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Le milliardaire chinois He Xiaopeng qui défie Elon Musk et Tesla

He XiaopengHe Xiaopeng, président-directeur général du fabricant chinois de véhicules électriques XPeng, s’exprime lors d’une conférence de presse pour présenter l’architecture technologique de nouvelle génération SEPA2.0, le 16 avril 2023 à Shanghai, en Chine. Getty Images

L’année dernière, l’entrepreneur chinois He Xiaopeng a survécu à une guerre des prix brutale lancée par Tesla. Aujourd’hui, sa stratégie axée sur la croissance mondiale vise à redynamiser XPeng, sa marque de véhicules électriques.

Un article de Yue Wang pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie

 

Le constructeur automobile chinois XPeng n’est pas un géant sur le marché férocement concurrentiel des véhicules électriques, mais il a des ambitions très élevées, au sens propre du terme.

Lors du Consumer Electronics Show (CES), salon mondial de la technologie, qui s’est tenu en janvier à Las Vegas, une filiale de l’entreprise a présenté un modèle de voiture volante et a déclaré que les livraisons commenceraient en Chine vers la fin de l’année 2025.

Ce délai suscite un grand scepticisme, d’autant plus que la Chine ne dispose pas d’un cadre réglementaire clair autorisant les voitures volantes. Même si les consommateurs ne pourront peut-être jamais piloter un tel véhicule, la promotion de Las Vegas pourrait contribuer à renforcer l’image de XPeng en tant que marque haut de gamme utilisant des technologies sophistiquées. Son cofondateur, He Xiaopeng, a fait de XPeng l’un des pionniers de la production de véhicules électriques en Chine.

He Xiaopeng, président-directeur général de l’entreprise, n’était pas présent au CES et n’aborde pas le sujet des voitures volantes aux médias pour le moment. Le magnat chinois est confronté à de nombreux défis, y compris une concurrence de plus en plus féroce sur le marché national des véhicules électriques, ainsi que la nécessité de concrétiser les objectifs ambitieux de son entreprise, cotée à Hong Kong et à New York : se développer à l’échelle internationale, devenir un producteur de VE haut de gamme à l’étranger, mettre fin à une série de pertes et devenir l’un des trois plus grands fabricants de VE de Chine d’ici à 2030. (En ce qui concerne les livraisons, XPeng n’apparaissait pas dans le top 10 en 2023).

L’année dernière, le magnat a survécu à une crise due à une guerre des prix brutale déclenchée par Tesla, qui a rendu ses véhicules 40 % moins chers en Chine qu’aux États-Unis. 

 

XPeng et Volkswagen : un partenariat stratégique pour contrer la concurrence

Pour relancer les ventes, il a lancé le SUV G6 pour concurrencer le Model Y de Tesla et a fait appel à Volkswagen en tant qu’investisseur. En juillet, le constructeur automobile allemand a accepté d’investir 700 millions de dollars (643,5 millions d’euros) et de détenir 4,99 % de XPeng. Les résultats financiers de XPeng pour l’année entière ne sont pas encore publiés, mais au troisième trimestre (les derniers résultats disponibles), les revenus ont augmenté de 25 % en glissement annuel pour atteindre 8,5 milliards de yuans (1 milliard d’euros), bien que les pertes se soient creusées à 3,9 milliards de yuans (498 millions d’euros).

« Les défis sont aussi des opportunités », a déclaré le patron de 47 ans du fabricant de véhicules électriques basé à Canton lors d’une interview exclusive accordée en décembre à Pékin. « S’il n’y avait pas de défis à relever, je ne serais pas aussi déterminé à apporter des changements. »

Cette année encore, la concurrence sera intense, surtout après que Tesla a réduit ses prix en janvier sur de nombreux marchés, dont la Chine. « La concurrence sera très, très agressive cette année », déclare Wang Hanyang, un analyste de 86Research basé à Shanghai, ajoutant que même si l’entreprise a fait de solides progrès à la fin de 2023, « XPeng peine à sortir de la situation difficile dans laquelle elle se trouve ».

Chairman He, diplômé en informatique de l’université technologique de Chine du Sud à Canton, n’est pas étranger aux cycles d’expansion et de ralentissement. La première entreprise de ce natif du Hubei n’avait aucun lien avec l’industrie automobile. En 2004, après avoir travaillé pour le développeur de logiciels Asia Info, coté à Hong Kong, il a lancé un opérateur de navigateur mobile appelé UC Web. En 2014, il a vendu l’entreprise à Alibaba pour 4,3 milliards de dollars (3,9 milliards d’euros). Le géant du commerce électronique est ensuite devenu un investisseur dans XPeng, la société automobile que He Xiaopeng – qui avait décelé des opportunités dans le secteur alors naissant des véhicules électriques – a fondée en 2014.

