Alors que les compagnies pétrolières ont été confrontées à une année 2020 difficile due à la chute des prix du baril, elles doivent de plus faire face à la transition écologique qui les oblige à repenser leur modèle économique. Dans quelle direction vont-elles se diriger ? Les réponses d’Olivier de Langavant, directeur général de Maurel & Prom, société de production et d’exploitation pétrolière.

 

2020 n’a pas été une bonne année pour le pétrole avec un prix du baril en berne (42 dollars en moyenne) et un contexte Covid compliqué avec, par exemple, un transport aérien en chute libre. Quel en a été l’impact pour les compagnies comme la vôtre ?

Olivier de Langavant : La crise a certes été impactante, et certaines entreprises du secteur en ont beaucoup souffert. Pour notre part, nous avons mis en place très rapidement des mesures de réduction de nos coûts d’exploitation et de nos dépenses de développement afin de préserver notre trésorerie ; ce qui nous a permis de maintenir un free cash flow positif pour l’exercice malgré la forte baisse des prix du brut. Pour autant, je crois qu’il faut garder un certain recul. Somme toute, du point de vue des prix, ce n’est qu’une crise de plus vécue par les acteurs.
Le secteur connaît des cycles longs et il est habitué à la succession de périodes de sous-production et de sur-demande, suivies de périodes de surproduction et de sous-demande. La chute des prix en 2020 n’a donc finalement rien d’exceptionnel, même si les prix sont tombés très bas au deuxième trimestre. En revanche, elle est intervenue à un moment où le modèle économique des compagnies pétrolières est remis en cause par les défis posés par la transition énergétique.

 

Effectivement, l’emploi des énergies thermiques est structurellement voué à disparaître. Comment réfléchissez-vous à l’avenir de votre société ?

Olivier de Langavant : Quel est l’avenir à long terme de l’industrie pétrolière ? La question se pose désormais dans toute son acuité. En d’autres termes, si la transition énergétique justifie un changement de modèle économique, à quel rythme doit-il avoir lieu, chacun doit-il se précipiter ? Ou prendre au contraire le temps requis ou permis par la durée importante de cette transition? Les entreprises de petite ou moyenne taille, comme Maurel & Prom, ont leur propre approche du sujet compte tenu notamment des coûts et seuils d’accès à un nouveau secteur d’activité. Il est clair que les différents scénarios évoqués anticipent une baisse drastique de la demande de pétrole. Il faut, toutefois, les relativiser. La fin du pétrole n’est pas pour tout de suite, ni même pour demain.
En 2050, la demande de pétrole brut devrait sans doute se situer entre 20 et 30 millions de barils par jour, ce qui reste conséquent, même si cela est très éloigné des 100 millions de barils produits quotidiennement aujourd’hui. Ces prévisions restent à un niveau appréciable et il faudra bien que cette demande soit couverte. C’est pourquoi, je pense qu’il n’y a pas nécessairement urgence à se précipiter vers un nouveau modèle, qui reste par ailleurs difficile à définir, aux investissements coûteux et dont la rentabilité reste très aléatoire.
Chez Maurel & Prom, nos fondamentaux sont solides et nous sommes tout à fait conscients des objectifs de cette transition énergétique, et mettons tout en œuvre pour réduire l’empreinte environnementale des barils que nous produisons. Cependant, nous n’allons pas tenter une aventure, comme celle de se reconvertir précipitamment vers les énergies renouvelables (que ce soit le solaire, l’éolien ou autre) sans visibilité claire sur le business model et notre capacité à y devenir aussi un des « best of class ».

 

Il existe un deuxième volet concernant la transition énergétique. Il concerne le fait de produire plus propre. Comment cela se traduit-il pour votre entreprise ?

Olivier de Langavant : Dans la mesure où M&P a vocation à conserver son cœur de métier, au moins à moyen terme, nous nous devons de répondre aux enjeux du développement durable. Ces derniers font partie intégrante de notre culture d’entreprise comme en témoignent notre performance et notre certification ISO 45001 relative à notre système de management environnemental.

M&P s’est engagé à réduire son empreinte environnementale, à savoir produire un mix d’hydrocarbures avec un minimum d’émission de CO2. Une mission que nous remplissons au quotidien et qui nous positionne d’ores et déjà parmi les acteurs aux plus faibles taux d’émissions spécifiques. De plus, nous nous sommes fixés un certain nombre d’objectifs qui vont nous permettre d’améliorer significativement cette performance.

 

Vous êtes présents sur différents continents, Afrique, Amérique, Europe. En termes de développement, allez-vous ouvrir de nouveaux champs ?

Olivier de Langavant : Le désengagement des grands acteurs a lieu sur de nombreux segments, ce qui peut effectivement créer des opportunités, à condition qu’il ne s’agisse pas de champs à coûts élevés et qu’on puisse y dégager de la valeur. Pour notre part, chez Maurel & Prom, nous privilégions le développement de nos actifs et des zones pouvant s’y rattacher. Aujourd’hui, nous possédons des champs en production sur lesquels nous pouvons continuer à forer pour augmenter nos capacités. Par ailleurs, certains de nos actifs recèlent un important potentiel que nous développerons dès que les conditions nécessaires seront réunies.