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Transformer L’Education Après La Crise

edtechAn elementary aged school child doing his homework at home using a laptop computer. Technology is changing how children do their homework.

Nous n’étions pas prêts. La continuité pédagogique n’a pas bien fonctionné. A cela une raison : La France ne s’est jamais donné les moyens d’une éducation innovante depuis 20 ans qu’Internet existe. Par Marie-Christine Levet, fondatrice d’Educapital.

Pourtant des rapports de la Cour des Comptes, du Sénat, de la Caisse des dépôts, de la DGE avertissaient en 2018 et 2019 sur les insuffisances graves de l’éducation numérique dans le pays, et concluaient à la nécessité d’un effort sérieux d’investissement dans l’innovation pédagogique et la formation des professeurs.

Le 12 mars 2020, la fermeture des écoles était annoncée. Le 16 mars, les serveurs étaient submergés et les parents constatèrent l’impréparation du pays à affronter la disruption éducative.

Le système D fonctionna vaille que vaille.

Les médias d’Etat lancèrent dans l’urgence des solutions de secours. L’antique CNED tenta d’assurer la « classe à la maison «. La plupart des enseignants, jamais formés au numérique, firent face avec les moyens du bord et avec de réelles difficultés.

Professeurs et parents mirent en place des boucles Whatsapp, des classes virtuelles Teams, des cours sur Youtube… et les Gafam captèrent immédiatement les données de nos enfants.

La note que nous avions publiée en novembre 2019 avec le think-tank Digital New Deal sur le danger de perte de souveraineté éducative et culturelle s’avérait, hélas, prémonitoire.

Le 18 mars, la jeune filière française de l’Edtech lança une plateforme pour offrir une centaine de services éducatifs, dont le trafic explosa.

Des sociétés du portefeuille d’Educapital comme Open Digital Education qui connectait fin février 2,5 millions d’élèves, parents et enseignants, dans plusieurs territoires, dut s’adapter au décuplement de son trafic, alors que Lalilo, plateforme d’apprentissage personnalisé de la lecture en classe de maternelle et primaire, passait de 100 000 à 600 000 utilisateurs.

Des barrières psychologiques tombèrent : les parents, qui dépensent en moyenne 2 milliards d’euros en cours privés chaque année, ont découvert que leurs enfants pouvaient utiliser le digital à bon escient, alors que 60% de la génération Z déclarait fin 2019 que YouTube était sa première source d’apprentissage.

Malgré les difficultés, de nombreux enseignants se sont emparés des outils numériques. Cette crise aura permis la grande expérimentation jamais menée sur l’éducation en ligne. Elle aura été la preuve que la technologie ne remplace aucunement le professeur, mais qu’elle est à son service pour lui permettre de se concentrer sur le cœur de sa mission, accompagner les enfants dans leurs apprentissages et leur transmettre les valeurs du vivre ensemble et les références culturelles qui fondent notre République.

Pourtant, en France, l’Edtech n’a été utilisée, le plus souvent, que pour des fonctions de base (partage d’écran, envoi de documents, messagerie) sans que de nouvelles pratiques pédagogiques innovantes soient véritablement déployées.
L’impréparation des enseignants, leur manque de formation, les difficultés de connexion, et des outils pas toujours adaptés ont pu générer frustration et déception. 
Plus grave encore, pour beaucoup d’enfants laissés à leur sort, les fractures sociales ont été aggravées. L’inégalité dans l’utilisation des outils innovants est abyssale entre les familles et entre les territoires. La fracture numérique est béante.

C’est justement parce que la France ne s’est pas donné les moyens d’une éducation innovante que nous en sommes arrivés là et que le système éducatif s’est retrouvé à terre. C’était évitable. Nous avons durant dix ans perdu du temps et de l’argent avec des plans d’équipements, vite obsolètes mais médiatiques.

Au même moment, la Chine mettait en place des partenariats avec ses champions privés de l’éducation innovante et ses opérateurs télécom. Durant la crise, tous les élèves ont eu accès à une plateforme de ressources et à des live class sur 12 matières. Il faut dire que le pays investit 3 à 4 milliards $ par an dans l’edtech depuis de nombreuses années.
En Grande-Bretagne, le marché du numérique éducatif, c’est 900 millions d’euros par an ; en France c’est 90 millions d’euros, dont une quinzaine de millions sur les ressources innovantes soit 0,02% du budget 2020 de l’éducation nationale, ou 1 euro par élève et par an. Tout est dit.

C’est pourquoi il serait vraiment dommage de résumer l’Edtech aux pratiques des derniers mois. Nous n’en sommes qu’au début de la révolution que le numérique permet en terme d’innovation pédagogique. 
Lorsqu’il est bien conçu, il favorise le travail collectif, facilite les tâches répétitives de correction pour les professeurs, permet l’accès à des ressources de qualité, et produit à un apprentissage immersif, motivant personnalisé et adapté au rythme de chaque enfant, ; souvent c’est une réponse au décrochage scolaire.

Cette crise nous aura montré la nécessité de nous doter d’une filière de l’éducation innovante performante.

Pour cela, trois transformations simples :

D’abord, il est urgent de former les enseignants au numérique et de leur laisser la liberté de choisir les ressources et outils dont ils ont réellement besoin.
Ensuite, il faut s’appuyer sur les territoires et leur déléguer les budgets nécessaires au plus juste des besoins et des situations locales.
Enfin, il est essentiel de faire de l’éducation innovante une priorité du prochain PIA pour rattraper notre retard. En favorisant la recherche dans le domaine de l’innovation pédagogique et en soutenant de jeunes sociétés de devenir des champions européens.

Tirons les leçons de cette crise. Seul un investissement responsable et un solide partenariat public-privé permettront de réussir cette transformation désormais vitale de l’école pour l’avenir de nos enfants, pour le développement de leurs compétences, et pour notre souveraineté culturelle et éducative.

 

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