Mais lorsque l’entreprise a préparé en 2018 son premier modèle, le SUV G3, pour la production de masse, la demande des consommateurs a chuté car le gouvernement chinois a réduit les subventions à l’achat de VE. XPeng a réussi à obtenir 400 millions de dollars (368 millions d’euros) de financement auprès d’investisseurs, y compris des sociétés de capital-investissement et He Xiaopeng lui-même, pour survivre. Elle est entrée en bourse à New York en 2020, levant 1,5 milliard de dollars (1,38 milliard d’euros). Les actions se sont envolées pour valoriser l’entreprise à 57 milliards de dollars (52,4 milliards d’euros), soit presque plus que Ford et General Motors réunis à l’époque, car son deuxième modèle, la berline P7, a connu un succès immédiat et a alimenté l’optimisme quant à la possibilité pour le fabricant chinois de VE d’émerger en tant que concurrent sérieux de Tesla. Mais l’action s’est ensuite effondrée à mesure que les concurrents lançaient de nouveaux modèles et que la chaîne d’approvisionnement de l’entreprise était touchée par les mesures liées au Covid-19.

Le premier jour de l’année 2024, l’entrepreneur chinois a lancé un monospace à sept places, le X9, qui vise le marché du luxe et dont le prix de départ est de 360 000 yuans (45 990 euros). Il promet d’accélérer le rythme des lancements à l’avenir. Mais l’entreprise – et l’industrie – est à nouveau confrontée à une baisse de la demande intérieure. Entre-temps, Xin Guobin, vice-ministre au ministère de l’Industrie et des Technologies de l’information en Chine, a reconnu en janvier que la demande extérieure était « insuffisante » après que beaucoup de projets de véhicules électriques ont été construits en Chine. Les autorités se sont engagées à aider les exportateurs de VE du pays en leur offrant un soutien dans des domaines tels que la finance et la logistique.

Le début de l’année a été difficile pour les actions de XPeng qui, à la mi-février, avaient chuté de plus de 30 % à New York et à Hong Kong en raison des inquiétudes suscitées par une nouvelle guerre des prix et par l’économie chinoise. Au début du mois, les analystes de Citi ont de nouveau réduit leur objectif de prix à 28,30 dollars de Hong Kong (3,33 euros), contre 39,60 dollars de Hong Kong (4,66 euros). 

He Xiaopeng, dont la richesse provient d’une participation dans l’entreprise, a vu la valeur nette de sa fortune diminuer de 70 %, passant d’un pic de 5,5 milliards de dollars (5 milliards d’euros) en 2021 à 1,5 milliard de dollars (1,38 milliard d’euros) actuellement (classement Forbes en temps réel à la mi-février). De plus, les investisseurs ont vendu de nombreuses actions liées aux véhicules électriques après qu’Elon Musk a souligné la baisse de la demande et les taux d’intérêt élevés, et a mis en garde contre une croissance nettement plus faible pour Tesla en 2024.

 

Des projets audacieux sur la scène internationale 

Afin de stimuler la croissance, le dirigeant du fabricant automobile se tourne vers l’Europe, le deuxième marché mondial des véhicules électriques après la Chine en termes de livraisons, et une région qui prévoit progressivement d’éliminer les véhicules non électriques à partir de 2035. De plus, les droits d’importation sur les voitures ne sont que de 10 % en Europe, contre 27,5 % aux États-Unis.

Cependant, des défis subsistent en Europe. Face à la surabondance de l’offre dans son pays, XPeng n’est pas le seul à espérer vendre dans la région. Sous la houlette de BYD du milliardaire Wang Chuanfu, qui construit sa première usine automobile européenne en Hongrie, une douzaine de fabricants chinois de véhicules électriques sont déjà en lice dans la région. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré à l’automne dernier que les marchés mondiaux « sont désormais inondés de voitures électriques chinoises moins chères. Et leur prix est maintenu artificiellement bas grâce à d’énormes subventions publiques ».

L’UE a ouvert une enquête antidumping contre les véhicules électriques chinois. La Chine a réagi en janvier en lançant une enquête antidumping sur les produits à base d’alcool en provenance de l’Union européenne.

