Plus qu’une question technologique, la transition digitale des entreprises est d’abord une affaire organisationnelle. Dans ce contexte, le concept de continuité numérique, qui envisage le produit sur l’ensemble de son cycle de vie, va jouer un rôle déterminant. Rencontre avec Olivier Helterlin, PDG de PTC France, fournisseur de solutions numériques à destination du secteur industriel.

 

La transition numérique, ce n’est pas la course à l’utilisation de logiciels…

Olivier Helterlin : L’usage de la technologie en tant que telle n’a, en effet, aucun intérêt. La question principale est la suivante : quel est l’objectif que les entreprises recherchent avec ces technologies et quel va en être l’impact sur leur organisation, leurs produits et services fournis. Il s’agit d’améliorer la façon dont les produits sont conçus par les départements « engineering », dont ils sont fabriqués dans les usines, et d’optimiser l’ensemble de leur cycle de vie y compris la maintenance et l’accompagnement jusqu’à leur fin de vie et leur recyclage, grâce à l’utilisation des technologies de l’information. C’est pourquoi il convient idéalement de mettre en œuvre une continuité numérique dans ce flux du cycle de vie des produits et des services, depuis leur conception, jusqu’à leur maintenance.

 

Comment réaliser cet objectif ?

Olivier Helterlin : Il faut casser les silos et réfléchir à la mise en œuvre d’un processus de bout en bout. Comme l’objectif ne peut être réalisé que progressivement, il est nécessaire d’aller capter des projets qui vont être impactants afin d’enclencher la transformation numérique de l’organisation. Dans ce contexte, le fait de disposer d’une source centrale de données digitales est un élément important. Le PLM (Product Lifecycle Management qui permet de faire communiquer et collaborer toutes les parties prenantes au cycle d’un produit) va, bien évidemment, avoir un rôle à jouer. Les données du PLM pourront être enrichies par des données issues du monde physique qui seront récupérées au travers d’objets connectés puis intégrées à d’autres systèmes pour pouvoir les exploiter à grande échelle.

 

C’est-à-dire ?

Olivier Helterlin : Aujourd’hui, PTC propose des solutions au travers de « Creo », (solution CAO de modélisation), de « Windchill » (solution PLM), de « Thingworx » (plateforme d’IoT Industriel), et de « Vuforia » (plateforme de réalité augmentée). Elles s’adressent à l’industrie manufacturière, clients historiques de PTC provenant des secteurs de l’aéronautique ou de l’automobile qui sont des utilisateurs de longue date des systèmes de CAO et de PLM. Mais ces solutions sont également utilisées au sein des industries de type process comme l’agroalimentaire, la pharmacie ou bien la chimie. Celles-ci vont souvent démarrer soit avec un projet pour piloter leur performance industrielle grâce à l’IoT, soit avec un projet de réalité augmentée qui vise à faciliter le travail de leurs collaborateurs. Puis, chemin faisant, elles vont remonter le flux et se rendre compte de la nécessité de gérer dans un PLM toutes les données qu’elles administrent sur des fichiers Excel pour définir l’implantation des usines, les spécifications des machines. Tous ces outils numériques sont indispensables à la transition vers l’industrie du futur, l’industrie 4.0.

 

De ce point de vue, existe-t-il une fracture entre grands groupes et PME ?

Olivier Helterlin : Il existe aujourd’hui une demande croissante en la matière de la part des PME qui, d’ailleurs, peuvent se montrer plus agiles que les grandes entreprises. Chez PTC, nous avons la capacité de leur offrir des solutions, par exemple un PLM, adaptées à leur capacité d’investissement. De plus, la nouvelle zone d’investissement de PTC est le SaaS. De quoi ouvrir de manière encore plus importante l’accès des PME à nos solutions.

 

Ces solutions sont-elles également utiles pour répondre aux nouvelles demandes sociétales, comme les enjeux liés au développement durable ?

Olivier Helterlin : Il s’agit d’une question qui, selon moi, est primordiale. Pour pouvoir y répondre, il faut amener les ingénieurs, dès le début du projet, à concevoir leurs produits de manière durable. Pour y parvenir, il faut utiliser des moyens d’ingénierie qui soient les moins consommateurs possibles. Cela suppose, par exemple, d’utiliser la réalité augmentée dans le cadre des revues de spécification au lieu de faire se déplacer sur le même site 50 ingénieurs venant d’endroits différents. Mais, surtout, cela signifie prévoir, dès la phase de conception, une fabrication la plus économe possible. Notre logiciel « Creo » possède une large gamme de fonctions qui permettent de créer des pièces destinées à être produites en fabrication additive, procédé beaucoup moins consommateur en énergie et en matières premières par rapport aux procédés classiques. Sans oublier d’anticiper les étapes de fin de vie et de recyclage du produit.

 

Le concept de continuité digitale est-il bien compris par le marché ?

Olivier Helterlin : PTC a été pionnier sur le sujet de la continuité digitale, concept qui séduit de plus en plus le marché. En vertu de cette dernière, les industriels conçoivent des produits, gèrent les données de ces produits, puis connectent ces produits avec le monde physique pour créer une boucle intégrée. Nous allons donc continuer à promouvoir ce concept.