La smart city (ville intelligente) s’appuie sur l’interconnectivité des infrastructures urbaines et des flux de données associés, afin par exemple de limiter le temps perdu dans les transports, de réduire l’empreinte écologique et de favoriser les mobilités douces en ville. Aujourd’hui, en France, 25 communes, métropoles et communautés d’agglomération développent des services intelligents. On estime que les collectivités locales pourraient économiser 9,2 milliards d’euros par an grâce aux smart cities dans un délai de 5 à 10 ans, et l’éclairage intelligent des villes constitue souvent la première étape d’un projet réussi, comme l’explique Jean-Daniel Le Gall, directeur général de Citelum, filiale du groupe EDF, spécialisée dans le domaine. 

 

L’éclairage intelligent des villes peut-il constituer le point d’entrée pour réussir un projet smart city ?

Jean-Daniel Le Gall : Pour qu’un projet de smart city ait du sens tant pour un élu que pour les services en charge de la gestion des territoires, il faut qu’il puisse s’appuyer sur un modèle économique. Les investissements nécessaires à la digitalisation des infrastructures du territoire doivent pouvoir générer une forme de rentabilité. Aujourd’hui, pour l’essentiel des exemples de smart cities que nous connaissons, l’éclairage public constitue le point d’entrée le plus évident pour une collectivité. Passer à l’éclairage intelligent signifie que l’on va moderniser une infrastructure d’éclairage, généralement plutôt vétuste, en substituant les installations énergivores, par des systèmes à technologie moderne, et particulièrement les LED, qui vont permettre à cette infrastructure d’être performante sur le plan énergétique et communicante.

 

C’est-à-dire ? 

Jean-Daniel Le Gall : Chaque point lumineux va communiquer avec les autres et l’exploitant de l’infrastructure va pouvoir communiquer avec l’ensemble de l’installation. De plus, le fait de déployer un système modernisé reposant sur l’usage de la technologie LED permet de générer des économies d’énergie liées à la baisse drastique de la consommation. Ces dernières vont permettre de dégager, à l’échelle du territoire, une part significative des ressources nécessaires aux investissements et de tendre vers un ROI beaucoup plus intéressant. Ces nouvelles marges de manœuvre financières vont être partiellement investies dans d’autres dispositifs (capteurs, vidéo, etc.) visant à doter le territoire d’une infrastructure communicante et permettant de déployer de nouveaux services à valeur ajoutée (stationnement intelligent, mobilité, mesures environnementales, services publics numériques, etc.). Le solde des économies générées servira au remboursement de l’investissement initial sur l’éclairage.

 

Outre l’éclairage, la smart city comporte bien d’autres intervenants et de multiples sujets comme les transports, le stationnement, la sécurité, etc. Pour pouvoir offrir dans le domaine une expérience fluide à l’usager, il faudra que tous ces domaines soient interopérables. Un pilotage commun est-il réellement possible ?

Jean-Daniel Le Gall : C’est effectivement l’un des enjeux forts de la ville intelligente. Ce que nous avons réalisé et que nous exploitons sur la Métropole de Dijon, qui est probablement l’exemple de smart city le plus abouti en France, démontre que c’est possible. Nous pilotons 11 « verticales » différentes qui vont de l’éclairage à la vidéoprotection en passant par le stationnement, la signalisation lumineuse tricolore, la gestion d’une partie des espaces publics, etc. Tout cela s’effectue à partir d’un Poste de Pilotage Centralisé qui récupère l’ensemble des informations relatives aux évènements jalonnant la vie de l’espace public grâce à la collecte et la centralisation des informations remontées par les infrastructures, ceci dans le but de permettre de prendre les bonnes décisions visant à optimiser le fonctionnement des services publics et leur performance. 

 

La smart city s’appuie donc sur un flot continu de données. Comment traitez-vous la question de leur protection ?

Jean-Daniel Le Gall : Il est indispensable de garantir la confidentialité des données qui sont collectées sur le territoire à travers l’ensemble de ces dispositifs. Pour y parvenir, nous nous appuyons sur l’ensemble des règles informatiques qui nous permettent de les protéger notamment les recommandations de l’Agence nationale pour la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) et appliquons strictement au Règlement général sur la protection des données (RGPD). De plus, les données ont toujours vocation à améliorer l’existant, elles n’ont pas d’utilité individuelle. Il s’agit avant tout d’identifier des usages collectifs pour optimiser et à terme, imaginer de nouveaux services. Enfin, elles restent la propriété de la collectivité que nous servons, du début de leur collecte à leur analyse, et ne seront jamais vendues ou utilisées à des fins commerciales. C’est une question d’éthique et c’est cette éthique que nous portons avec nos clients, dans chacun de nos projets « smart ».

 

Votre entreprise est présente dans le monde entier. Quelle est la zone géographique européenne où le dossier des smart cities est le plus avancé ?

Jean-Daniel Le Gall : En Europe, les collectivités locales françaises sont très dynamiques. Les projets qui émergent en matière d’intelligence des infrastructures sont généralement mûrement réfléchis. Les responsables politiques et leurs services ont su engager une réflexion pertinente dans le domaine, en s’appuyant sur des expertises souvent externes afin de travailler sur les enjeux et les fonctionnalités qu’ils cherchent à mettre en œuvre. De leur côté, les acteurs qui opèrent dans la ville intelligente doivent savoir constituer l’écosystème de partenaires permettant de couvrir l’ensemble des compétences requises par les projets de villes intelligentes. C’est, chez Citelum, l’une de nos préoccupations constantes. Au-delà de nos propres domaines de compétences (électricité, mobilité urbaine, sécurité), nous travaillons avec des spécialistes des sujets tels que l’environnement ou la mobilité électrique afin de répondre aux enjeux de chacune de ces « verticales ».