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Chronique D’Effectuation #20 : Kaiko, Expédition Pour Des Données Crypto

KaikoEquipe-Kaiko

L’exploration des fonds marins les plus profonds reste mystérieuse pour la plupart d’entre nous. Sombres, quasi inconnues et remplies de risques, les failles océaniques ont été explorées grâce à des technologies de plus en plus puissantes. Un univers à la fois fascinant et inquiétant, dont la faille la plus profonde, Challenger Deep, au fond de la fosse des Mariannes, a pu enfin être explorée par le sous-marin Kaiko. Ce submersible japonais est le premier à être revenu avec des données scientifiques exploitables par l’homme.

 

 

En deux mots. Crypto et Data. 

A l’image de ces expéditions marines, la récupération de données de qualité sur les cryptomonnaies, ou “actifs digitaux” s’avère être une véritable odyssée. Kaiko, comme le sous-marin des grandes profondeurs, œuvre depuis 2014 à collecter, normaliser et distribuer aux acteurs du marché de la blockchain, les données de ce monde émergent et aux frontières mouvantes.

Bitcoin, Ethereum, Litecoin, Monero,… des monnaies digitales qui s’échangent sur des places de marché et dont le trading génère une quantité immense de données à traiter pour Kaiko, qui couvre actuellement plus de 12 000 paires d’actifs.

 

L’équipe. Savoir renaître tel le phoenix.

L’équipe de Kaiko a connu deux vies. 2014-2017 avec Pascal Gauthier, et 2017 à maintenant, avec Ambre Soubiran.

Mathématicienne diplômée de Dauphine, Ambre débute sa carrière chez HSBC où elle travaillera 10 ans sur le marché des Equity Derivatives. Ambre ou Madame Bitcoin  avait un parcours pourtant tout tracé dans le monde de la finance mais en 2015, elle rencontre Pascal Gauthier, ancien COO de Criteo et fondateur originel de Kaiko. Instantanément, elle s’intéresse au projet.

En 2017, Pascal propose à Ambre de reprendre, ou plutôt de redresser, Kaiko en quasi faillite car trop en avance sur son temps . En effet, le marché entre 2014 et 2016 n’était pas encore tout à fait mature et  les investisseurs institutionnels ne s’intéresseraient pas à cette nouvelle classe d’actifs . Pascal, lui, est appelé vers une autre mission : il rejoint Ledger, une autre start-up dans la blockchain dont il est également actionnaire, en tant que Président-directeur général.

Re-partant de pratiquement-zéro avec une plateforme fonctionnelle et un stock de données historiques, Ambre s’entoure de deux développeurs pour déployer le potentiel de Kaiko. Erik Fonselius et Robert Edström, deux Suédois respectivement spécialisés en Big Data et en Cryptographie / Blockchain, rejoignent l’aventure “Kaiko 2.0” à ses débuts. Aujourd’hui basée à Paris, l’équipe de choc est composée de 11 personnes, dont 7 ingénieurs, et de 3 personnes côté business.

 

 

Le problème. Tout vient à point à qui sait attendre. 

Les débuts de Kaiko en 2014 coïncident avec l’émergence du marché des cryptomonnaies, dont principalement le Bitcoin et l’Ethereum, dans le grand public. Et c’est avec le développement de ce marché, encore très immature, que naît l’intuition de Pascal : l’écosystème va grandir, et les acteurs de ce marché auront besoin de données. Simple, efficace. 

La blockchain était à ce moment une industrie encore naissante et qui a d’abord été adoptée par des individus qui croyaient en la technologie et au pouvoir de la décentralisation. C’était une industrie très retail” nous explique Ambre, “les institutions financières ne portaient alors qu’un intérêt très limité à l’émergence de ce marché”. 

Quelques années plus tard, Kaiko est confronté à la situation inverse. “En 2017, le marché des cryptomonnaies se transforme en bulle, avec une multiplication des ICO, donc de nouvelles monnaies digitales et un volume de trading non négligeable sur les places de marché”. Les institutions, les grandes et petites entreprises ainsi que les particuliers s’emparent précipitamment de cette industrie jusqu’alors méconnue.

Cet engouement se traduit par une augmentation de la valorisation des cryptomonnaies et des volumes quotidiens échangés allant jusqu’à 100 milliards de dollars. Ce phénomène justifie donc un réel besoin de données de marché de qualité. L’accès à une source fiable devient plus que nécessaire pour se prémunir des asymétries d’informations, des mauvaises stratégies d’arbitrage, et de façon plus générale pour comprendre la structure du marché. D’après les calculs d’Ambre, le marché de la donnée financière sur les actifs digitaux devrait atteindre 1 milliard d’euros d’ici 2021.

 

L’idée. Remonter les données à la surface de la Terre. 

L’odyssée de Kaiko débute avec l’intuition de Pascal Gauthier en 2014 : collecter et vendre des données de marché sur les cryptomonnaies. Ceci vient “de l’expérience et du flair incroyable de Pascal, et de sa vision à long terme” commente une Ambre admirative.

Un immense travail de fond commence alors en 2014 sous la directive de Pascal, qui embauche plusieurs développeurs pour mettre sur pied l’infrastructure technique de Kaiko.

