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Antarctique 2.0°C : une expédition hors normes menée par de jeunes chercheurs

AntarctiqueLe Lun II, vieux gréement centenaire, sera spécialement modifié pour l’expédition et la navigation en eaux polaires. Il accueillera également un laboratoire scientifique facilement montable et démontable pour d’autres aventures et expéditions (Crédit Photo : Niels Dutrievoz)

AVENTURE | Antarctique 2.0°C est le défi fou que se sont lancé 6 étudiants des Écoles Normales Supérieures et 3 marins professionnels : monter une expédition scientifique à la voile à destination du continent austral.  Un projet unique, extraordinaire et fascinant porté par une équipe enthousiasmante et impressionnante qui compte démystifier le monde de la recherche, mettre en lumière une nouvelle facette de l’engagement et offrir la science comme horizon d’aventure.

L’équipe compte larguer les amarres en septembre 2021 depuis la France à bord du Lun II, gréement centenaire. Ils feront successivement escale au Portugal, au Cap Vert, au nord du Brésil, à Ushuaia et aux Iles Malouines. Ils traverseront ensuite le mythique passage de Drake dans les traces de Darwin et HMS Beagle avant de prendre la direction de l’Antarctique, où ils resteront deux mois dans une base scientifique. Le retour est prévu en France en avril 2022.

Margot, Clément, Niels et Olivier, futurs chercheurs et membres de l’expédition ont accepté de répondre à quelques questions pour Forbes France.

 

Comment est née cette idée et surtout comment l’avez-vous transformée en projet ?

Niels : L’idée est née d’une convergence de parcours individuels, d’une passion pour les zones polaires et d’un intérêt commun pour l’étude du climat. On sortait de deux ou trois ans de classes préparatoires et on avait besoin de rêver ! Concrètement, nous nous sommes retrouvés lors des « inter-ENS », compétition sportive organisée entre les différentes écoles normales supérieures, et nous avons décidé de passer du rêve à la réalité.

Olivier : Le premier confinement nous a permis de consacrer plus de temps à l’élaboration du projet. Il fallait prendre des décisions fortes et y aller à fond. Nous avons continué à prendre du temps régulièrement pour mettre au point nos projets de recherche, les détails techniques, logistiques, administratifs et financiers. Au début, c’était un peu la journée, puis c’était toute la journée et désormais, c’est la journée et la nuit !

 

Êtes-vous soutenus par les Écoles Normales Supérieures (ENS) ?

Clément : Il y a aujourd’hui peu de projets qui se montent entre les différentes ENS en raison de la réorganisation de l’enseignement supérieur. Il s’agit d’un projet vitrine qui permet de renforcer la création de contenus de vulgarisation interdisciplinaires. Plus généralement, nous sommes accompagnés par le Centre de formation sur l’Environnement et la Société, département de l’ENS ULM.

Avez-vous rencontré des difficultés dans l’élaboration de votre projet ?

Clément : Au début, nous n’avons pas toujours été pris au sérieux. Il y a eu d’importantes questions notamment sur l’assurance de l’expédition et l’obtention des autorisations pour mener à bien nos différents projets de recherche. Aujourd’hui, nous nous concentrons sur la levée de fonds : il nous faut toujours récolter deux tiers du budget.

Olivier : On peut noter également qu’il y a une très grande méfiance des scientifiques envers ce type de voyages souvent considérés comme touristiques. Beaucoup étaient donc réticents. Toutefois, nous avons su démontrer que cette expédition se ferait sur le temps long, avec des prélèvements et analyses réalisés par nos propres soins dans le respect des protocoles scientifiques durant le voyage et à notre retour. Cette continuité entre l’échantillonnage et l’analyse est d’une grande valeur scientifique. Par ailleurs, nous sommes plusieurs de l’équipe à partir en thèse sur nos thématiques d’étude de l’expédition.

 

Comment s’articulent vos projets de recherche ?

Margot : Nous avons tout d’abord pensé nos projets par discipline car c’est ainsi que la recherche est organisée aujourd’hui. Néanmoins, l’ambition est d’entrelacer et d’interconnecter petit à petit nos sujets. On se socialise à l’interdisciplinarité et c’est un gain énorme pour notre carrière de futur chercheur !

