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Pourquoi La Crise Exige Une Refonte Fondamentale Du Marché De L’Emploi

emploiMorning image with business people and office workers arriving by subway at La Defense business district in Paris, France.

La fête du travail a coïncidé cette année avec l’apocalypse des emplois provoquée par la pandémie de COVID-19. L’Organisation internationale du travail a ainsi prévu que près de la moitié des 3 milliards de travailleurs dans le monde risquent de perdre leurs moyens de subsistance. Saadia Zahidi, Directrice Exécutive, Forum Économique Mondial.

Pour de nombreux travailleurs, le confinement a précipité l’arrivée de « l’avenir du travail », un terme invoqué ces dernières années en rapport avec les opportunités et les défis de la rupture technologique et les facteurs économiques structurels qui déterminent la qualité des moyens de subsistance.

Pour beaucoup de cols blancs, cela a été synonyme de travail à distance. Pour de nombreux travailleurs du secteur des services et ouvriers, cela a ouvert une fenêtre sur un avenir où les machines pourraient remplacer les personnes, d’autant plus que les entreprises envisagent d’accroître l’automatisation pour améliorer leur résilience future. Pour les personnes travaillant dans le domaine des soins et de l’éducation, l’épidémie a conduit à une réévaluation mondiale, longuement attendue, de la nature essentielle de ces professions. Pour de nombreux acteurs de l’économie informelle et du travail temporaire, elle a mis en évidence le manque fondamental de protection sociale et la nature précaire du travail de subsistance.

Une action immédiate et urgente est nécessaire pour protéger les emplois, maintenir les liens entre employeurs et employés, maintenir à flot les grands et les petits employeurs, et fournir un soutien au revenu et d’autres mesures de sécurité directement aux travailleurs et aux ménages. C’est sur ces points que sont concentrés les efforts de nombreuses économies avancées et marchés émergents, même si un soutien beaucoup plus important est nécessaire dans les économies en développement. Nous devons cependant reconnaître que cette période est l’occasion de « reconstruire en mieux » et de jeter les bases d’un marché du travail plus résistant et d’un monde plus égalitaire. Voici cinq façons pour y arriver :

  1. Doubler les efforts de perfectionnement et de reconversion

Ces dernières années, les gouvernements, les entreprises et les travailleurs ont commencé à donner la priorité à la reconversion et au perfectionnement professionnels afin de mieux se préparer aux perturbations de la Quatrième Révolution industrielle. Bien que ce soit une invasion microscopique plutôt que la prolifération des robots qui ait conduit à l’effondrement actuel du marché du travail, il est devenu évident que les retombées de la pandémie accéléreront la numérisation et l’automatisation dans toute une série d’industries et de secteurs. Cela nécessite de nouveaux investissements et des mécanismes de perfectionnement et de reconversion, tant pour les compétences humaines que pour les compétences numériques. Alors que le secteur de l’éducation et de la formation en ligne a connu un regain d’intérêt de la part des travailleurs connectés par voie numérique, il est crucial que les employeurs redoublent d’efforts pour reconvertir les travailleurs. Il est aussi essentiel que les gouvernements prennent des mesures proactives en faveur du perfectionnement et de la reconversion dans le cadre de la relance budgétaire massive qu’ils injectent dans les économies afin de préparer au mieux les travailleurs à l’économie post-pandémique.

  1. Identifier les emplois de demain

Le Forum Économique Mondial a offert une vision des emplois de demain début 2020. Ces derniers sont largement concentrés parmi les professions de soins aux personnes, de soutien à la planète, de gestion des nouvelles technologies et de communication des produits et services : économie des soins, économie verte, ressources humaines et culture ; informatique et IA, ingénierie et cloud computing, développement de produits ; ventes, marketing et contenu. Comme la pandémie met en évidence les rôles essentiels des travailleurs dans les hôpitaux, les supermarchés, les écoles et d’autres professions essentielles, les opportunités au sein de l’économie des soins devraient augmenter. De même, les rôles dans la création et la gestion des technologies, le commerce électronique et l’économie de la connaissance au sens large devraient continuer à se développer. Par ailleurs, alors que les gouvernements cherchent à reconstruire leur économie, de nouvelles sources de croissance – et d’emplois – émergeront également de l’économie verte, de la recherche scientifique et médicale, et de l’infrastructure numérique. Pour les économies en développement, une nouvelle approche proactive des emplois de demain est d’autant plus essentielle alors que les chaînes de valeur mondiales du passé et le modèle de croissance fondé sur l’industrie manufacturière sont réexaminés.

