises les plus fragiles depuis le début de la crise sanitaire, personne ou presque n’est jamais satisfait de l’action publique.

Les Français qui ne font pas confiance au chef de l’Etat représentent quand même près de deux tiers de l’opinion (65% exactement) dans le dernier baromètre Elabe pour Les Echos.

Polémique sur la campagne de vaccination, après celle sur les tests. Nouveau bras de fer avec les collectivités locales, qui exhortent l’Etat de les laisser jouer leur rôle dans la crise. Débat totalement stérile sur les limites de l’endettement public, alors qu’il  y a urgence à sauver de la faillite des dizaines de milliers d’entreprises asphyxiées.

La démocratie participative et consultative dans certaines de ses expressions actuelles, et malgré tous les mérites qui sont les siens en temps ordinaires, prive le gouvernement – malgré les moyens que l’état d’urgence sanitaire lui confère – de livrer toutes ses forces dans une bataille dont l’ampleur mérite une action publique clairement hiérarchisée, lisible et suffisamment pédagogique.

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, face au cortège organisé et arrogant des donneurs de leçon qui voulaient le faire reculer, Winston Churchill avait rapidement compris que pour engager son pays face à l’oppresseur nazi, il lui faudrait décider seul. Avec le succès final qu’il obtint le 8 mai 1945.

Quatre-vingt ans plus tard, en pleine « guerre sanitaire », le gouvernement doit certes écouter et même entendre ce qui lui est dit. Mais il ne doit pas s’écarter de la voie qu’il a tracée ni renoncer à sa prérogative ultime : DECIDER.

Pour se faire, Jean Castex et son équipe gouvernementale doivent à tout prix ne pas se laisser dominer par une série de faux débats qui accaparent leur temps et affaiblissent leur action.

  • Premier faux débat : protéger la santé des Français ou notre économie ?

Après dix mois d’une crise qui n’a pas d’équivalent, prétendre encore que le gouvernement aurait jouer la santé des uns (en les protégeant contre l’épidémie) contre la prospérité économique des autres (secteurs d’activités et entreprises en péril, ménages menacés de perte d’emploi…) est absurde.

L’argument inverse consistant à avancer que pour sauver l’économie, on aurait éviter de prendre certaines mesures de restriction sanitaire ne tient pas plus la route.

Ce qui est vrai en revanche, c’est que dans la recherche de cet équilibre improbable entre la protection des Français contre le virus et la volonté de les prémunir contre ses conséquences économiques, ce débat incessant a lui-même été à l’origine des politiques de « stop and go » sur le plan sanitaire, tant décriées par ceux-là mêmes qui ont crié au loup et exercé sur le gouvernement un chantage permanent.

L’autre vérité, c’est que protéger le plus vite possible la population contre l’épidémie via la vaccination est le plus sûr moyen de sortir une fois pour toute des restrictions d’activité, et donc de permettre à l’activité industrielle et de services de retrouver des couleurs.

  • Second faux débat : l’ordre de priorité des vaccinations

Face à la légitime impatience de chacun, on sait que le gouvernement a tenu bon en se fixant un objectif de vaccination prioritaire des publics les plus fragiles, avec une cible de 15 millions de personnes âgées ou vulnérables à vacciner avant l’été 2021.

On sait aussi que le chef de l’Etat a courageusement décliné la fausse piste des « coupe-files » de vaccination. Car au moment où les régions tentent déjà d’acheter des vaccins, l’approche par professions est un guet-apens pour la politique publique. Comment trancher entre les revendications des uns et des autres et déterminer avec certitude scientifique s’il faut d’abord  vacciner les pompiers ou les policiers, chacun d’eux étant en contact étroit au quotidien avec la population ? Jusqu’où aller dans la priorisation professionnelle ? Faut-il faire passer d’abord les professeurs des écoles ou les caissières de la grande distribution ? Un débat vain qui montre l’absolue nécessité de maintenir une logique de priorisation en fonction de l’âge et des fragilités, comme cela était d’ailleurs prévu dès l’origine.

