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Les nombreux paradoxes du télétravail en France

Alors que la 5e vague de Covid ne faiblit pas et que le Conseil scientifique recommande depuis des semaines l’élargissement du télétravail… les entreprises qui le peuvent devront se mobiliser avec « 2-3 jours de télétravail par semaine » selon les mots du Premier Ministre. Les partenaires sociaux s’accordent également pour recourir au télétravail en fonction de la « réalité des entreprises » en application des accords de télétravail. Alors que les cas contacts ne cessent de se multiplier… il y aurait beaucoup à dire et à faire pour renouveler la pratique du travail à distance.


 

Aujourd’hui, la tendance est plutôt à l’immobilisme

On se réveille dans un monde qui a changé mais les avis divergent toujours dans les entreprises sur le télétravail ! Si la crise sanitaire a révélé un nombre considérable de postes « télétravaillables » et démontré que d’autres manières de travailler étaient possibles, le champ des possibles tarde souvent à se matérialiser. Sur le terrain, quand ils existent, beaucoup d’accords se contentent du minimum, en proposant par exemple en moyenne 2 jours de télétravail hebdomadaire fixe au lieu d’organiser une réflexion d’ensemble sur les modalités du travail en intégrant par exemples les espaces de co-working ou les tiers-lieux.

En octobre dernier, selon les derniers chiffres de la Dares, 20% des salariés ont été au moins un jour en télétravail (-1 point sur un mois) dont 6% tous les jours de la semaine (soit 1% de l’ensemble des salariés).

La prolongation de la crise sanitaire et les nouveaux usages des salariés devraient au contraire encourager les entreprises à faire évoluer les règles qui encadrent le travail à distance et accompagner cette évolution dans la durée (car c’est une tendance de fond quoi qu’on en pense). Depuis la fin du 1er confinement, nous aurions pu adopter une nouvelle organisation du travail, plus souple, plus pragmatique et se poser les questions suivantes : qu’est-ce qui nécessite (vraiment) le présentiel et que peut-on faire autrement ?

 

Beaucoup de frustration chez les salariés 

Pour les collaborateurs, les bénéfices sont nombreux : diminution du stress et de la fatigue liés aux transports, gain en concentration et en autonomie, ou encore meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. Sur LinkedIn un salarié témoigne : « Je pratique le télétravail depuis plus de 10 ans. Mais mon métier s’y accorde parfaitement. Si ce n’est pas évident pour certains métiers, beaucoup le sont. Ce ne sont que des avantages, pour les salariés et les employeurs. Frais de bureau, d’espace considérablement réduits. Pour le salarié moins de fatigues, plus de disponibilités, une meilleure organisation de la sphère privée, sans relâcher celle de la sphère pro. Bien sur tout le monde n’est pas équipé, mais le coût d’équipement d’un salarié par rapport au coût d’un bureau est ridicule ».

Désormais beaucoup de salariés attendent une prise en compte accrue de leur qualité de vie au travail et des règles de travail à distance plus claires. Il s’agit d’un changement de culture qui nécessite de remettre à plat un certain nombre de règles pensées pour les usines mais pas pour le travail connecté. 

 

Les managers réclament des solutions et des outils 

Beaucoup d’entreprises n’ont pas eu le temps de mener une réflexion préalable sur l’organisation du travail à distance, pourtant essentielle pour développer leur attractivité mais aussi renforcer l’engagement et la confiance au sein de leurs équipes sans parler des risques liés à l’inflation des messages numériques échangés par des salariés de plus en plus sollicités électroniquement.

Le développement du télétravail ne peut se faire que sur des bases juridiques saines, au plus près des réalités professionnelles.

Les managers sont autant mal à l’aise que leurs collaborateurs et tous réclament des solutions et des outils pour collaborer ensemble à distance comme en présentiel. Les modes de management basés sur le contrôle ne sont plus adaptés, les managers ont aussi besoin d’être accompagnés sur l’évolution de leur posture car le partage d’information et le travail collaboratif ne sont pas des pratiques innées. 

 

Télétravail ou travail hybride : où va-t-on ?

Existe-t-il une formule gagnant-gagnant ? Si la crise a effectivement bouleversé certains préjugés comme la productivité des salariés à distance, la pérennité d’organisations qui recourent massivement au télétravail nécessite d’aller beaucoup loin. Le cadre actuel n’est pas adapté, ni aux besoins des salariés, ni aux besoins des entreprises. Continuité des activités, maintien d’une vie collective, entretien du sentiment d’appartenance à l’entreprise, besoins spécifiques des salariés, formation des managers… sans même considérer les outils qu’il faut fournir aux salariés, c’est tout un équilibre qu’il faut ré-inventer. Pour ce faire, il faut re-mettre la négociation d’accords et chartes à l’agenda du dialogue social à partir d’une cartographie sérieuse des besoins propres à chaque organisation et des usages des salariés.

Les syndicats ont aussi leur rôle à jouer. Le recours au télétravail devrait encourager tous les acteurs du dialogue social des entreprises et administrations à initier ou à reprendre des discussions sur l’organisation et les modalités de ce travail. Le puissant désintérêt des jeunes pour les structures syndicales, additionné à l’appétence citoyenne pour la démocratie directe met les structures syndicales face à un dilemme : évoluer pour correspondre aux nouvelles modalités du travail mais rompre avec une partie des logiques qui font encore leurs forces ou bien suivre des logiques anciennes sur lesquelles s’appuient leurs bases militantes mais qui correspondent de moins en moins à la réalité des millions de nouveaux travailleurs de l’économie numérique.

Pour résumer, il devient impératif d’interroger les fondamentaux de chaque organisation de travail.  Comme je le décrivais dans mon ouvrage, le Droit du travail à l’heure du numérique, « la transition numérique sera une source importante de tensions et de conflits dans les relations de travail tant que les organisations échoueront à imaginer un cadre juridique qui convienne aux nouvelles façons de produire et de consommer ».  Le télétravail n’est pas tant un saut technologique qu’une révolution dans la culture du travail.

 

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