Derrière la revente de données se cache une architecture complexe de référencements, de qualifications, d’échanges et de nomenclatures des données : le “big data”. Après 2017, Ambre, met l’accent sur l’aspect institutionnel et financier, et sur la constitution de flux de données agrégés et d’indicateurs traditionnellement utilisés dans le monde de la finance. Une action complexe et de longue haleine qui permettra à Kaiko de se différencier dans un océan de plus en plus rouge de nouveaux concurrents.

 

 

La mise en oeuvre. Un pivot pour un nouveau départ. 

L’aventure d’Ambre au sein de Kaiko débute après son départ d’HSBC et une traversée de l’Atlantique à la voile. L’océan semble être une véritable source d’inspiration commune entre Pascal et Ambre !

Motivée à bloc, avec une détermination entrepreneuriale et une confiance inébranlable dans l’industrie de la blockchain, Ambre investit ses fonds propres dans la start-up pour relancer la machine. Comme pour toutes les start-up, le nerf de la guerre réside dans la capacité de générer du chiffre d’affaires et de trouver son marché. Armée de patience, d’un téléphone et de son passeport, Ambre recontacte un à un des clients potentiels, nouveaux prospects ou clients précédemment rencontrés par Pascal.

Cette mobilisation paie, parti de zéro en juillet 2017, Kaiko enregistre de nombreuses ventes dès septembre de la même année. Ces premiers contrats permettent à Kaiko de régler les frais d’infrastructure et les salaires de l’équipe, et d’arriver fin décembre 2017 à enclencher avec un client potentiel, un “Crypto Hedge Fund”, une discussion autour d’une première levée de fonds.

D’une pierre deux coups : Kaiko acquiert un nouveau client institutionnel, et se voit proposer un investissement seed qui permettra de développer la société et les produits au cours de l’année 2018.  “Le closing de cet investissement a été efficace et s’est fait sous la forme de BSA-AIR. Nous étions alignés sur la valorisation et les principales clauses avec notre investisseur, et le BSA-AIR nous a permis de signer rapidement et de se remettre au travail.

Ce levier financier permet à Ambre de regrouper pour la première fois son équipe à Paris. Venus de Taiwan et d’Espagne, les deux développeurs passent une semaine de rêve à Paris : découverte de la ville, bons restaurants, dégustations de vins et de fromages… Derrière ce programme touristique organisé par Ambre se cache en réalité l’ambition de centraliser son équipe dans la capitale de l’Hexagone. Son stratagème fonctionne et un mois plus tard, Kaiko a véritablement des locaux parisiens. “Nous avons ouvert notre premier bureau dans un WeWork. Nous n’étions que trois, mais il était essentiel d’être ensemble, d’être soudés, d’apprendre à se connaître et de comprendre notre marché. La centralisation de l’équipe a été clé à ce moment de développement de la boîte”.

Kaiko recherche alors de nouveaux membres et met en place un process de recrutement carré afin trouver des perles rares : un premier screening de CV, un entretien technique avec Robert, un exercice de code suivi d’un débrief avec Erik, et enfin un entretien de personnalité avec Ambre. En 5 mois, de juillet à novembre 2017, l’équipe s’agrandit pour solidifier l’infrastructure technologique et de développer de nouveaux produits.

Au cours de l’année 2018, plus de 50% des ventes de données provenaient de clients “repeat”, ce qui a modifié le modèle économique de Kaiko. Le chiffre d’affaires jusque-là volatile avec des ventes de données “one-off” devient petit à petit récurrent. La start-up rend ainsi son business plus pérenne en proposant “des abonnements et du temps réel, sur un modèle SaaS.

Aujourd’hui Kaiko a des clients dans le monde entier, avec une dominante américaine qui représente 50% de sa clientèle. Viennent ensuite l’Europe pour 30%, l’Asie pour 10% et quelques autres pays. Assis sur un tas d’or, Kaiko a dans sa base plus de 9 milliards de data points et continue d’enregistrer 2 à 5 millions de nouvelles données par jour provenant de plus d’une centaine d’Exchanges différents.

 

Le financement. Se diversifier pour mieux explorer. 

Kaiko a longtemps vécu sur fonds propres puis d’un financement en amorçage. Aujourd’hui, pour développer sa solution et son emprise géographique, Kaiko cherche à lever plusieurs millions d’euros dans le cadre d’une “Série A”.

Dans les espoirs et les rêves de l’équipe, cette levée de fonds serait opérée par un “VC américain, un VC européen, spécialisés dans les domaines de la fintech et de la data, et des fonds spécialisés en actifs digitaux et cryptos”.

Ce choix volontaire de compter sur un trio d’investisseurs complémentaires est avant tout commercial. Plus de la moitié de la clientèle de Kaiko est américaine, il est donc indispensable pour la start-up de ne pas rester franco-française. Se rapprocher de fonds industriels permettrait également à Kaiko de s’appuyer sur de la connaissance et l’expertise. L’aventure de Kaiko ne fait donc que commencer et l’exploration des données va se poursuivre !

 

Chronique co-réalisée avec @Jean Rognetta, Directeur de la rédaction de Forbes France et Florian Bercault & Adèle Pasquier d’Estimeo.

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