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TRIBUNE | Les achats-plaisirs, une parenthèse au contexte inflationniste

Sacha Lacroix, vice-président de Rosa Paris.Sacha Lacroix, vice-président de Rosa Paris.

L’inflation persistante a porté un coup au porte-monnaie des Français, les forçant à faire des arbitrages dans leurs dépenses. Mais cette même inflation ne semble pas avoir grignoté l’appétit des Français pour les produits responsables. C’est ce que Sacha Lacroix, vice-président de Rosa Paris, explique dans cette tribune exclusive pour Forbes France.

Depuis deux ans, l’inflation s’est emparée du quotidien des Français. Ayant atteint en France 4,9% sur un an en septembre, elle pressurise tous les porte-monnaie. 31 %1 des consommateurs déclarent finir le mois avec moins de 100€ quand 35%2 n’arrivent plus à manger à leur faim et sautent des repas.

Face à ce pouvoir d’achat ébranlé, la majorité des consommateurs se retrouvent dans l’obligation de supprimer des dépenses et font des arbitrages quotidiens pour tenter d’équilibrer leur budget. 81% disent avoir renoncé au moins une fois à une catégorie de dépenses ces derniers mois (alimentaires, shopping, vacances, soins, etc.)3. Des ajustements qui sont d’ailleurs visibles dans les rayons des GMS où les marques nationales sont remplacées par des MDD (-7,2%), où la viande et le poisson sont délaissés (-11%), où les rayons hygiènes-entretiens sont désertés (-7%). On le voit, les Français oscillent entre frustration et privation.

L’inflation ne signifie pas la fin de l’achat-plaisir

Dans un tel contexte, on pourrait s’attendre à ce que beaucoup excluent la notion de plaisir de leur consommation. Pourtant, les chiffres démontrent tout l’inverse : aussi surprenant que cela puisse paraître, les consommateurs refusent de renoncer aux achats dits “plaisirs”. 86% expliquent “en temps de crise, je veux plus de choses qui me procurent de la joie et du plaisir” et 48% déclarent “en temps de crise, les marques se doivent d’apporter de la joie et du plaisir au moment de l’achat” 4. Ils continuent alors, coûte que coûte, de se tourner vers des petites dépenses qui leur font du bien. La raison ? Les achats-plaisirs sont envisagés par les Français comme des récompenses aux sacrifices qu’ils font par ailleurs au quotidien. Consommer devient une façon de prendre soin de soi et est vécu comme un cadeau précieux qu’on s’accorde. En cette période de restriction, le plaisir devient un patrimoine à sauvegarder, le dernier bastion pour maintenir son moral.

Pour preuve, en 2023, les cinémas ont été pris d’assaut avec une fréquentation qui a bondi de 15,8%5. Le divertissement online a eu le vent en poupe avec un budget moyen qui est passé de 37€ à 42€6 sur l’ensemble des plateformes culturelles en ligne (vidéo, musique, jeu vidéo). Les virées shopping ont eu la cote avec une hausse des ventes textile-habillement de 9,5%7 et une hausse du budget moyen consacré à la décoration et à l’ameublement de 6,3 %. Une croissance notamment portée par le secteur de la seconde main qui permet de dépenser à des prix raisonnables. Parce que, oui, si les consommateurs refusent de rogner leur plaisir, ils ne le font pas à n’importe quel prix dans un contexte qui leur impose de scruter inéluctablement le montant de leurs dépenses. D’ailleurs, pour 69%8 des Français, le sentiment d’avoir effectué un achat-plaisir au meilleur prix procurerait même davantage de satisfaction que celui d’avoir fait une folie pour s’offrir l’objet de leurs rêves.

Et s’il est tentant de penser que cette résistance du plaisir est l’apanage des foyers aux revenus les plus élevés, on observe, à l’inverse, que ce comportement résonne plus fortement chez les catégories socio-professionnelles les moins aisées. Pour preuve, 60% des sondés à faibles revenus répondent que leur priorité en termes de dépense est « d’acheter des petites choses qui me rendent heureux » contre 53% des sondés à haut revenu9. Touchés de plein fouet par l’inflation, se façonner des bulles de plaisir devient pour eux, plus qu’une nécessité, une urgence.

Les achats-plaisirs permettent de lutter contre un quotidien anxiogène

Si ce comportement peut sembler paradoxal dans cette période de privation, il tire justement son explication du contexte. Alors que l’époque est à la colère et à la frustration, la consommation devient une échappatoire, et ce, pour deux raisons.

La première ? Les Français ont besoin de réenchanter un monde qu’ils perçoivent comme trop morose. Les achats-plaisirs deviennent alors une parenthèse, une manière de raviver son quotidien et de soigner son moral. La société de consommation devient une « société de consolation », destinée à compenser les tracas et les frustrations.

La deuxième ? Puisque l’avenir inquiète et que les Français n’arrivent plus à se projeter, la consommation agit comme une façon de s’ancrer dans le présent. Les petits achats-plaisirs du quotidien permettent de profiter maintenant, tout de suite et de manière concrète, « la population se recentre sur ce sur quoi elle peut avoir prise et peut faire le sel de la vie », précise une étude du Credoc10. La consommation s’apparente à un refuge rassurant puisqu’elle relève d’une pratique volontaire et maîtrisée.

Alors quels enjeux pour les marques ?

En réaction à cette hausse des prix, on observe que, d’un côté, il y a les marques qui agissent en déployant des actions anti-inflation, et de l’autre côté, il y a celles qui n’agissent pas, ou pire, ont recours à la stratégie insidieuse de la shrinkflation, attisant ainsi la colère des Français.

De notre point de vue, s’il est nécessaire que les marques agissent directement sur le pouvoir d’achat des consommateurs, la solution n’est pas seulement d’opérer des baisses de prix sur les produits de première nécessité. Pour que le consommateur puisse continuer de s’adonner à des dépenses qui lui font du bien, les marques ne doivent pas négliger les produits clés porteurs de plaisirs, un levier bien plus émotionnel. La solution ? Introduire un nouvel équilibre : le rapport plaisir-prix. Car si le porte-monnaie des Français est à prendre en compte, leur moral aussi.

Sources :

  1. IFOP x Monpetitforfait, « LES EFFETS DE L’INFLATION SUR LA VIE DES FRANÇAIS 2023 »

  2. IPSOS x Secours populaire Français, « BAROMÈTRE DE LA PAUVRETÉ ET DE LA PRÉCARITÉ 2023 »

  3. Elabe X BFMTV, « L’Opinion en direct »

  4. Étude Havas Prosumers

  5. CNC, “Fréquentation en 2023”

  6. Opinion Way x BearingPoint

  7. Institut français de mode

  8. Étude Havas Prosumers

  9. Étude Havas Prosumers

  10. Crédoc, « Les Français s’accoutument aux crises et rêve de la stabilité du monde d’avant »

 

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