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Cyril Aouizerate, un entrepreneur en mission qui casse les codes de l’hôtellerie

MOBCyril Aouizerate, fondateur de MOB Republic © MOB Hotels

Iconoclaste, philosophe, philanthrope, d’autres vous diront doux rêveur ou encore mal avisé de ne pas courir après l’argent. Car l’entrepreneur Cyril Aouizerate pourrait démultiplier son chiffre d’affaires grâce à son génie à penser l’hôtellerie. Mais il préfère casser les codes, nous interroger, réinventer l’hospitality de demain et, surtout, mettre au cœur de sa matrice l’écologie et l’économie sociale et solidaire. Avec sa holding MOB Hotel, il nous prouve que l’on peut concilier rentabilité avec convictions. Rencontre à Saint-Ouen (93), un territoire dont il participe à la mutation avec en ligne de mire Cannes, New York…

  

On vous voit expérimenter des concepts inédits dans l’hôtellerie depuis Saint-Ouen (93) qui est un peu votre laboratoire… 

Cyril Aouizerate : Depuis Saint-Ouen, je défends une logique d’entrepreneur de dire que Paris arrive aujourd’hui à un niveau de saturation sur beaucoup de sujets, j’ai donc eu envie de traverser le périph’ et de m’établir dans un territoire avec des fortes valeurs. Saint-Ouen a pensé l’économie et l’écologie sociale il y a très longtemps avec les Puces qui sont finalement l’ancêtre de la tendance seconde main 3.0. C’était déjà une réponse à des problématiques de surconsommation. Saint-Ouen a aussi toujours traité la mixité sociale, culturelle prouvant qu’il n’y avait pas de fatalité urbaine. A Paris, difficile pour beaucoup de Français de s’y loger, d’avoir accès à la même offre dans bien des domaines.

A travers ma holding MOB Hotel, nous cherchons à développer des concepts forts autour du tourisme durable. C’est sous cette égide que nous avons inauguré MOB Hotel, MOB House ici-même à Saint-Ouen, et que l’année prochaine, nous lancerons Villa MOB Hotel à Cannes ou encore MOB Hotel dans les Yvelines.

Vous êtes donc un entrepreneur en mission. Votre dernier livre « Penser l’hospitalité », fruit d’un dialogue avec la philosophe Gabrielle Halpern, porte sur la notion d’hybridation pour mieux créer du lien. Pourquoi sommes-nous à un tournant ? 

Les crises se superposent, notre jeunesse est de plus en plus militante et demande des comptes. Les entreprises doivent comprendre qu’il y a urgence à se mettre en conformité avec les valeurs écologiques et de justice sociale. Si l’on ne s’inscrit pas dans un cercle vertueux dès aujourd’hui, c’est être sanctionné demain par ces consomm’acteurs devenus radicaux dans leurs choix. En tant qu’hôtelier, je me suis donc posé la question de savoir si « un hôtel était plus qu’un hôtel », s’il avait « un rôle à jouer pour repenser la ville, faire revivre les territoires ruraux, créer du lien… ». On ne peut clairement plus dupliquer les mêmes établissements aseptisés à New York, Cannes ou Paris.

Ce modèle a vécu. Il faut concevoir l’hôtel comme un espace ancré dans son territoire, un lieu ouvert aux habitants du quartier et leur profitant. Un récif où associations et entreprises peuvent y être accueillies au fil d’événements participant à l’attractivité de la ville. Tout cela doit s’appuyer sur des fondements, la promesse de recourir à des matériaux biosourcés, de proposer une restauration 100% bio et en circuits courts. C’est exactement ce que nous concilions dans nos établissements avec l’objectif d’atteindre demain l’indépendance énergétique.

Cyril Aouizerate, fondateur de MOB Republic © MOB Hotels

 

Ce « contre-modèle » a certainement un prix. Beaucoup pensent que ces principes sont incompatibles avec la rentabilité. Comment conciliez-vous les deux ?

