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Le luxe à l’assaut de la technologie blockchain

Et si la confiance dans le commerce et la protection des données personnelles passaient par le développement de plateformes numériques basées sur la technologie blockchain ? C’est le pari que fait, dès maintenant, l’industrie du luxe, à l’image de LVMH, Prada et Richemont qui lancent ensemble Aura Consortium blockchain.

Selon une enquête récente de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), la contrefaçon coûterait plus de 60 milliards d’euros de manque à gagner aux fabricants européens. Sur cette somme, plus de la moitié proviendrait de contrefaçons sur les vêtements, articles de bijouterie, maroquinerie et cosmétiques. Autant dire que l’industrie du luxe, dans son ensemble, est particulièrement touchée.

Derrière ce phénomène, ce sont les problèmes de l’authenticité des articles vendus, leur traçabilité, voire le sujet de la durabilité qui sont posés par les clients. A ces facteurs limitant l’activité, s’ajoutent des scandales, amplifiés par une opinion publique désormais très sensible, liés au travail des enfants dans les pays en développement. Ou, plus spécifiquement encore, celui de l’approvisionnement en matières premières dans les régions où l’on fait encore travailler les enfants, voire dans la province agricole de Xinjiang, en Chine, où la minorité musulmane ouïgoure est persécutée.    

LVMH, Prada et Richemont lancent Aura Consortium blockchain

Autant de raisons qui expliquent que cette industrie, en premier lieu les marques européennes, ont décidé de prendre le sujet à bras-le-corps en misant sur la technologie numérique. C’est ainsi qu’en avril dernier, le français LVMH (Louis Vuitton, Dior), l’italien Prada et le suisse Richemont (Cartier, Mont Blanc) ont décidé de s’associer pour constituer un consortium privé, Aura Blockchain.
Il s’agit d’une plateforme technologique utilisant le concept et les outils de blockchain pour garantir non seulement la traçabilité et l’authenticité des articles ainsi protégés, mais également le respect de la propriété intellectuelle et l’historique de propriété. Concrètement, il s’agira de l’équivalent d’une carte grise, totalement infalsifiable. Un certificat numérique donnant un accès direct à ses certificats d’authenticité et à l’ensemble de son historique, depuis la conception jusqu’à la distribution. 

La traçabilité permettra ainsi aux clients de savoir quelles matières premières ont été utilisées pour la fabrication, y compris, le cas échéant, s’il s’agit d’une origine animale. Potentiellement, ce certificat pourrait aussi inclure également les informations de respect de la protection individuelle (par exemple si des brevets ont bien été utilisés pour la fabrication d’un objet). Le côté infalsifiable de ce certificat est rendu possible par la nature même du concept de blockchain, qui peut être perçu comme une gigantesque base de données décentralisée et sécurisée, validée et cryptée en permanence par toutes les parties prenantes.
La plateforme Aura repose sur la technologie d’une société Consensys, considérée comme le leader mondial dans les technologies Blockchain, et la solution de Cloud Computing de Microsoft, Azure. Elle est ouverte aux autres acteurs de l’industrie du luxe, invités à la rejoindre.

 

GoodsID propose une offre alternative

D’autres solutions équivalentes existent déjà, provenant notamment du milieu des startups. Trust-Place, à Marseille, propose ainsi une solution qui fournit à ses clients des certificats numériques de propriété. Elle utilise une technologie blockchain publique et se rémunère sur chaque certificat créé. Une autre startup française, GoodsID, plus ancienne et financée en partie par le Banque Publique d’Investissement (BPI), propose une solution équivalente, basée sur une technologie blockchain spécifique au milieu des objets connectés. 
Un des co-fondateurs de GoodsID, Loys de la Soudière, explique que si ce certificat numérique n’empêchera pas la contrefaçon, « il évitera qu’un client achète un produit contrefait sans le savoir ». Il souligne également que l’enjeu, pour les marques, va au-delà de la lutte contre la contrefaçon puisque ce certificat permet également de suivre commercialement de façon plus efficace la clientèle.
En effet, de nombreux articles de luxe sont achetés pour offrir et, du coup, le réel possesseur ou utilisateur de celui-ci est souvent inconnu pour la marque. Grâce à son certificat, GoodsID explique qu’elle pourra désormais suivre mieux ses clients, surtout lorsque l’objet change de propriétaire – et ainsi personnaliser des actions marketing.

A l’évidence, la conception de plateformes blockchain pour l’industrie du luxe, qui apportent à la fois une plus grande sécurité vis-à-vis des objets concernés et une amélioration du service à la clientèle, représentent un enjeu de croissance considérable. Pour autant, il reste la question de la confidentialité des données personnelles et leur usage à des fins commerciales associés à l’usage de telles plateformes.
Le grand reproche que l’on fait aujourd’hui aux plateformes de e-commerce et de réseaux sociaux et vient de l’opacité qu’elles entretiennent sur l’usage et la commercialisation qu’elles font de ces données personnelles. Il n’y a qu’à considérer l’effervescence actuelle autour de Facebook qui oblige – pour l’instant – les utilisateurs de son système de messagerie instantanée Whatsapp à accepter que leurs données soient réutilisées dans son service principal de réseau social, sous peine de voir les fonctionnalités de leur messagerie préférée être dégradées peu à peu.

Arianee Project, ou l’alliance entre sécurisation et transparence

Dans ce contexte, la blockchain peut-elle figurer comme une alternative du point de vue de la sécurité des données personnelles ? La réponse, aujourd’hui, ne va pas de soi. Beaucoup considèrent que cela dépend de la façon dont cette solution est conçue non seulement d’un point de vue technique (protection contre une intrusion) mais aussi par rapport à la façon dont doivent être gérées ces données personnelles.
Si celles-ci devaient être rendues totalement anonymes, cela ne manquerait pas de constituer certaines barrières au développement de telles plateformes. En effet, un anonymat complet s’opposerait à des dispositifs réglementaires de la plupart de nombreux pays, soucieux de se protéger des excès possiblement générés par les crypto-monnaies, qui reposent sur la technologie blockchain.

C’est pour tenter de résoudre cette difficulté à allier sécurisation et transparence des données avec respect des informations personnelles que le Arianee Project se développe. Il s’agit du concept d’une plateforme blockchain se basant sur des technologies ouvertes et dont les gestion est décentralisée.
Son président exécutif, Frédéric Montagnon, estime qu’il n’y a besoin que des plateformes de cette nature gèrent également des données personnelles de ceux à qui appartiennent les certificats numériques produits et administrés par ces mêmes plateformes. Résolvant ainsi, a priori, la difficulté.
Mieux : si ces technologies parviennent à s’imposer auprès des principaux secteurs d’activité économique – en premier lieu celui de l’industrie du luxe – il y a une possibilité pour que les solutions européennes qui développent en premier ces approches blockchain, reprennent la main sur l’Internet de demain. Il en va même, selon lui, du « salut du numérique européen ». 

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