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Coronavirus : Ces Petites Entreprises Américaines Se Sont Réinventées Pour Résister

entreprisesCrédit photo : Getty Images

Pendant la période de confinement, de nombreuses entreprises américaines ont souffert du ralentissement de l’activité, et ont parfois même dû fermer définitivement leurs portes. Pourtant, certaines d’entre elles ont su tirer leur épingle du jeu et ont réussi à optimiser la situation. Zoom sur trois d’entre elles.

En février dernier, Jeff Davidson, cofondateur et co-PDG de l’entreprise de fitness Camp Gladiator, était parti en week-end de pêche avec ses amis à Lake El Salto, au Mexique, lorsqu’il a éprouvé un profond sentiment de déjà-vu. En allumant son ordinateur comme tous les soirs, pour faire le tour des forums d’investissement (une vieille habitude héritée de sa carrière en tant que vice-président d’AXA Advisors), il a pu lire les inquiétudes des analystes de Wall Street et des gestionnaires de fonds spéculatifs, qui suivaient le développement d’un nouveau coronavirus à Wuhan, en Chine. Plus il se renseignait, plus Jeff Davidson pressentait la même chose que ce qu’il avait pressenti à la veille de la crise financière de 2008.

Il raconte : « Je me souviens seulement de ce que j’ai ressenti lorsque Bear Stearns a fait faillite en 2008 et que la panique a gagné le marché boursier, entraînant le crash. Tous ces souvenirs ont été ravivés par la situation actuelle. Je suis rentré tout de suite au siège de mon entreprise et j’ai dit à mon équipe “Je pense que nous devons nous préparer pour un événement majeur”. » Depuis les bureaux de Camp Gladiator à Austin, Texas, les employés ont mis au point le Project Mars, afin de pivoter en direct l’entreprise de fitness.

L’entreprise Camp Gladiator a été fondée en 2008 par Jeff Davidson et son épouse, Ally, qui y a investi les 100 000 $ de récompense remportés grâce à la victoire du programme American Gladiator, pour lequel elle avait auditionné le jour de son mariage. Aujourd’hui, la société vaut 60 millions de dollars et propose des séances d’entraînement en extérieur, dans une ambiance amicale et encourageante. Avant la pandémie déjà, le couple effectuait une analyse concurrentielle du paysage numérique, afin de proposer leurs premières séances à distance dès 2022.

Alors que la crise sanitaire a entraîné la fermeture de centaines de salles de sport, faisant plonger l’industrie de la remise en forme (d’une valeur de 94 milliards de dollars) dans une récession, Camp Gladiator a su sortir du lot. Si des chaînes comme Gold’s Gym ont fait faillite, et que des startups valorisées à un milliard de dollars comme ClassPass ont vu 95 % de leur chiffre d’affaires disparaître du jour au lendemain, l’absence de locaux physiques de Camp Gladiator a joué en sa faveur, tout comme le modèle de rémunération de ses entraîneurs (les 1000 instructeurs de la société touchent 75 % des recettes des cours). Jeff Davidson explique : « Camp Gladiator, c’est comme 1 000 petites entreprises regroupées en une moyenne entreprise, car chacun de nos entraîneurs est un propriétaire exploitant local, qui récupère les bénéfices de son propre local ».

Ce modèle de fonctionnement a permis à l’équipe d’accélérer le lancement des offres virtuelles au 16 mars, bien avant la plupart de ses concurrents. Après une semaine de cours gratuits en live sur Facebook, l’entreprise a lancé un défi d’entraînement virtuel d’une durée de 6 semaines pour 39 $ (les abonnements à des cours physiques coûtent généralement entre 59 et 79 $ par mois). Le virage rapide a porté ses fruits : depuis son lancement il y a deux mois, Camp Gladiator est passé de 4 000 entraînements en plein air par semaine à près de 10 000 entraînements sur Zoom. L’entreprise a conservé 97 % de sa clientèle, soit près de 80 000 personnes, et a acquis 20 000 clients supplémentaires, pour 700 000 $ de bénéfices. Le succès est tel que le couple prévoit de conserver l’offre virtuelle à long terme et a engagé de nouveaux entraîneurs, qui ont pour la plupart été récemment licenciés par des salles de sport concurrentes pendant le confinement. 

« Il y a six semaines, nous pensions mettre un peu de sparadrap sur notre activité avec les cours en ligne. Mais il y a quatre semaines, nous avons commencé à réfléchir une offre supplémentaire de produits, qui pourrait être conservée à long terme », explique Jeff Davidson. « Aujourd’hui, nous traçons notre chemin. Il y a des chances pour que dans un an, le virtuel représente la majorité de notre offre de produits ».

Il va sans dire que la fitness n’est pas le seul secteur qui a été touché par la pandémie. La crise du coronavirus a fait des ravages considérables pour les entreprises du monde entier, et a plongé dans l’obscurité la plupart des 30 millions de petites entreprises américaines, dont beaucoup espèrent encore recevoir une aide financière de la part du gouvernement. Selon une récente enquête de Goldman Sachs, 71 % des entreprises ayant fait une demande auprès du Paycheck Protection Program (programme de protection des salaires) sont toujours dans l’attente d’un prêt, et 64 % d’entre elles n’ont pas assez de fonds pour survivre les trois prochains mois. Au 19 avril, plus de 175 000 entreprises avaient fermé (temporairement ou définitivement). Dans les grandes métropoles durement touchées, comme Los Angeles, New York et Chicaco, les taux de fermeture d’entreprises atteignent 200 % selon le rapport Q1 Economic Average de Yelp.