  • Troisième faux débat : sauver les entreprises de la faillite ou préparer l’avenir ?

Si, comme tout semble l’indiquer et jusqu’aux propos ces derniers jours du ministre de l’Economie, Bruno Le Maire indiquant que « le plus difficile est devant nous », l’erreur serait de baisser la garde et de renoncer aux dispositifs de soutien à court terme des entreprises et des indépendants. Mais, en même temps, comment ne pas songer à poursuivre la transformation du tissu industriel français, qui s’est considérablement affaibli depuis vingt ans, et qu’il faut rendre plus compétitif ?

Opposer les mesures immédiates aux initiatives de moyen terme en privilégiant les premières ou les secondes serait irresponsable. Il faut faire les deux ! D’où d’ailleurs, le lancement la semaine dernière du 4ème programme d’investissement d’avenir, doté de 20 milliards d’euros sur cinq ans. Car encourager les initiatives favorables à l’enseignement, la recherche et l’innovation comme celles en matière d’hydrogène et de cybersécurité ou encore en direction des secteurs verts, c’est montrer que malgré la crise, on ne renonce pas à ses ambitions à cinq ou dix ans. Et c’est cette continuité qu’on attend de l’action publique.

  • Quatrième faux débat : agir au niveau de l’Europe, de l’Etat ou des collectivités ?

Là encore, ceux qui cherchent à opposer la première voie aux deux autres ont tort. En temps de crise, c’est la coordination entre les différents niveaux d’intervention qui fera la différence.

L’appel à la discorde lancée par Anne Hidalgo, dimanche 10 janvier dans le JDD, laissant entendre qu’en matière de vaccination « l’Etat n’est pas capable de faire le dernier kilomètre » aux côtés des collectivités, sonne surtout comme une première déclaration de candidature à l’élection présidentielle de 2022 de la maire de Paris.

Dans cette période complexe, chacun doit se rassembler et ne pas opposer les uns aux autres. Une chose est de reconnaître que l’Europe et son enveloppe de 750 milliards d’euros se fait attendre et que l’administration de l’Etat doit gagner en efficacité, comme l’a suggéré Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de-France, cette semaine à propos des aides aux entreprises. Une autre est de se perdre en vaines querelles au moment où l’on ne pourra gagner qu’en additionnant les efforts du gouvernement, des institutions européennes et des collectivités publiques.

  • Cinquième faux débat : dépenser « quoi qu’il en coûte » ou limiter l’endettement public

L’intervention publique économique va coûter à la France 400 milliards d’euros supplémentaires d’endettement entre 2019 et 2021. Dont acte. Mais sait-on combien de faillites d’entreprises et d’appauvrissement de ménages fragiles cette politique aura permis d’éviter ?

Rien que du côté des entreprises, l’appui public a permis de contenir les défaillances, qui ont même reculé de 30% en 2020 par rapport à l’année antérieure. Beaucoup d’emplois ont aussi été préservés grâce au chômage partiel.

N’est-il pas un peu vain de vouloir remettre sur la table la question de l’endettement public aujourd’hui alors que, par ailleurs, la France continue de lever à taux d’emprunt très favorables, et que la Banque centrale européenne (BCE) détient désormais 2 800 milliards d’euros de titres d’Etat, soit près d’un tiers de la dette publique européenne, ce qui permettra à la France comme aux vingt-six autres pays de l’Union, de rester solvables ?

La question prioritaire aujourd’hui est celle du retour de la croissance. Car seule la croissance fera baisser le ratio de dette publique sur PIB, facilitant ainsi nos remboursements ultérieurs.

Les polémiques politiciennes autour de la vaccination, la relance, ou encore autour de l’endettement public polluent notre démocratie alors que celle-ci doit affronter la crise la plus brutale qu’elle ait eu à subir depuis la Seconde Guerre Mondiale. Ce n’est pas divisés mais unis qu’il nous sera possible d’accélérer la campagne de vaccination et de prolonger les efforts publics pour protéger nos entreprises et nos emplois.

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