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Prix du gaz et guerres géo-économiques USA Vs Russie

Tout d’abord, quoiqu’il arrive la facture de gaz des Européens non producteurs augmentera. Cela sera difficile pour les ménages, car les hausses interviendront c’est certain en période hivernale. Pour les industriels de la chimie, de la sidérurgie, et de l’agroalimentaire, gros consommateurs, cela affectera leur rentabilité, et pourrait mettre certaines sociétés en péril.

 

Coût du Gaz 

Il est composé de l’achat de gaz naturel auprès des producteurs et du coût de transport dont les droits de passage (exemple le péage à l’Ukraine) jusqu’à nos frontières. La France n’a pas de gaz sur son territoire et importe donc 100 % de sa consommation de gaz naturel.

 

Gaz naturel Vs Gaz de schiste

Enfin il est beaucoup plus coûteux d’extraire du gaz de schiste que du gaz naturel, les Russes ont donc un intérêt flagrant à voir monter le prix du gaz dans leur rapport de force avec les Américains, et les Européens.

 

Une solution temporaire Nord Stream 2

Ou la bataille du gaz et de son acheminement ou encore Nord Stream 2, le gazoduc russe qui sème la zizanie en Occident. L’accès et l’acheminement des énergies fossiles a toujours été le déclencheur de conflits. Depuis la Seconde Guerre mondiale jusqu’au conflit ukrainien, on ne cesse de le constater

 

Crise ukrainienne

Rappelons tout d’abord la crise ukrainienne a débuté en novembre 2013 à cause de la décision du gouvernement ukrainien de ne pas signer l’accord d’association avec l’Union européenne. Cela a été le déclencheur de ce mouvement visant à éloigner l’Europe de l’ouest de la Russie.

Cette crise généra des manifestations de très grande ampleur, manifestations manipulées ou pas, et par qui, là n’est pas la question. En réaction, la Crimée proclama alors son indépendance et vota pour son rattachement à la Russie, rattachement qui fut reconnu par la Russie, et, qui provoqua une crise diplomatique internationale.

 

Rappelons aussi que Les États-Unis, déjà leader de la production de gaz, sont également devenus le premier producteur de pétrole au monde. Selon la compagnie British Petroleum (BP), qui a publié récemment une étude sur l’énergie mondiale, la production américaine s’élève désormais à 12 millions de barils par jour (mbj), contre 11 millions pour l’Arabie Saoudite, Arabie qui descend une marche du podium, après des décennies de règne.

Notons aussi, que L’augmentation de l’offre mondiale de gaz et pétrole a été largement portée par les États-Unis, dont la production a grimpé de 1,6 mbj depuis 2014, de loin la plus grosse croissance au monde.

 

Crise syrienne

Nous ne reviendrons pas sur la crise syrienne, conflit qui fit suite, et, c’est peut-être une coïncidence au choix de Bachar El Assad, de retenir le projet de gazoduc dit « Islamique » qui concurrençait le projet Qatar Arabie saoudite.

 

Où en sommes-nous aujourd’hui sur ce marché du gaz, et sur les gazoducs pour l’acheminer ?

Le gazoduc Nabuco (origine Azerbaïdjan qui représente 10% des réserves russes) a été abandonné. Le gazoduc South Steam qui devait approvisionner l’Europe du Sud via la mer noire a lui été abandonné en 2014 sous la pression Union européenne. À cause de cette mauvaise décision, Il fut remplacé par les projets:

 

Le projet caucasien ou Trans Adriatic Pipeline ou TAP en Europe qui reliera Bakou aux côtes italiennes. Un corridor composé de trois gazoducs. Le premier entre l’Azerbaïdjan et la Géorgie prolongé par le Tanap ou trans-Anatolien traversant la Turquie, et qui a vu son aboutissement par ledit TAP reliant la région Ionnina en Grèce à San Foca en Italie. Ce gazoduc achemine 10 milliards de mètres cubes de gaz par an. Il fut mis en service fin 2020.

 

Une France absente

 

La France qui veut se décarboner fut étonnamment absente de ce projet important pour le Caucase. Un projet financé par l’Italien Snam, le Britannique BP, l’Azerbaidjanais Socar, le Belge Fluxys, l’Espagnol Enagas, et le Suisse Axpo. Il semble assez évident que le fait de ne pas participer à ce projet pourrait nous évincer du Caucase, dont du groupe de Minsk composé des États-Unis de la France et de la Russie. Un groupe censé trouver une issue au conflit du Haut-Karabakh, un conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Les États unis étant devenus eux autosuffisants pour leurs approvisionnements en Énergie ont semble-t-il perdu tout intérêt pour le Caucase, ce qui ne devrait pas être le cas de la France. Une France présente dans la région grâce au groupe Bouygues au Turkménistan. Ce gazoduc pourrait redistribuer les cartes diplomatiques dans cette région sous influence Turque.