Le monde de la restauration a été également beaucoup souffert, et ce, dans le monde entier. Une récente enquête menée par l’Independent Restaurant Coalition et la James Beard Foundation a révélé que le secteur de la restauration n’avait reçu que 9 % des fonds promis dans le cadre du Paycheck Protection Program, alors qu’il représente 60 % des pertes d’emplois au mois de mars. Par ailleurs, la National Restaurant Association estime que le secteur de la restauration aux États-Unis a perdu 80 milliards de dollars en avril, et pourrait perdre 240 milliards de dollars d’ici la fin de l’année.

Prenons l’exemple de Monarca Bakery and Café, une chaîne originaire de Los Angeles, décrite par son cofondateur Ricardo Cervantes comme : « Un mélange entre une boulangerie mexicaine et Starbucks ». Pesant pourtant 15 millions de dollars, la chaîne s’attend à une baisse de son chiffre d’affaires jusqu’à 40 % dans ses 12 établissements cette année. Le cofondateur explique : « Comme nous nous sommes délibérément positionnés dans les quartiers hispaniques de la classe ouvrière, nous sommes dans des zones où employeurs et employés ont été le plus durement touchés. Mais nous n’avons pas arrêté ».

En effet, avec son associé Alfredo Livas, ils se sont démenés pour établir une nouvelle routine. Tous les établissements sont restés ouverts et proposent de la vente à emporter, et les salaires des employés ont été réduits afin de garder la majorité de leurs équipes intactes (environ 10 % ont été licenciés). L’activité a aussi été étendue, pour inclure davantage d’articles préemballés et proposer des repas familiaux. Pour répondre aux besoins des communautés locales, Monarca Bakery and Café a également commencé à livrer des articles essentiels, comme du lait, du beurre, de la farine, des serviettes en papier, du papier toilette et de l’eau de javel. Ricardo Cervantes raconte : « Certains de nos quartiers n’ont pas accès aux grands supermarchés ou à Costco, et s’ils y ont accès, de nombreux habitants n’ont souvent pas les ressources nécessaires pour stocker deux mois de papier toilette. Ils ont besoin de produits quotidiens, mais en plus petites quantités, et c’est ce que nous leur proposons ».

Lorsque les deux hommes se sont rencontrés en 2001, alors qu’ils étaient étudiants en MBA à la Stanford Business School, ils n’imaginaient pas travailler un jour de cette manière. « Nous sommes plus occupés aujourd’hui que jamais, ce qui ne veut pas dire que les affaires sont géniales. Comme le dit l’expression [américaine], nous construisons notre avion pendant qu’il est dans les airs », relatent les associés.

Mais si les mesures de distanciation sociale ont entraîné la fermeture de nombreuses entreprises du monde entier, certains secteurs y ont trouvé leur compte, comme les métiers du vin. Selon les données de Nielsen, les ventes de vin à emporter ont augmenté de 29 % au cours de la période du 1er mars au 18 avril, par rapport à la même période l’an dernier. Par ailleurs, les ventes totales d’alcool à emporter ont grimpé de 24 % au total. 

C’est sur cette tendance que mise Kingston Family Vineyards. Fondée en 1998 par Courtney Kingston, cette entreprise familiale pesant 3 millions de dollars est basée dans la vallée de Portola, en Californie. Elle possède aussi une ferme centenaire et un vignoble de 140 hectares dans la vallée de Casablanca, au Chili, une destination touristique de premier plan. L’entreprise ne produit que 3 500 caisses de pinot noir, chardonnay, syrah et sauvignon blanc par an (elle vend 90 % de ses raisins à d’autres viticulteurs). Ainsi, lorsque le président chilien Sebastián Piñera a déclaré l’état de catastrophe le 19 mars dernier, Kingston Family Vineyards a perdu une partie importante de son chiffre d’affaires, alors que cette période est habituellement la plus rentable de l’année. 

Pour contrecarrer la situation, le vignoble s’est mis à proposer des dégustations de vin à distance, en expédiant les bouteilles aux clients à l’avance. Aux États-Unis, le chiffre d’affaires de l’entreprise n’a baissé que de 10 % au mois d’avril par rapport à l’an dernier.

Courtney Kingston explique : « Grâce à ces dégustations virtuelles, nous avons compensé une grande partie de nos revenus par une activité totalement nouvelle. Avant le coronavirus, l’hébergement des invités dans un cadre intime était central pour nous, pour pouvoir partager notre petit coin de paradis avec les clients, que nous pouvions fidéliser. Aujourd’hui, et à court terme, tout cela est impossible. La seule chose que nous pouvons faire, c’est garder espoir ».

 

Article traduit de Forbes US – Auteure : Maneet Ahuja

 

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