Les avancées spectaculaires de l’intelligence artificielle suscitent aujourd’hui autant de crainte que de fascination. Alors que de nombreux citoyens seront appelés à se déplacer aux urnes en 2024, le risque de désinformation en lien avec l’IA a rarement été aussi palpable, alerte le Global Risks Report 2024. La crainte d’une multiplication des crises sociales doit appeler à une coopération mondiale pour lutter contre la désinformation.
Une contribution de Fabrice Domange, Président de Marsh France.
Un contexte géopolitique sous haute tension
Nos sociétés sont aujourd’hui confrontées à de multiples secousses géopolitiques : guerres prolongées, conflit larvés et crises humanitaires génèrent une forte instabilité, amenée à grimper de plusieurs crans à l’aube de la grande période d’élections qui s’ouvre pour les 4 milliards d’électeurs de pays tels que les Etats-Unis, l’Inde, le Mexique ou encore le Royaume-Uni. Un contexte qui a conduit 1 500 experts en risques, responsables politiques et leaders de l’assurance à travers le monde, interrogés par le World Economic Forum, à considérer la désinformation et la mésinformation, alimentées par la technologie, comme le principal risque mondial à court terme.
De nombreux États redoutent déjà les répercussions de la désinformation, et pour cause : l’implication de l’IA au cœur de campagnes de désinformation, qu’elles soient nationales ou étrangères, pourrait amener les électeurs à remettre en cause la légitimité des gouvernements nouvellement élus. Les systèmes démocratiques s’effriteraient alors, et les sociétés se polariseraient davantage. Une perspective loin d’être fantaisiste tant il est simple d’accéder à des modèles d’IA de plus en plus performants. Vidéos, photos, articles : l’IA est d’ores et déjà le bras armé de la désinformation à même de déployer des moyens d’influence aussi variés que convaincants.
L’IA plus rapide que nos sociétés ?
Aborder la désinformation sous le seul angle de ses conséquences géopolitiques éluderait le rôle des entreprises, ainsi que les conséquences qui pèsent sur elles. Car ce risque touche aussi bien le secteur public que privé, lequel manque aujourd’hui d’une vraie stratégie de défense. La régulation d’une technologie comme l’IA est complexe et bouleverse les perspectives de risques pour les entreprises en raison de son évolution rapide, mais aussi de la nécessaire sensibilisation qu’elle implique. Les entreprises, qu’elles soient créatrices d’une IA ou simples utilisatrices, ont le devoir de considérer avec la plus grande vigilance les risqués liés à son usage. Vérifications régulières et mises à jour, éducation, formation et sensibilisation font partie des moyens préventifs à employer.
Naturellement, les instances gouvernementales et les organisations internationales tentent de suivre le rythme pour déployer un cadre règlementaire conforme et adapté à ces nouvelles technologies, à l’image du récent accord trouvé par l’Union Européenne en la matière. On ne peut que saluer et encourager cette démarche ; cependant la conception d’une telle mesure prend du temps, et avant qu’elle n’entre pleinement en vigueur, elle pourrait être dépassée par des avancées extraordinaires. Sans tomber dans le pessimisme, l’appréhension d’une nouvelle technologie est souvent synonyme, au mieux, de balbutiements. Le monde n’y échappera pas mais cela ne doit pas nous décourager de dresser des garde-fous pour éviter une perte de contrôle totale sur ces avancées technologiques majeures. Alors seulement serons-nous en mesure de bénéficier pleinement de ses avantages et de son fabuleux potentiel.
L’espoir d’une coopération mondiale
Enfin, le combat contre la désinformation est également économique. Avec un coût estimé à plus de 78 milliards de dollars selon une étude réalisée par la société CHEQ et l’université de Baltimore en 2019, nul doute que si rien n’est fait, ces chiffres s’envoleront dans les prochaines années. Il n’existe pas de solution miracle si ce n’est une coopération mondiale entre une majorité de pays qui, pour l’heure, brille surtout par son absence : en effet, la menace incarnée par la désinformation n’est pas évaluée de la même façon par toutes les nations. Nous pourrions donc observer des réactions à géométrie variable selon les pays, allant de la protection à tout prix de la liberté d’expression à une forme de régulation perçue comme répressive par la population.
L’instabilité mondiale s’accroît et nous assistons à la construction d’un monde multipolaire. Il nous faut donc agir collectivement et investir impérativement dans des modèles résilients à l’échelle planétaire : des modèles où une gouvernance mondiale pourrait statuer de ce qui est réel de ce qui ne l’est pas. Des modèles où la régulation de l’IA ne serait pas l’affaire d’un seul continent. Des modèles où la coopération entre le public et le privé servirait aussi bien les enjeux économiques que sociaux. La tâche semble difficile, mais les états peuvent-ils réellement faire chemin à part ?
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