Le magnat de XPeng reste déterminé à se développer en Europe, puis en Asie du Sud-Est, au Moyen-Orient et en Amérique latine. L’entreprise souhaite également s’implanter en Égypte cette année. « Je veux faire de XPeng une marque de milieu et de haut de gamme à l’étranger », a déclaré He Xiaopeng. « Vendre des voitures à bas prix n’est certainement pas mon objectif. »

En Norvège, le SUV G9 de XPeng, d’une valeur de 57 990 euros, est devenu l’un des 15 véhicules électriques purs les plus vendus au cours du dernier trimestre de 2023, selon le cabinet d’études berlinois Schmidt Automotive Research. Wang of Research estime que XPeng a livré en 2023 environ 2 000 voitures au Danemark, en Norvège, en Suède et aux Pays-Bas, les quatre marchés européens où elle est présente.

Bien que ce chiffre soit faible, il marque un progrès pour XPeng, dont les premiers produits destinés à l’Europe ne répondaient pas aux préférences locales. Cette année, la société annonce qu’elle s’étendra à l’Allemagne, à la France et à l’Italie. Au cours du second semestre, elle lancera son premier modèle de conduite à droite pour la Grande-Bretagne et d’autres pays où l’on conduit à gauche.

Le milliardaire affirme que l’entreprise commencera cette année à étudier les technologies de conduite autonome pour l’Europe, dans le but d’offrir à terme des fonctions de conduite autonome avancées dans toute la région. Il souhaite également s’associer avec des usines et des fournisseurs européens pour y fabriquer des voitures.

Mais les analystes estiment qu’il sera difficile d’établir l’image d’une marque haut de gamme. « Pour les voitures haut de gamme, les consommateurs européens préfèrent toujours les marques locales bien établies telles que Porsche et Mercedes-Benz », explique Matthias Schmidt, fondateur de Schmidt Automotive Research.

Cela signifie que les fabricants chinois de véhicules électriques sont davantage en concurrence sur le marché des véhicules à bas prix. MG, une marque britannique autrefois emblématique qui a été rachetée par l’entreprise publique chinoise SAIC en 2007, s’est ensuite tournée vers la vente de voitures moins chères. Cette transition lui a permis de devenir la cinquième marque de véhicules électriques en termes de livraisons en Europe occidentale, selon le cabinet d’études Canalys, basé à Singapour. Ensemble, les marques chinoises représentaient près de 9 % des véhicules électriques purs vendus en Europe occidentale au cours des dix premiers mois de 2023, lorsque les livraisons de ces voitures ont atteint un total d’environ 1,6 million d’unités, selon Schmidt Automotive Research. « L’ambition d’être considérée comme une marque de milieu et de haut de gamme est plus facile à dire qu’à faire », déclare M. Schmidt par courriel. « En bref, ce sera très difficile. » 

 

L’ambition de devenir une référence dans le secteur haut de gamme

He Xiaopeng est conscient qu’il sera difficile de gagner des parts de marché dans le haut de gamme. « Je fais preuve d’une grande patience en ce qui concerne l’expansion à l’étranger », déclare-t-il. « Nous ne pouvons vraiment nous mondialiser que si nous comprenons les marchés locaux, si nous y constituons des équipes et des chaînes d’approvisionnement, et si nous fabriquons localement. » À terme, le magnat souhaite que la moitié des ventes de l’entreprise soit réalisée à l’étranger. (XPeng ne divulgue pas le pourcentage actuel).

En Chine, la concurrence ne vient pas seulement de Tesla. Bien qu’elle ait réduit le prix du modèle populaire P7i de 15 % en janvier, XPeng devra faire en sorte que ses voitures se distinguent parmi les quelque 120 VE qui seront lancés cette année, selon les estimations de HSBC Qianhai Securities. L’une d’entre elles est la SU7, une berline très attendue du fabricant chinois de smartphones Xiaomi, qui est actionnaire de XPeng.

Cependant, les ventes nationales de véhicules à énergie nouvelle devraient croître à un rythme plus lent de 20 % cette année, pour atteindre environ 11 millions d’unités, selon l’Association chinoise des constructeurs automobiles. En 2023, les ventes augmenteront de 38 %.

En plus de s’attaquer au segment du luxe avec X9, XPeng lancera probablement une marque grand public au troisième trimestre. Il s’agira d’une collaboration avec le géant du covoiturage Didi, avec un prix inférieur d’environ 150 000 yuans (19 150 euros). En août, Didi a vendu à XPeng son activité de véhicules électriques intelligents dans le cadre d’une transaction de 744 millions de dollars (684 millions d’euros), les deux entreprises ayant convenu de travailler conjointement sur de nouveaux modèles.