Niels : Bien que nous ayons des spécialités différentes, elles sont toutes liées à l’étude du climat. L’éthologie, la sociologie, la biogéochimie, la climatologie, l’océanographie, la microbiologie ou la chimie contribuent à l’étude du changement climatique et ses conséquences. (Consulter les projets de recherche et spécialités de chacun sur le site internet du projet)

 

Olivier : Il faut plus écouter les chercheurs et faire en sorte qu’il y ait davantage de ponts entre la science et la politique. Nous avons besoin de plus d’interprètes

 

Comment comptez-vous sensibiliser le grand public ?

Niels : Au cours de notre expédition, nous allons réaliser un film documentaire. Nous recherchons d’ailleurs actuellement un producteur. Nous envisageons d’organiser à notre retour des soirées de projection débat afin de partager avec le plus grand nombre notre travail scientifique et notre voyage en Antarctique.

Clément : Nous souhaitons également contribuer à renforcer la culture scientifique en France en mettant en lumière la chaîne de production d’un résultat. Nous voulons montrer comment un chercheur produit de la connaissance, quels types de questions il se pose et quelles méthodes il utilise.

Olivier : Par exemple, au lieu de dire « il y a telle quantité de micro plastiques à cet endroit dans l’océan », on dit « on a réalisé tels prélèvements, suivi tel protocole et utilisé telle méthode pour obtenir ce résultat ». La science n’est pas impénétrable et tout le monde peut en saisir l’idée générale et la démarche.

 

En parallèle de vos projets de recherche et de sensibilisation, vous souhaitez partager votre aventure avec des classes du primaire, du secondaire et du supérieur. Pouvez-vous donner quelques exemples ?

Margot : Ce projet pédagogique nous est très cher. Notre souhait est de transmettre le goût de la recherche et de la démarche scientifique aux élèves et étudiants. Nous sommes aujourd’hui en contact avec des enseignants du primaire et du secondaire, qui souhaitent se saisir de l’expédition comme un moyen de répondre à la priorité donnée à l’interdisciplinarité dans les nouveaux programmes scolaires. Nous travaillons donc en partenariat avec les équipes enseignantes pour écrire des contenus adaptés à chaque niveau. Plus concrètement, nous réfléchissons à aider les classes à monter des projets mêlant sciences et arts pour créer une exposition et organiser des interventions dans les classes avant notre départ et à notre retour.

Clément : Pour le lycée, nous nous sommes inspirés de l’actualité géopolitique. Le Traité sur l’Antarctique signé en 1959, qui bannit l’exploitation commerciale des ressources sur le Continent blanc, commence à être renégocier cette année. Dans cette perspective, nous allons organiser des simulations de renégociation de ce traité dans des classes de Terminale.

 

Comment concevez-vous le rôle de la recherche ?

Clément : Aujourd’hui la recherche se décloisonne. On peut l’observer dans la manière dont on bâtit les protocoles eux-mêmes, comme les pêcheurs qui participent au recueil de données scientifiques sur l’évolution des populations de poissons. Plus généralement, il faut renforcer la culture scientifique afin que chacun ait les moyens de rester éveillé et d’entretenir sa curiosité !  

Olivier : Il faut plus écouter les chercheurs et faire en sorte qu’il y ait davantage de ponts entre la science et la politique. Nous avons besoin de plus d’interprètes.

Margot : Pour moi, la recherche et la politique sont deux mondes irréductibles, mais complémentaires. Il faut assurément favoriser un dialogue et renforcer l’intégration des chercheurs dans le débat public. Il faut également penser à la société civile. C’est la conjonction de ces 3 entités qu’il faut concevoir et la sensibilisation est un des moyens d’y arriver.

 

Et quid de l’après ?

Niels : Pour porter l’expédition, nous avons créé une association Juste 2.0°C, afin que ce projet ne reste pas orphelin et qu’il nourrisse d’autres sujets de recherche. Cette association vise à devenir un incubateur scientifique et de nouvelles idées germent déjà.

 

En résumé.

« Il y a plusieurs façons de s’engager et nous, nous avons choisi la recherche scientifique. »

L'équipe Antarctique 2.0°C et Jamy Gourmaud
De gauche à droite : Lana, Margot, Olivier, Niels, Baptiste, Clément aux côtés d’un de leurs parrains, Jamy Gourmaud (Crédit Photo : Mathieu Poupon)

 

Si vous avez envie d’aider ces jeunes chercheurs à mener à bien cette entreprise fabuleuse mêlant recherche scientifique, projets éducatifs et outils de sensibilisation, la campagne de financement participatif est disponible ici. Elle accueille également des dons défiscalisés et du mécénat d’entreprise.

L’équipe compte sur vous !

 

Pour suivre le projet :

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