logo_blanc
Rechercher

Charles Riva ou comment vivre l’art

Il échappe aux définitions… Ancien galeriste et collectionneur à la tête d’un fonds d’investissement dans l’art, Charles Riva est « tombé dans la marmite quand il était petit » avec une mère peintre dont il a commencé à vendre les tableaux à l’âge de 16 ans et ses premières collections de photographies. Il évolue dans le marché de l’art avec l’ouverture au public de sa collection dans sa résidence privée à Bruxelles.

Un article issu du numéro 24,  Automne 2023

Ancien galeriste international, vous vous présentez comme collectionneur d’art.

Charles Riva : J’ai débuté dans ce métier très jeune, à 23 ans, en ouvrant en 1998 ma propre galerie à New York, la Riva Gallery, puis à Paris et à Londres avec deux marchands qui venaient de chez Larry Gagosian qui est l’une des plus importantes galeries d’art contemporain au monde. Au bout d’une dizaine d’années, j’ai fait le constat que le business modèle des galeries était voué à l’échec. Le marché a beaucoup évolué avec la place qu’a pris le numérique via les réseaux sociaux comme Instagram et l’achat d’œuvres en ligne. C’est un business complètement différent et plus compliqué.

 

Comment évoluent ces galeries ?

C.R. : Les petites galeries n’arrivent pas à exister en face de mastodontes qui occupent presque deux tiers du marché et attirent les artistes en leur faisant miroiter une très belle exposition. L’envers du décor, c’est le retour sur la rentabilité à court terme qu’imposent certaines galeries : elles font pression sur les artistes ou s’en débarrassent sans se poser plus de questions. Sans oublier tous les frais que doit assumer un galeriste : les coûts de transport pour envoyer les œuvres, la présence dans les foires contemporaines, ou encore l’hôtellerie pour accueillir l’artiste. Tout cela est trop coûteux pour les petites galeries.

 

 

Peut-on dire que vous êtes un marchand collectionneur ?

C.R. : J’ai cette particularité d’être un collectionneur qui revend, ce qui n’est pas habituel et heurte parfois les marchands. En réalité, la collection que j’ai créée me sert de vitrine auprès de mes clients, mais aussi de label, car c’est plus crédible de les conseiller sur ce qu’il faut avoir ou acheter si j’ai fait moi-même ces placements. Les œuvres que j’achète doivent former un groupe cohérent comme les pièces d’un puzzle que j’appelle un « group show » : je choisis chaque pièce qui complétera un ensemble cohérent en termes artistiques. Cela prend parfois des années avant d’aboutir à la collection parfaite.

 

Comment faites-vous vos choix d’investissement dans l’art ?

C.R. : À l’opposé des gens qui achètent un artiste quand ils le voient dans un musée. Parce que c’est au moment où il devient célèbre que je commence à vendre ses œuvres. C’est ainsi que j’ai démarré ma première collection en 2002, avec des photographies d’artistes comme Helmut Newton ou Thomas Roof qui étaient encore en vie et accessibles. En vendant mes photos, j’ai réinvesti dans les dessins d’artistes célèbres à une époque où cela n’intéressait personne. Et ainsi de suite, j’ai vendu les dessins et je me suis acheté des tableaux en me concentrant sur les choses que j’aimais bien : Keith Haring, Thomas Croft, ou François-Xavier Lalanne qui, à l’époque, ne valait rien…

 

Quelle est votre principale source de revenus dans l’art aujourd’hui ? La vente de votre collection ?

C.R. : L’art arrive après l’immobilier comme l’un des plus gros secteurs d’investissement avec un marché non négligeable qui pèse à peu près 67 milliards de ventes par an. J’ai créé un fonds d’investissement dans l’art pour les personnes majoritairement issues de la finance qui souhaitent diversifier leur portefeuille dans un domaine de plus en plus lucratif ou pour des clients fortunés amateurs d’art. Je gère de manière très transparente leur budget, mais aussi toute la partie administrative (taxes, assurance…). Une somme de 2 millions, je proposerais de l’investir en l’étalant sur trois tableaux d’artistes américains parce que c’est là que l’on fait les meilleures plus- values. C’est une démarche différente des fonds d’investissement classiques qui détiennent un minuscule pourcentage d’un tableau extrêmement coté, mais sur lequel le client ne contrôle rien, et sera contraint de revendre sa part à perte s’il a envie de sortir du tableau du jour au lendemain.

 

L’investissement dans l’art n’est-il pas très concurrentiel ?

C.R. : Je ne suis pas le premier à proposer ce type de service mais mon passé de galeriste et surtout ma collection m’apportent une vraie crédibilité. Je ne vends pas des artistes que je représente, mais des artistes que j’ai achetés dans le passé. Je me suis démarqué de la galerie classique façon « white cube » en recevant dans mon appartement où est exposée ma collection, et j’y organise des dîners sélectifs pour établir un lien plus intime.

 

L’art contemporain est-il la période la plus bankable dans le marché de l’art ?

C.R. : L’art contemporain marche mieux que le reste. Si on prend l’exemple des tableaux impressionnistes qui coûtent très cher, ils sont étonnamment moins cotés. Cela s’explique notamment par la question de la provenance : à cause des nombreuses copies, il est parfois très difficile, même par un historien, d’identifier le faussaire. Il y a quand même eu beaucoup de propriétaires d’un Renoir qui s’apercevaient, soixante ans après l’acquisition, qu’il était faux. L’art contemporain est plus facile à authentifier car de nombreux artistes sont encore vivants.

 

La principale source de revenus d’un galeriste est-elle la commission ?

C.R. : Oui, même si la commission varie dans le marché d’art contemporain très haut de gamme. Avec des artistes très connus comme Andy Warhol, Frank Stella ou Roy Lichtenstein dont les œuvres valent des millions, le pourcentage oscille entre 5 % et 10 %. En revanche, si vous avez acheté un artiste comme Nicolas Party dont la cote explose aujourd’hui, c’est très intéressant car vous aurez fixé au départ un pourcentage relativement élevé.

 

 

Comment définiriez-vous un bon galeriste ?

C.R. : Quand j’ai commencé à montrer ma collection, j’ai fait fi des critiques : elle correspondait à mes goûts. Je pense qu’un bon galeriste doit toujours continuer à aiguiser son œil et à développer son style. C’est important de se forger sa propre opinion et cela vous permet de ne pas vous laisser influencer par des galeries ou les ventes aux enchères qui présentent toujours leur œuvre à vendre comme exceptionnelle.

 

On dit qu’une bonne collection n’est jamais terminée…

C.R. : Oui, c’est addictif, on n’a jamais fini. D’ailleurs, à une époque, j’avais commencé à collectionner des voitures et des briquets ! C’est de l’ordre de l’obsession.

 

 

 

<<< À lire également : Comment Roberto Ferri a-t-il ressuscité l’esthétique perdue de la peinture baroque européenne ? >>>

 

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Newsletter quotidienne Forbes

Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC