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Cancel culture et crédit social :  la mort annoncée de la liberté d’opinion ? 

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La « Cancel Culture »  dans sa pratique met – entre autres – au pilori ceux et celles qui ne souscrivent pas à telle ou telle idéologie dominante, ou n’adhèrent pas à des « grandes causes » sociétales, osent les pondérer, ont l’outrecuidance de les contester ; pire encore, accusent ceux et celles qui ne s’y plient pas d’être complices des maux qu’ils dénoncent. Une approche qui peut aller jusqu’au lynchage sur internet pour un tweet maladroit ou une opinion jugée par les « Cancelers »  comme  « non-conforme ».

La pauvreté intellectuelle de la « Cancel Culture », son manque cruel de profondeur sont aussi dramatique que flagrant. Elle tente de s’imposer sans la moindre nuance et gangrène, ou plutôt ampute, toute forme de débat.

La Cancel Culture est, in fine,  la foule dans ce qu’elle a de plus bestial. Elle est la bête élémentaire que pointait André Suarès :  « La foule est la bête élémentaire, dont l’instinct est partout, la pensée nulle part. »

Cancel Culture : La culture de la censure

Si je devais donner une définition de la  « Cancel Culture », elle serait celle-ci : la Cancel Culture est d’abord une culture de la censure. C’est une « culture » violente et de masse. Elle voue aux gémonies quiconque n’adhère pas à ce qu’elle a désigné comme relever du bien qu’elle a défini. Elle ne supporte aucun contre discours. Elle se nourrit de certitudes, est allergique aux convictions, donc à toute forme de débats. S’y confronter sur des sujets de sociétés – entre autres -, émettre une opinion divergente, dissonante, c’est prendre le risque d’être désigné comme un paria avec des conséquences qui peuvent aller jusqu’à la destruction « sociale ». La Cancel Culture, dans ce qu’elle donne à voir  n’est pas sans rappeler « La Terreur », cette période de la Révolution française entre 1793 et 1794 caractérisée par la mise en place d’un gouvernement révolutionnaire centré sur le Comité de salut public et le Comité de sûreté générale. Une terreur intellectuelle, s’entend. Elle n’est compatible ni avec le libre arbitre, ni avec la liberté d’opinion, ni avec la liberté d’expression, ni la liberté de conscience. C’est aussi simple que cela. La Cancel Culture est une culture de l’oppression par la masse.

De fait, si nous n’y prenons garde, au travers des exemples que je vais évoquer, la Cancel Culture pourrait bien s’avérer être à très court ou moyen terme une composante non négligeable de ce qui permettra – selon ses adeptes –  de prétendre définir les contours de ce que serait un « citoyen vertueux ».

La Cancel Culture, du fascisme au « médiocrisme ».

Dans cette dynamique que je pressens, la Cancel Culture se rapproche dangereusement d’une forme de fascisme inédit. Les choses ne se reproduisant pas dans l’histoire, tout du moins à l’identique, c’est une forme d’approche fascisante qu’il faudra un jour qualifier. Nul ne me contestera que, dans son modus vivendi, la Cancel Culture tutoie la définition du fascisme tel que le définissait Roland Bathes : « le fascisme ce n’est pas d’empêcher de dire, mais d’obliger à dire ! ». Si la Cancel Culture est fascisante dans son mode de fonctionnement, la réponse est oui. « L’autre » est sommé de se taire ! Le terme qui pourrait la définir, si l’on conjugue sa pauvreté intellectuelle avec sa violence de masse démesurée, serait peut-être : « le médiocrisme » qui n’en est pas moins terrifiant..

Il est important de préciser que la Cancel Culure est protéiforme. Elle peut aller du boycott de telle ou telle enseigne ou personnalité pour des propos tenus qui peuvent contrevenir à la loi, elle est alors « légitime ». Malheureusement, elle dépasse largement cela, elle s’arroge le droit de se faire « la loi », elle peut alors prendre pour cible quiconque est dans un discours ou contre discours qui ne lui convient pas.   

