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Neutralité carbone dans le secteur du transport routier : le secteur privé est prêt, quid du gouvernement ?

émissionsAerial view of the windmill plant at natural shapes tidal mudflats.

La neutralité carbone ne sera pas atteinte en un claquement de doigts. L’Union européenne a fixé une échéance à 2050, celle de la neutralité carbone pour l’ensemble de l’économie, avec plusieurs échéances plus rapprochées et des objectifs par industries pour réduire les émissions afin d’y parvenir progressivement. Tout d’abord, d’ici à 2030, l’Union européenne souhaite que les véhicules lourds neufs réduisent leurs émissions de CO2 de 45 %, puis de 90 % en 2040. L’ambition est grande ; l’ensemble du secteur du transport de marchandises devra montrer la voie pour y parvenir. Bien qu’il existe un certain nombre d’initiatives industrielles intéressantes, il convient de noter que la collaboration entre tous les acteurs de l’écosystème doit encore s’accélérer.

Une contribution d’Alexandre Helibert, Public Affairs Manager chez Milence

 

A ce stade, les mécanismes d’incitation publique et le soutien à la collaboration entre les autorités locales, les institutions publiques et le secteur privé sont essentiels. Si l’ADEME 1, notamment à travers son projet « Futures en Transition », s’efforce d’accompagner les transporteurs dans leur transition, notamment en facilitant l’acquisition de véhicules lourds à batterie électrique, le réseau de recharge publique reste pourtant un angle mort pour l’État.

 

L’électrification nécessite la mobilisation de toutes les forces vives

Selon les chiffres du ministère français de la Transition écologique, en 2019, les camions représentaient 7 % des émissions nationales totales de gaz à effet de serre 2. La demande de transport interne de marchandises augmentera de 12 % d’ici 2050 par rapport à 2019. En plus de cette demande interne, le trafic de transit devrait passer de 57,7 milliards de tonnes-kilomètres en 2019 à 61,7 en 2030 et 64,7 en 2050 3. L’électrification du transport routier de marchandises, ainsi que l’intermodalité et l’optimisation des chargements et des itinéraires, constituent un levier essentiel dans la transition vers un transport plus durable.

Mais le temps presse et si nous devons réduire les émissions de carbone, le trafic routier est le premier secteur à devoir opérer cette transition. L’écueil à éviter serait de reproduire les mesures prises pour les particuliers sans prendre en compte les besoins du secteur professionnel du transport routier de marchandises pour baisser ses émissions de carbone. Au contraire, une structure dédiée et des principes adaptés aux poids lourds représentent la meilleure direction à prendre.

Et lorsqu’il s’agit de transport de marchandises, l’ensemble de la chaîne de valeur doit être pris en compte afin de mettre en place un système qui fonctionne. L’adoption des camions électriques ne repose pas uniquement sur l’accessibilité financière des véhicules. Ces véhicules doivent s’appuyer sur des réseaux qui les rendent réellement utilisables, offrant aux transporteurs et aux conducteurs une expérience fiable qui, en fin de compte, contribue à un coût total de possession positif en faveur des camions électriques. Étant donné l’importance des investissements à réaliser pour ce réseau, et dans un délai très court et avec beaucoup d’incertitude, l’accompagnement des acteurs privés par l’État est nécessaire.

Au-delà des fonds publics, il est important de savoir que la mise en place de ces réseaux dépend également de la possibilité d’acquérir ou de louer des terrains appropriés, en termes de taille, de constructibilité et de localisation. Il peut s’agir, dans certaines régions où la concurrence est forte, d’un chantier difficile qui nécessite le soutien de tous les responsables comprenant qu’il est nécessaire de fournir aux entreprises des solutions pour les aider à transporter des marchandises d’un point A à un point B afin qu’elles puissent fonctionner.

Tous ces critères doivent également s’aligner sur la capacité à se raccorder au réseau d’électricité, compte tenu de la quantité d’énergie nécessaire au fonctionnement d’une station de recharge des camions, mais aussi de la capacité à se connecter au réseau dans un délai conforme à l’urgence de décarboner le transport de marchandises. Le tout avec un coût restant acceptable.

 

En plaçant les personnes au centre des préoccupations, il sera possible de modifier durablement le secteur et l’économie

Il est essentiel d’agir en faveur de la transition du diesel à l’électrique, mais affirmer cette évidence n’aidera pas à faire avancer les choses. Pour atteindre cet objectif de durabilité, nous devons tenir compte de deux paramètres différents : comment mieux prendre en considération les conducteurs de camion qui sont au cœur de cette transformation, et ce qui est actuellement nécessaire dans une perspective économique plus large.

Aujourd’hui, les chauffeurs routiers sont soumis à de multiples sources de stress lorsqu’ils sont sur la route. Les constructeurs l’ont compris et fournissent à leurs clients des véhicules, notamment en développant une offre électrique, plus performants, plus pratiques et plus confortables. Cela participe à réduire le stress des chauffeurs sur la route. Cependant, selon la TAPA 4, la France fait partie des pays où les vols de marchandises sont les plus fréquents, avec plus de 800 incidents signalés au cours des 9 premiers mois de 2023. 17,4 % de ces incidents ont été signalés comme étant « liés à des lieux de stationnement non sécurisés ». Si ces problèmes ne peuvent être complètement effacés, il faut trouver une solution pour fournir aux professionnels un lieu sécurisé, protégeant les marchandises, les véhicules, mais avant tout les personnes. Il faut également apporter une réponse aux problématiques importantes d’accessibilité aux services quotidiens, à l’hygiène, à des services de restauration et à des espaces de repos agréables.

Cela doit être inclus dans une réflexion économique plus large du secteur, qui doit être pilotée par le gouvernement. En effet, à l’heure actuelle, c’est le secteur privé qui investit le plus dans les infrastructures et dans la formation des professionnels de l’industrie pour faire de cette transition une réussite. Il ne peut y avoir d’élan sans le soutien et la conviction des pouvoirs publics. La transformation d’un secteur nécessite une impulsion. Une collaboration multilatérale entre la société civile, les gouvernements et les organisations non gouvernementales est indispensable. C’est la seule façon d’ouvrir la voie à une économie durable et rendre le secteur plus compétitif. La France a les capacités de conduire ce changement, étant aujourd’hui l’exemple européen de la bonne gestion d’un réseau national d’électricité, avec certaines des meilleures technologies et méthodes testées et éprouvées au monde.


À lire également : Neutralité carbone avant 2050 : les défis énergétiques à relever 

 

1 Agence de la transition écologique

2 Feuille de route : Décarbonation de la chaîne de valeur des véhicules lourds, Avril 2023, Ministère de la Transition écologique (page 13)

3 Étude préliminaire sur l’impact des transformations industrielles et logistiques à l’horizon 2050 présentée lors du CILOG 2023, Décembre 2023, DGITM (Annexe 5)

4 TAPA (Transported Asset Production Association) : association professionnelle qui regroupe de nombreux acteurs de la sécurisation du transport de biens et marchandises dites « sensibles ».

 

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