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Rapport de la Commission de l’intelligence artificielle : faut-il repenser nos priorités dans l’investissement en IA ?

Le rapport de la Commission de l’intelligence artificielle remis au gouvernement le 13 mars, que nous attendions toutes et tous, souligne une nouvelle fois l’importance de l’IA en tant que révolution technologique incontournable. Il propose un ensemble de 25 recommandations destinées à faire de la France, et plus largement l’Europe, un acteur international majeur. 

Une contribution de Frédéric Brajon & David Guedj – Co-fondateurs et co-dirigeants de Saegus.`

 

Dans cette course, des pays comme les États-Unis ou la Chine en ont déjà fait un pilier de leur stratégie de puissance économique et d’influence. La France prend enfin la mesure du challenge à relever. Elle affirme son ambition de devenir un acteur majeur en matière d’intelligence artificielle et cela, sans délai. Il était temps : le retard qu’elle enregistre actuellement peut encore être rattrapé.  Ce « sans délai » est tiré de nos échecs de ces dernières décennies et de notre incapacité à devenir un acteur majeur du digital et du cloud.

Vers une ambition française dans l’IA : échéances passées et nouveaux défis

L’Europe et la France ont des atouts pour être des acteurs de cette révolution, car nous avons une excellence académique en mathématiques et informatique, ainsi qu’un écosystème dynamique de startups et d’entreprises innovantes dans le domaine de l’IA. 

Le rapport met en évidence les principales transformations générées pas l’IA au premier rang desquelles la question centrale pour les entreprises et leurs salariés : « l’IA sera-t-elle créatrice ou destructrice d’emplois ? L’IA va-t-elle me remplacer ? ». La réponse de la commission est sans appel : l’IA  sera créatrice d’emploi, avec des nuances suivant les secteurs d’activité.

Dans un premier temps, elle sera source de gains de productivité, puis très probablement générera l’apparition de nouveaux métiers eux-mêmes créateurs d’emplois. Le rapport apporte également des éléments de réflexion intéressants autour d’une vision plus « humaniste » des usages de l’IA, en faveur de la formation des travailleurs, du développement d’un dialogue social et d’une prise de position des pouvoirs publics. Il exprime que cette révolution devra accorder « davantage de pouvoir aux citoyens et aux travailleurs ».

L’IA comme source d’opportunités : lever les barrières pour une adoption généralisée

Six grandes lignes d’action sont mises en avant pour relever ce défi : la construction d’un plan de sensibilisation et formation de la nation, la création d’un fonds « France & IA » de 10 milliards d’euros pour financer l’émergence d’un écosystème, la mise en place d’une infrastructure technique pour l’entraînement des modèles d’IA, la promotion d’une gouvernance mondiale de l’IA… ces axes sont déclinés en 25 recommandations, pour un montant global de 27 milliards d’euros sur 5 ans, résumées dans le tableau ci-après.

Les 25 recommandations sont pertinentes, et couvrent de larges domaines comme l’infrastructure, la recherche, l’éducation, la gouvernance, l’accessibilité des données. Toutefois, nous nous interrogeons sur la répartition des budgets alloués et les priorités qui sont ciblées.

En effet, l’allocation de l’un des plus gros budgets (7,7 Mds €, soit 28,5% du budget) sur la production de composants semi-conducteur peut surprendre ; les supercalculateurs sont essentiels certes, mais n’est-il pas déjà trop tard pour investir sur ce secteur largement dominé outre-Atlantique ? Ne faudrait-il pas plutôt investir dans des infrastructures européennes de stockage et processing (à l’instar d’une société comme Scaleway), ou sur la mise au point de l’ordinateur quantique qui marquera la prochaine rupture majeure pour le développement de l’IA et assurera un leadership international incontestable à ses créateurs ?

Dans la même idée, l’acculturation et formation du grand public à l’IA est un enjeu qui sera le travail de longues années ; mais la priorité n’est-elle pas à court terme (5 ans) de financer des champions français incontestables ? À ce titre, une stratégie pourrait être de cibler des domaines spécifiques, tels que  la santé, l’industrie, l’agriculture ou la transition écologique, pour prendre de vitesse les grands acteurs qui sont encore très généralistes. En effet, faciliter l’émergence de champions français et européens sur des modèles de fondations tel que Mistral.ai est essentiel, mais nous sommes convaincus qu’il faut également remporter la bataille de l’usage ; c’est-à-dire, développer des applications d’IA orientées métiers en surcouche de ces grands modèles de fondation.

Le budget associé à l’accès à la donnée (16 m€ sur 27 Mds€) semble également très faible au regard de son impact final sur la performance des modèles, ainsi que sur la protection des droits d’auteurs et données personnelles et le risque de sous-représentativité du patrimoine français dans les réponses qui seront apportées par les IA.

De plus, le sujet de l’appauvrissement des réponses données par les IA nous semble clé. Celles-ci généreront des millions de contenus plus ou moins fiables, qui seront inévitablement une source pour les nouvelles phases d’entraînement.

Nous ne doutons pas que de nouveaux arbitrages permettront d’affiner ce plan et réorienter si nécessaire les priorités ; les bases proposées sont extrêmement intéressantes et poussent les pouvoirs publics à agir. Étant au cœur de la transformation des entreprises par l’IA, que nous appelons le Smart Shift, nous voyons tous les jours auprès de nos clients cette immense envie d’accélérer et de s’emparer du sujet, même si les questionnements et tâtonnements ralentissent encore le passage à l’acte pour bénéficier d’une « IA pour tous » .

L’acculturation et les programmes d’adoption sont les clés de voûte du shift des entreprises vers l’intelligence combinée : celles où la technologie est pensée et déployée au service de l’humain. Car la question finale n’est pas “faut-il y aller”, mais “comment faut-il y aller”. L’IA est avant tout une formidable source d’opportunités pour peu qu’elle soit de confiance, utilisée à bon escient et de manière sécurisée – alors, accélérons ! 

 


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