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Plaidoyer pour un fleuron européen de la VOD

VOD

On sait à quel point le soft power des studios d’Hollywood a été un formidable instrument d’influence, affirmant l’extension et la domination par l’image de l’American way of life. Faut-il rappeler de quelle manière les écrans de l’Oncle Sam se sont largement déployés sous nos yeux ébahis ?

 

Tandis que de nos jours, il est de bon ton de rappeler « l’exception culturelle française », les accords Blum-Barnes de 1946 furent en réalité une forme d’entrisme des producteurs d’Hollywood. La France se trouvait alors dans une situation économique délicate, avant le déblocage du Plan Marshall, et Léon Blum fut chargé de négocier avec les alliés américains la relance française après la fin du prêt-bail institué en 1941. Il rentra à Paris avec de larges concessions accordées à Washington : adhésion aux accords de Bretton Woods (faisant du Dollar US l’étalon monétaire international), la France abandonnerait toute mesure de protectionnisme (et notamment le tarif douanier « Méline » de 1892), et offrirait la diffusion d’un quota de films américains, le tout contre des prêts d’État. C’est ainsi que la France fut conquise par la magie du cinéma de masse, qui devait façonner durablement notre rapport fascinant au grand écran.

De nos jours, le cinéma n’est plus le seul support de diffusion des productions visuelles. Les écrans sont désormais multiples (TV, ordinateurs, tablettes et smartphones) et concourent à un accroissement considérable de l’offre, notamment par des séries qui connaissent un large succès. L’expansion d’Internet n’a pas été neutre dans cette extension phénoménale des créations originales, s’affranchissant pour certaines de sorties préalables au cinéma. Désormais, compte tenu de la qualité des supports domestiques visio et audio, le cinéma se vit davantage à la maison, avec une offre particulièrement fournie des plates-formes de vidéos à la demande (VOD).

Règnent sur ce segment les majors que sont Netflix, Disney +, Apple TV ou encore Amazon Prime. Une puissance numérique acquise grâce à l’intégration et la diffusion de contenus, souvent exclusifs. Et le spectateur n’est quasiment plus un acteur passif de programmes TV, mais un sélectionneur actif de séries et films. Dans ce nouvel univers des plates-formes de vidéos à la demande, les fournisseurs historiques (Orange, Free, etc) et chaînes de télévision généralistes ne suffisent plus à capter l’attention de ce « spectateur augmenté » et l’heure est désormais au regroupement pour créer de nouveaux fleurons de taille critique, afin de déployer une offre consistante et alternative.

De manière assez visionnaire, Jean-Marie Messier avait vu – sans doute trop tôt – la tendance qui allait s’affirmer avec son projet de portail Vizzavi qui tentait de marier télévision et Internet. Pour combler ce retard, c’est seulement aujourd’hui que des rapprochements s’opèrent entre les deux types de médias, comme Discovery et Warner, Canal + et Viacom CBS ou encore la tentative de portail de l’audiovisuel public français Salto.

Mais ces grandes manœuvres dans l’audiovisuel sont surtout marquées par la fusion annoncée de TF1 et M6, où Bouygues sera l’actionnaire principal de ce nouveau groupe d’envergure, en capacité de couvrir une offre abondante de contenus. Ce fleuron sera un véritable rival susceptible de peser sur le secteur, lequel s’inscrit dans ces grandes tendances de concentration inévitable du marché. En face, il n’y aura que le groupe Vivendi pour être en mesure de peser de manière significative sur le marché français.

La limite de l’exercice est toutefois à pointer du côté de la commission européenne, en matière de droit de la concurrence. En effet, ce nouveau groupe TF1-M6 devra se défaire de chaînes « satellites », ce qui attise déjà la convoitise de concurrents, mais encore devra respecter les termes du prochain règlement Digital Market Act (DMA) en cours d’élaboration à Bruxelles. Ce texte va créer une catégorie d’acteurs nommés gatekeepers dont la puissance technologique et commerciale sera largement contrariée, avec la limitation de croisement des données, la fin d’exclusivités, ou les ouvertures d’autres canaux aux plates-formes concurrentes.

Pourtant, c’est bien à l’échelle européenne que se joue la bataille du contenu, et c’est la taille critique du continent que doivent nécessairement viser les fleurons alternatifs européens en cours de construction pour mieux rivaliser avec les VOD des GAFAM.

Des vraies opportunités s’ouvrent aux acteurs transnationaux européens, qu’il leur faut saisir en conséquence.

 

Tribune rédigée par Olivier de MAISON ROUGE, avocat, docteur en droit. A paraître « Gagner la guerre économique. Plaidoyer pour une indépendance économique et stratégique » (VA Editions). 

 

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