 

-TurkStream (Turco-Russe) qui pourrait approvisionner (environ 30 milliards de mètres cubes ) bien sûr la Turquie, mais aussi l’Europe du Sud-Est et les Balkans dont la Bulgarie et la Hongrie. Ce projet reconnectera la Turquie à la Russie, et concurrencera le projet EastMed (environ 10 milliards de mètres cubes) qui devrait relier les champs de gaz d’Israël et de Chypre à l’Europe continentale.

 

Cette compétition en méditerranée devrait inciter la Turquie à s’intéresser à la Libye terre de jeu d’un affrontement entre Libyen de l’Est et ceux de l’Ouest, et entre d’un côté Israël la Grèce Chypre Les Émirats et l’Égypte et de l’autre côté le Qatar allié aux Turques et à la Russie.

 

Autres projets

 

On notera aussi l’assez étonnant projet de gazoduc entre Norvège et la Pologne, alors que les réserves norvégiennes diminuent.

Il y a aussi le plus gros projet récemment terminé, Nord Steam qui relie déjà directement la Russie à l’Allemagne en passant par la mer baltique. Il pourrait acheminer près de 60 milliards de m3 de gaz par an. La société française Engie est censée participer à ce programme.

 

Et enfin de ne pas oublier la méga-usine de GNL gaz naturel liquéfié initiée dans l’artique par le gazier russe Novatek. Un chantier de 20 milliards de dollars en coopération avec les Chinois CNPC et CNOOC auxquels s’est joint en très minoritaire le français Total avec un support de 800 millions de $ de la BPI.

 

Quant à l’Algérie, elle sera remplacée un jour en Europe du Sud par la Libye et Med Stream.

Algérie est une source considérée comme assez instable par les professionnels, cela se confirme en ce moment en Espagne. Enfin l’Algérie songe elle aussi à exploiter son gaz de schiste.

 

Et depuis 2013

Que s’est-il passé depuis cette guerre civile en Ukraine en 2013 et depuis la confirmation des excédents américains en 2014 ? Alors que le gaz de schiste liquéfié coûte plus cher que le gaz naturel, les Européens ont formellement décidé par sécurité, de diversifier leurs sources, et, de construire des terminaux, Dunkerque en France a vu le premier terminal méthanier.

Il est aussi vraisemblable que les Britanniques construisent eux aussi un terminal méthanier pour importer du gaz des US en passe de devenir leur premier fournisseur devant l’Allemagne.

Ces décisions ont été prises sous la pression de L’Ukraine qui avait vu ses approvisionnements en gaz coupés suite au conflit bien sûr, mais aussi à cause du défaut de paiements de factures.

Et aussi sous la pression de la Pologne très « allergique » aux Russes. Ce pays qui est un gros producteur de Charbon vient de construire un gros terminal méthanier sur la cote baltique. Grâce à ce terminal, ce pays qui importe 80% de son gaz de Russie soit environ 10 milliards de M3 par an va maintenant pouvoir diversifier ses sources et importer une partie de son gaz des États unis, son allié historique. La Pologne négocie aussi un contrat d’approvisionnement avec le Qatar.

 

Enfin quelques chiffres sur la Production de Pétrole et sur l’approche Russe

États unis 14.9 millions de barils/jour, Russie 11,4, Arabie saoudite 10, Canada 4,8, Irak 4,5, Chine 3,8, Iran 3,8. Lire billet comprendre la Russie : https://bernard-jomard.com/2020/01/11/clefs-pour-reussir-en-russie/

 

Conclusion

Bien évidement toutes ces décisions sont le résultat d’une guerre géo économique entre les grandes puissances. Mais elles sont aussi dues au fait que nos dirigeants ont oublié que le monde était géré par des émotions, espoir, humiliation, peur, et ressentiments. Ce facteur émotions interculturelles a été intégré assez récemment par les économistes, car la prise en compte des dites émotions dérange le modèle standard de l’économie fondé sur la rationalité du comportement. Nos politiques eux n’ont pas toujours intégré cette dimension, alors qu’on notera que de nombreuses décisions économiques sont en fait prises sous le coup de l’émotion.

 

<<< À lire également: Pétrole et gaz : le secteur américain à la traîne derrière l’Europe en matière d’intégration des énergies renouvelables >>>

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