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Tout savoir sur la levée de fonds de 750 millions de dollars de la licorne de l’IA Anthropic

AnthropicLogo Anthropic. | Source : Getty Images

Le dernier tour de table de la licorne de l’intelligence artificielle (IA) Anthropic, mené par Menlo Ventures, a surpris certains initiés du secteur en raison de sa forme et de sa finalité.

Article de Alex Konrad et David Jeans pour Forbes US – traduit par Flora Lucas

 

Selon plusieurs rapports, la startup d’IA OpenAI aurait terminé l’année en discutant d’une levée de fonds de 100 milliards de dollars ou plus. Pendant ce temps, l’un de ses principaux concurrents, Anthropic, a accepté une levée de fonds qui parait presque modeste en comparaison : la licorne de l’IA a levé 750 millions de dollars de fonds, multipliant par quatre sa valorisation (qui s’élève désormais à 18,4 milliards de dollars).

De nouveaux détails sur ce tour de table singulier, qui est toujours en cours, révèlent comment l’investisseur principal, la société de capital-risque Menlo Ventures, a utilisé une tactique de plus en plus populaire pour se hisser au premier rang : une entité ad hoc. Selon plusieurs sources, l’impulsion de ce tour de table est venue de Menlo Ventures qui a fait preuve d’opportunisme en cherchant à renforcer sa position dans l’une des principales licornes de l’IA avant un éventuel tour de table plus important plus tard en 2024, une fois que les revenus d’Anthropic auraient augmenté. Pour un petit actionnaire, il s’agissait d’un coup de force. Pour Anthropic, il s’agissait d’un moyen simple de gonfler son trésor de guerre dans un contexte de course à l’embauche et aux produits.

 

Une levée de fonds inattendue

Anthropic n’avait pas du tout prévu de faire un tour de table à la fin de l’année 2023 : la startup avait déjà signalé aux investisseurs intéressés qu’elle préférait attendre la seconde moitié de l’année 2024 pour procéder à une levée de fonds formelle, selon quatre personnes proches du dossier. Cependant, l’offre de Menlo Ventures était logique. L’entreprise a obtenu une injection de fonds à un moment critique avec un minimum d’agitation, tout en formalisant les conditions de deux autres promesses faites par des partenaires clés de l’informatique en nuage, Amazon et Google.

Certains investisseurs ont été pris au dépourvu par la démarche agressive de Menlo Ventures. « Nous nous sommes plaints auprès de l’entreprise, mais la demande pour le produit est tellement forte », a déclaré un investisseur. « Ils se sont excusés parce qu’ils n’ont pas le temps. »

Mardi 9 janvier, Menlo Ventures a révélé l’existence de l’entité ad hoc, appelée Menlo Inflection AI Partners, dans un document réglementaire, indiquant que l’entreprise prévoyait de lever 500 millions de dollars pour ce tour de table. Les 250 millions de dollars supplémentaires proviennent des fonds propres de Menlo Ventures et de contributions d’initiés, a confirmé une source proche du dossier. Il est également prévu d’inclure un prorata pour les investisseurs qui disposent de tels droits, comme Spark Capital, le fonds de capital-risque qui dispose du seul siège au conseil d’administration d’Anthropic. D’autres actions sont destinées aux employés d’Anthropic, selon deux sources.

 


« La plupart des entreprises ne peuvent pas faire un chèque aussi important. Avant, il y avait peut-être SoftBank, mais cette entreprise a fermé ses portes. »


 

Anthropic n’a pas souhaité répondre aux demandes de commentaires concernant le tour de table. Les sociétés Menlo Ventures et Spark Capital ont également refusé de répondre aux demandes de commentaires. The Information a été le premier à rapporter l’organisation du tour de table, tandis que Semafor a révélé l’utilisation d’une entité ad hoc.

Anthropic, connue pour son modèle de langage étendu et Claude 2, le concurrent de ChatGPT, trouve ses origines dans la recherche. Dario Amodei n’est pas connu pour apprécier les levées de fonds, selon de multiples sources. L’un des responsables techniques d’Anthropic a déclaré aux investisseurs que l’externalisation de la collecte de fonds à Menlo Ventures leur avait permis d’avoir plus de temps pour coder, a indiqué une source. « Il s’agit de gagner du temps », a ajouté cette source, qui n’a pas été autorisée à s’exprimer publiquement. « Il s’agit d’un intérêt entrant qui permet de réaliser un tour de table à un seuil intéressant, et de régler le reste plus tard. »

Selon plusieurs initiés du secteur, l’initiative agressive de Menlo Ventures est apparue comme une occasion de s’associer plus étroitement avec Anthropic à un stade où la société ne serait pas en mesure de jouer un rôle d’intermédiaire. Bien que l’IA soit devenue un domaine d’intérêt déclaré des fonds les plus récents de la société, les sociétés de capital-risque ne peuvent généralement pas investir plus de 10 % ou 15 % d’un fonds dans une entreprise donnée. Compte tenu de la taille des fonds les plus récents de Menlo Ventures (la société a déclaré détenir pour 1,35 milliard de dollars de fonds en novembre), la société n’aurait pas été en mesure d’investir seule dans un tour de table de 750 millions de dollars. Cependant, en utilisant une entité ad hoc, la société Menlo Ventures peut investir autant qu’elle le souhaite, pour ensuite en faire profiter ses investisseurs commanditaires et autres partenaires.