« En 2024, nous lancerons plusieurs VE, et le rythme s’accélérera encore en 2025 et 2026 », explique le cofondateur de XPeng. D’ici à la fin de l’année 2027, l’entreprise a l’intention de lancer 30 nouveaux modèles ou modèles améliorés », a révélé He Xiaopeng, dans une lettre interne dont Forbes a pris connaissance. Les analystes donnent une large fourchette pour les ventes nationales de XPeng cette année. Citi a ramené ses prévisions de 250 000 à 195 000. Mais Yale Zhang, directeur général de la société de conseil Automotive Foresight, basée à Shanghai, estime que les ventes pourraient atteindre 300 000 unités.

Selon l’entrepreneur chinois, le chemin vers le sommet passe par l’élargissement du portefeuille de XPeng tout en poursuivant des technologies d’auto-conduite plus avancées. L’entreprise pionnière dans le domaine des véhicules électriques a toujours essayé de séduire la jeune génération. Ses véhicules dotés de technologies et d’un design élégant sont souvent comparés à la Model 3 de Tesla en tant qu’alternative locale.

 

À la pointe de l’innovation en matière de conduite autonome 

Il affirme que XPeng est « beaucoup plus avancé » que les autres en matière de technologie de conduite autonome. L’entreprise a annoncé en janvier que son service de conduite autonome était disponible dans 243 villes chinoises, où les véhicules utilisent des capteurs installés et des logiciels développés par l’entreprise pour analyser l’état des routes. Les analystes estiment que XPeng a mis au point l’un des meilleurs systèmes de conduite assistée en Chine. Toutefois, les lois chinoises exigent toujours la présence d’un conducteur humain, et les conducteurs de voitures peuvent intervenir lorsque les véhicules sont en mode automatique.

He Xiaopeng
La voiture volante XPeng X2 est exposée lors de la première Exposition internationale de la chaîne d’approvisionnement de Chine (CISCE) au Centre d’exposition international de Chine, le 28 novembre 2023 à Pékin, en Chine. Getty Images

L’entreprise travaille avec Alibaba Cloud pour la formation des algorithmes liés à la conduite autonome. Bien qu’Alibaba ait vendu en décembre 391 millions de dollars (359 millions d’euros) d’actions de XPeng, réduisant sa participation de 10,2 % à 7,5 %, le patron de XPeng affirme que leur collaboration à long terme se poursuivra.

L’entreprise automobile chinoise vise à réduire les coûts de certaines pièces de 20 % en 2024, aidée par son partenariat avec Volkswagen, qui ouvre une partie de sa chaîne d’approvisionnement. Cela permet à XPeng d’accéder à certains fournisseurs de pièces automobiles de Volkswagen à des prix plus bas, selon Vincent Sun, analyste en actions chez Morningstar. Les deux entreprises développent également conjointement deux modèles de véhicules électriques sous la marque Volkswagen qui seront vendus spécifiquement en Chine. La production en série de ces voitures devrait commencer en 2026.

Selon He Xiaopeng, l’efficacité s’est améliorée. En janvier 2023, il a nommé l’ancienne directrice exécutive et vice-présidente de Great Wall Motor, Wang Fengying, au poste de présidente de XPeng, où elle supervise tout, de la planification des produits aux ventes. Wang Fengying, qui a figuré à plusieurs reprises dans le classement annuel Forbes des femmes les plus puissantes du monde, a joué un rôle déterminant dans la rationalisation des opérations, selon le cofondateur de XPeng. Cette année, elle a procédé à une nouvelle série de changements au sein du personnel. Selon les médias locaux, une réorganisation a récemment touché des postes clés, notamment ceux des responsables des ressources humaines et de la fabrication.

Il affirme que la conduite autonome progresse comme prévu. XPeng devrait avoir stocké suffisamment de puces Nvidia avancées pour les deux prochaines années, car l’entreprise les utilise pour alimenter ses voitures autonomes, mais fait face à des incertitudes croissantes en raison des restrictions à l’exportation imposées par le gouvernement Biden, alors que la Chine et les États-Unis s’affrontent sur la technologie, selon M. Wang de 86Research.

XPeng n’a pas déclaré de bénéfices depuis son entrée en bourse en 2020. Les changements et la stratégie de l’entreprise peuvent-ils la rendre rentable prochainement ? Vincent Sun, de Morningstar, ne s’attend pas à ce que cela se produise avant 2026 et Eric Wen, de Blue Lotus Capital Advisors, vise 2031. He Xiaopeng s’attend à ce que ce soit plus tôt, d’ici 2025.
Il soutient avec confiance : « Nous dépassons les attentes, les observateurs externes sous-estiment la rapidité de notre progression ».

 


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