Cancel Culture et crédit social : un cocktail explosif

Comme j’ai pu l’écrire, le crédit social à la chinoise qui semblait impensable en terre démocratique va être mis en place à Bologne, sous le nom de Smart Citizen Wallet.  Il faudra définir alors les comportements récompensés (la non-récompense des « récalcitrants » étant de mon point de vue déjà une sanction). Si nous convenons que les technologies sont prêtes en Europe pour mettre en place cette forme de crédit social au travers d’un portefeuille numérique – à l’exemple du Digital ID Wallet de la société Thales -, si nous prenons acte que ce portefeuille numérique est en projet au niveau de l’Union européenne, si nous mesurons en tant que citoyen que ce portefeuille européen d’identité numérique » est dirigé par la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen, qui n’a nullement été élue par le peuple, être préoccupés et vigilants me semble raisonnable.

Mon inquiétude est le pont qui pourrait bientôt être dressé entre «  Crédit Social » et  « Cancel Culture » pour définir (sic) demain le profil d’un bon citoyen.

Si ce pont s’établissait, ce serait alors la mort annoncée de la liberté d’opinion ! Si la Cancel Culture réussit dans son absence de culture à se poser comme un référent pour distinguer – par delà les lois –  un bon citoyen d’un mauvais,  la Cancel Culture est à même de contraindre des comportements.

L’exemple le plus flagrant, le plus caricatural, le plus triste, suite à l’assassinat de George Floyd,  aura été l’exploitation faite de ce drame… Sa mort tragique, le fait d’un homme, se traduira par l’injonction faite à des hommes blancs de mettre un genou à terre devant des hommes de couleur, avec pour conséquences le fait d’être soupçonné en s’y refusant- si l’ordre avait été intimé à un individu – d’être raciste. Une ineptie ! Une folie !

Plus récemment, dans la même dynamique, c’est un footballer qui, pour ne pas avoir voulu être utilisé comme porte-drapeau de la journée mondiale dédiée à l’homophobie, a été pointé du doigt . En effet, comme l’an passé, le milieu sénégalais Idrissa Gana Gueye n’a pas joué samedi à l’occasion de la journée mondiale dédiée à la lutte contre l’homophobie. Le samedi 14 mai,  pour ne pas avoir voulu participer au match de son club (le PSG) face à Montpellier, club qui pour cette journée arboraient un maillot arc-en-ciel en soutien aux communautés LGBT+, ce dernier a été accusé d’homophobie. Un raccourci pour le moins inquiétant, une interprétation fallacieuse faisant ipso facto de lui un joueur citoyen non vertueux, un homophobe, niant son droit absolu au libre arbitre.  En quoi ne pas vouloir être utilisé par une communauté – quelle qu’elle soit – comme porte-drapeau est-il condamnable ? En quoi l’exercice de son libre arbitre est-il un crime ? C’est là tous le danger de la Cancel Culture.

Si nous croisons la Cancel Culture avec le Crédit Social tel qu’il se met en place à Bologne et à Rome, au sein de l’Europe, la Cancel Culture au travers des exemples que je cite pourrait bien avoir prétention à définir ce qui est ou n’est pas un « citoyen vertueux ».

La Cancel Culture croisera peut-être bientôt le chemin du Crédit Social. Si cela devait se produire, ce que je redoute, le libre choix du citoyen sera alors anéanti. Nous assisterons à l’émergence de citoyens de seconde zone qui seront, parce qu’ils s’arrogent le droit d’exercer leur esprit critique, privés de nombreux avantages.  Voilà de quoi, si nous n’y prenons garde, seront faits nos lendemains. Je rappelle à toutes fins utiles pour ceux et celles qui me prendrait pour un « illuminé » que j’avais alerté sur le crédit social en Europe….. Ne s’est-il pas matérialisé ? En chercheur, je ne m’appuie que sur les faits.

Cela en sera alors fini de la démocratie au sens noble que nous lui attribuons à savoir : un système politique dans lequel le peuple est souverain. Dans une telle configuration, une partie du peuple demeurera certes souverain en écrasant – au côté de l’État – les récalcitrants. Cela rendra la citation d’Oscar Wilde on ne plus contemporaine : « Démocratie : L’oppression du peuple par le peuple pour le peuple. »

 

 

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