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Linda Jackson, DG de Peugeot : « C’est cet équilibre entre héritage et modernité qui nous permet d’être la marque de voitures préférée des Français »

Linda Jackson, DG de PeugeotLinda Jackson, DG de Peugeot

Linda Jackson est devenue Directrice générale de Peugeot en 2021. Pour Forbes France, elle est revenue sur un des enjeux majeurs de son secteur : l’électrification qui marque le secteur automobile et les différents défis à relever pour rester dans la course.

 

En tant que Britannique de souche, comment expliquer cet attrait pour Peugeot ?

Linda Jackson : Il est vrai que j’ai passé mon enfance dans l’Ouest de l’Angleterre, à Coventry, et ma première voiture a été une Mini Cooper ! Mais je connaissais déjà Peugeot car le modèle 205 était extrêmement populaire et plusieurs de mes amis travaillaient dans une de leurs usines implantées dans le secteur. J’ai commencé ma carrière chez Land Rover en 1977 et j’y suis restée pendant plus de 20 ans. En 2005, j’ai rejoint PSA et je suis partie m’installer en France à partir de 2014, au moment où le poste de CEO de Citroën s’est présenté à moi.

 

Quels sont les principaux défis à relever depuis votre prise de poste ?

L. J. : C’est un honneur pour moi d’assurer ce rôle pour un groupe riche d’une histoire de plus de 210 ans et une gamme extraordinaire qui a su s’adapter avec le temps. Sur les opportunités et challenges, tout constructeur automobile est actuellement contraint de prendre le virage de l’électrification. La décision européenne de mettre un terme à la commercialisation des voitures thermiques d’ici 2035 a joué un rôle crucial dans ce mouvement. Par ailleurs, les ventes de véhicules électriques en Europe ont progressé de près de 29 % l’an passé et en France, notre Peugeot e-208 était le modèle de véhicule électrique le plus vendu en France en 2022.

Dans le même temps, 80% de nos ventes à ce jour se réalisent en Europe et le reste dans les autres pays du monde, c’est pourquoi l’objectif d’internationalisation est situé en haut de mon agenda. Dans le cadre de ce développement, l’Amérique du Sud, le Moyen-Orient et l’Afrique sont les trois régions les plus importantes pour nous.

 

Vous aviez en 2022 déclaré mettre un point d’honneur au pricing power, est-ce toujours le cas ?

L. J. : Oui et nous avons opéré une montée en gamme depuis dix ans pour offrir plus de valeur à nos clients. Mais le pricing power ne signifie pas devenir le plus cher pour autant : notre 208 électrique est accessible et bénéficie justement du « leasing social », un dispositif gouvernemental permettant la location longue durée d’une voiture électrique pour 100 euros par mois.

Notre gamme s’est diversifiée pour répondre à tous les besoins et nous aurons cinq nouveaux modèles électriques en 2024. La nouvelle Peugeot 3008 en version électrique qui doit sortir au printemps prochain bénéficiera d’une autonomie de 527 km et ira dans un second temps jusqu’à 700 km.

 

En mai 2023, vous aviez pourtant déclaré que « les jours des gros SUV sont comptés à cause de leur aérodynamisme cauchemardesque »…

L. J. : Quand j’ai fait ce commentaire, je parlais surtout des SUV en très gros gabarit. Nous veillons constamment à ce que ces modèles soient le plus léger possible et avec un aérodynamisme performant. Nous avons aussi choisi de privilégier des batteries plus petites dans nos voitures par rapport à celles de nos concurrents.

 

Comment avez-vous convaincu Carlos Tavares de lancer ce nouveau produit ?

L. J. : En tant que CEO, ma responsabilité est de proposer le bon produit avec le bon prix ainsi que de consolider le positionnement stratégique de notre marque. Il faut parfois explorer une idée en profondeur et tout faire pour convaincre ensuite les membres du board, dont Carlos Tavares. Mais je n’ai pas dû vraiment convaincre ce dernier car l’enjeu d’électrification fait partie de l’agenda de Stellantis. Plus encore, lors de la présentation de son plan stratégique « Dare Forward 2030 », Stellantis avait annoncé la création de quatre nouvelles plateformes « STLA » (ndlr : chassis adaptés à la construction de plusieurs modèles), dont une spécialement adaptée aux plus grands véhicules électriques.