Vous savez quand j’ai ouvert le MOB Hotel à Saint-Ouen en 2017 puis, à quelques pâtés de maisons, le MOB House en 2022, on pensait que j’allais « tuer » mon premier hôtel. C’est tout le contraire qui s’est passé ! Il y a une vraie demande pour vivre une villégiature différente et en accord avec ses convictions. Nous accueillons aussi bien des personnes habitant dans le 17ème, le 18ème, et même le 16ème ! Les clients de province, les touristes sont tout aussi nombreux. Actuellement, notre rentabilité se situe à 6%, alors oui, nous pourrions faire le double si nous arrêtions le bio, le made in France, mais moi je crois aux valeurs symboliques de l’entreprise.  Il ne faut pas piloter à courte vue.

Je n’ai jamais voulu inviter de fonds de pension à ma table, des fonds agressifs dans mon capital. Autour de moi, j’ai des personnalités du monde des affaires qui adhérent à ces valeurs sociales et solidaires, à l’exemple de Michel Reybier. Un grand industriel dont la réputation n’est plus à faire et qui comprend mon projet et veut le soutenir. Ensemble, nous connaissons la croissance, la rentabilité et nous investissons pour aller toujours plus loin.

Cyril Aouizerate : « En tant qu’hôtelier, je me suis donc posé la question de savoir si un hôtel n’avait pas un rôle à jouer pour repenser la ville, faire revivre les territoires ruraux, créer du lien…« .

 

Votre réussite entrepreneuriale, vous êtes invité à la partager dans les prestigieuses écoles de commerce d’ici et d’ailleurs. Aux décideurs de demain qui vous prêtent l’oreille, que leur transmettez-vous ? 

Je ne leur fais jamais de catéchisme écologique ! Je suis un entrepreneur qui a fait 15 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022 en diluant ses convictions dans sa gouvernance. Il faut démontrer, prouver que ce que vous faites fonctionne. Dans mes discours, j’insiste sur ce point : il ne faut pas vendre une utopie ! En tant que chef d’entreprise, je ne suis pas là pour vendre du rêve à mes collaborateurs, faire perdre de l’argent à mes sociétés, mes partenaires, je me bats au quotidien pour apporter une valeur ajoutée à mon entreprise. Quand on veut incarner ses idées, on est déterminé à réussir. Ne soyez pas un « fast-thinker », mais plutôt un leader qui porte un vrai projet, qui embarque les gens. Créer une start-up, la valoriser pour la vendre au plus offrant dès que possible, c’est céder aux sirènes de l’éphémère.

Quant aux échecs, prenons-les « à l’américaine ». Il me semble que les plus grands entrepreneurs américains de votre célèbre classement ne sont pas de mauvais exemples !

Avec votre holding MOB Hotel, vous multipliez les projets tout en consolidant votre modèle à chaque fois. Que prévoyez-vous à moyen terme ? 

Nous voulons être toujours plus écologiques, inclusifs et précurseurs. Nos trois MOB Hotels sont les seuls d’Europe à être certifiés en agriculture biologique. Nous fabriquons nos propres shampoings en produits naturels et organiques, c’est une démarche qui nous a pris trois ans de processus ! L’année prochaine à Cannes durant le Festival, nous ouvrirons notre « Villa Medicis MOB Hotel » dans l’objectif de s’engager autour du film documentaire. Un futur « MOB Hotel » doit s’implanter dans le parc naturel de la Haute Vallée de Chevreuse, dans les Yvelines. Le principe sera d’offrir une hôtellerie rurale, presque paysanne, avec cette idée d’immersion totale dans des prairies, avec de l’élevage, du maraîchage…Nous discutons avec la mairie, la préfecture, la direction du parc naturel pour obtenir toutes les validations.

Nous sommes une communauté de femmes et d’hommes entrepreneurs de plus en plus visible et organisée à l’instar de l’écosystème Darwin à Bordeaux où mon ami Philippe Barre et ses équipes réalisent un travail exceptionnel. MOB sera d’ailleurs bientôt implanté à proximité. Collectivement, nous sommes en train de créer une économie sociale et durable solide, génératrice d’emplois. Nous sommes – comme tout être humain – imparfaits, mais nous œuvrons pour ne pas participer à la destruction du vivant.

 

Pour aller plus loin :

www.mobhotel.com

 

 

<<< À lire également : « Florian Delmas, CEO d’Andros : « Il faut réconcilier l’économie et l’écologie » >>>

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