La société Menlo Ventures bénéficie également d’avantages financiers sur les investissements qu’elle a obtenus sous la forme de commissions et d’intéressements différés. Les entités ad hoc incluent souvent des conditions préférentielles pour les bailleurs de fonds d’une société de capital-risque, et une source a déclaré à Forbes que c’est ce qui est prévu pour le tour de table d’Anthropic. En revanche, les autres investisseurs qui n’ont pas de droits légaux « au prorata » leur permettant d’insister pour être inclus dans le tour de table seraient obligés de passer par Menlo Ventures s’ils voulaient investir, ce qui pourrait être impossible puisque certaines entreprises ne peuvent pas investir dans les entités ad hoc d’une autre entreprise.

Menlo Ventures n’est pas la première société à se tourner vers les entités ad hoc pour des opérations à un stade plus avancé. Thrive Capital aurait utilisé ces entités pour plusieurs opérations, dont la récente offre publique d’achat d’OpenAI. Cependant, comme il s’agit d’un nouveau tour de table, et non d’une vente secondaire, cette tactique laisse dubitatif. Un investisseur ayant connaissance du tour de table d’Anthropic a fait valoir que l’utilisation d’une entité ad hoc est de plus en plus nécessaire à mesure que les startups lèvent des fonds massifs. « La plupart des entreprises ne peuvent pas faire un chèque aussi important », a indiqué la source. « Avant, il y avait peut-être SoftBank, mais cette entreprise a fermé ses portes. »

 

Accord avec Amazon et Google 

Pour Anthropic, l’avantage le plus immédiat est une rentrée d’argent rapide. Anthropic employait environ 300 personnes selon un rapport datant de décembre 2023. La société cherche actuellement à augmenter ses effectifs d’environ 20 %, avec un peu moins de 60 postes disponibles sur son site internet, dont neuf en ingénierie et dix en recherche. Selon deux sources, les prévisions de ventes ont augmenté rapidement au cours des derniers mois, mais une grande partie de ce chiffre d’affaires n’a pas encore été réalisée. Le fondateur d’une autre licorne de l’IA, qui a demandé à rester anonyme, a fait remarquer que le fait d’attendre pour lever des fonds supplémentaires plus tard pourrait offrir des conditions plus favorables à l’entreprise.

Il y a aussi la question des accords d’Anthropic avec Amazon et Google. Les deux géants d’internet se sont engagés à l’automne à injecter des milliards dans la licorne. En septembre, Amazon a annoncé un partenariat avec Anthropic prévoyant un investissement pouvant aller jusqu’à 4 milliards de dollars. Le mois suivant, Google, qui avait déjà investi dans le tour de table de 450 millions de dollars d’Anthropic en mai 2023, s’est engagé à verser 2 milliards de dollars supplémentaires.

L’investissement de Google est simple : une première tranche de 500 millions de dollars est déjà à la disposition d’Anthropic et est convertie en un tour de table dirigé par Menlo Ventures. Deux autres tranches de 750 millions de dollars seront investies à des intervalles de temps indépendants des étapes ou du prix des actions, a déclaré une source proche du dossier. Google n’a pas souhaité répondre aux demandes de commentaires.

L’investissement d’Amazon, divulgué dans un document trimestriel, comprend un montant de 1,25 milliard de dollars déployé en septembre sous la forme d’une obligation convertible. Amazon a également « [conclu] un accord », écrit la société, pour investir jusqu’à 2,75 milliards de dollars dans une deuxième obligation qui expirerait au premier trimestre 2024. Une source proche du dossier a précisé qu’Anthropic et Amazon doivent décider le 29 mars (le dernier jour ouvrable du premier trimestre) de déclencher ou non la deuxième obligation, plus importante, qui se convertirait alors en un futur cycle de financement.

Parallèlement, Amazon Web Services (AWS) a signé un partenariat avec Anthropic, dans le cadre duquel la startup d’IA s’engage à faire du leader de l’informatique dématérialisée son principal fournisseur pour le développement de futurs modèles, ainsi qu’à mettre ces modèles à la disposition des clients d’AWS.

En outre, la licorne Anthropic s’est engagée à dépenser un certain montant sur cinq ans avec AWS dans le cadre de l’accord, a déclaré une source proche du dossier. Amazon a renvoyé les journalistes à sa dernière déclaration 10-Q, qui mentionne ce qui suit : « Nous avons également un accord commercial portant principalement sur la fourniture de services en nuage et de puces AWS. » L’entreprise n’a pas souhaité faire de plus amples commentaires.

 

À lire également : Bataille de l’IA | OpenAI cherche à fusionner avec Anthropic

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