Toutes ces plateformes sont mises à disposition des 14 marques de Stellantis et c’est aux CEO de choisir ce qui leur convient. Carlos Tavares accorde en revanche de l’importance au business plan et mon rôle est surtout de m’assurer qu’une production en volume génère assez de profit. Je suis par exemple moi-même passionnée de cabriolets et beaucoup de personnes me demandent si Peugeot pourrait sortir un modèle de ce type. Mais la réalité est que ce marché est trop petit pour être rentable.

 

Vous avez récemment annoncé produire votre prochain e-3008, à Sochaux… Quelle symbolique derrière cette décision ? Une cohérence avec le rebranding du logo Peugeot en 2021 qui symbolisait un « retour aux racines » ?

L. J. : Nous disposons de cinq grands sites industriels dans l’Hexagone et Sochaux reste le berceau historique de la marque. Je ne suis pour ma part pas fan de « rétro » mais il est évident que les 210 ans d’histoire de Peugeot ont une influence sur notre avenir. Célébrer cet héritage me paraît pertinent. C‘est cet équilibre entre héritage et modernité qui nous permet aujourd’hui d’être la marque de voitures préférée des Français. En comparaison, les constructeurs chinois disposent de modernité mais pas d’un héritage comme le nôtre.

 

L’inauguration de la gigafactory Automotive Cells Company au cours de l’été 2023 peut-elle permettre à l’Europe de s’imposer sur ce marché ?

L. J. : Notre partenariat dans ce projet est très important et cette gigafactory contribuera à l’objectif de Stellantis d’atteindre une capacité de fabrication de batteries de 250 GWh en Europe d’ici 2030. Au total, nous disposons de cinq gigafactories en Europe et en Amérique du Nord.

 

Pour autant, la Chine totalise la moitié des ventes mondiales de voitures électriques et comptabilise deux tiers des capacités mondiales de production de cellules. De son côté, l’Europe ne représente que 1 % de la production mondiale… Est-ce que vous pensez dans ce contexte arriver à produire une batterie européenne moins chère que la batterie asiatique ? Et de manière générale, une voiture électrique compétitive ?

L. J. : Notre stratégie pour 2030 est justement de réduire le coût des voitures électriques de 40 %. Et cela reste possible notamment en France grâce à nos cinq usines qui fabriquent des composants indispensables aux modèles électriques. Stellantis va dépenser plus de 50 milliards d’euros pour poursuivre ses efforts et rester compétitive à la fois en termes de gamme et de prix. D’ici fin 2024, nous aurons dévoilé toute notre gamme 100% électrique et chaque ancien modèle aura droit à sa version électrifiée. Et bien sûr, 100% de notre gamme vendue en Europe sera électrique d’ici 2030, conformément à la réglementation en vigueur.

 

Les matériaux et les étapes de production nécessaires à la fabrication d’une voiture aujourd’hui sont de plus en plus complexes… Comment s’assurer que la main d’oeuvre et les compétences suivent la cadence ?

L. J. : Oui, nous voyons petit à petit la voiture mécanique devenir digitale et c’est ce qui a par exemple motivé Stellantis à créer la Software Factory, un nouveau hub en Pologne qui permet de préparer les services liés aux véhicules de plus en plus connectés. Nous pensons qu’il est possible de former les métiers existants à ces nouvelles compétences et nos efforts en la matière permettent de réduire la complexité et les coûts de notre chaîne de production.

De la même manière, 400 ouvriers ont été intégrés au projet gigafactory de batteries d’ACC et nous avons déjà formé 13 000 salariés en 2022 sur les enjeux de l’électrification. C’est le rôle de notre « Battery Training Center », un centre de formation aux nouveaux métiers de la batterie à Douvrin qui a accueilli en mai dernier sa première promotion. À l’issue d’un cursus de 400 heures, les salariés volontaires vont acquérir ce savoir-faire sur la fabrication des batteries.

 


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