  1. Donner la priorité à la réaffectation et au réemploi

Un soutien actif aux travailleurs à risque et aux chômeurs sera essentiel pour les entreprises et les gouvernements. De nombreuses entreprises ont déjà pris des mesures de soutien à court terme pour réaffecter rapidement les travailleurs au chômage technique de fonctions peu demandées à des fonctions très demandées, comme celles de la logistique et des soins, qui dépassent souvent les limites d’une seule entreprise ou industrie. Dans les pays où les gouvernements ont mis en place des systèmes permettant de le faire à grande échelle et de manière proactive, les travailleurs se portent déjà mieux que dans ceux qui n’en ont pas. Cependant, lorsque les gouvernements envisagent la prochaine série de mesures de relance budgétaire, ils doivent également donner la priorité aux services du marché du travail en matière de réaffectation et de réemploi, notamment en fournissant des informations sur le marché du travail, des services d’intermédiation sur le marché du travail (services de mise en relation) et une aide à la recherche d’emploi. Il y a dix ans, de telles politiques ont été utilisées avec succès pour gérer l’augmentation rapide du chômage. Étant donné la nature plus générale de la crise actuelle, il est essentiel que ces services soient élargis et adaptés à la période de reprise post-pandémique.

  1. Revaloriser les activités essentielles et améliorer la qualité des emplois

Il est devenu de plus en plus évident que nos travailleurs les plus essentiels font partie de ceux qui occupent les postes les moins bien rémunérés et les plus précaires, et que dans de nombreuses économies en développement en particulier, une protection sociale de base fait défaut à une grande partie de la main-d’œuvre formelle et informelle. La période qui a suivi la Grande Dépression et la Seconde Guerre mondiale a été marquée par l’officialisation du week-end et d’autres droits des travailleurs aux États-Unis et par la création de systèmes de santé et de protection des revenus ainsi que par des investissements considérables dans l’éducation en Europe. Pourtant, alors que la nature de nos économies a changé, les lois, les normes et les salaires n’ont pas suivi le rythme des besoins des travailleurs – et, dans de nombreux cas, de leurs employeurs. En plus de gérer les urgences de la crise, il est impératif que les gouvernements, les entreprises et les représentants des travailleurs collaborent pour mener un nouveau changement historique en améliorant les protocoles qui régissent nos marchés du travail.

  1. Une reprise, une réinitialisation et une reconstruction concertées

La collaboration entre les employeurs, les gouvernements et les travailleurs, tant au niveau national que mondial, sera essentielle à la reprise. Au Forum Économique Mondial, nous avons annoncé en janvier 2020 la création d’une plateforme de « révolution des reconversions » consacrée à l’amélioration de l’éducation, des compétences et des emplois pour un milliard de personnes d’ici 2030. Nous avons maintenant dédié cette plateforme au soutien des gouvernements, des entreprises et des éducateurs afin d’aider les travailleurs et les étudiants à surmonter la crise, à échanger les meilleures pratiques et à reconstruire de meilleurs systèmes d’éducation, de compétences et d’emploi pour la reprise post-pandémique.

Cette crise pandémique a plus que jamais mis en évidence les insuffisances et les inégalités de notre système. Toutefois, elle a également recentré les esprits des dirigeants mondiaux sur la valeur fondamentale de la vie humaine, du potentiel humain et des moyens de subsistance. Voici donc l’occasion d’investir dans notre bien le plus précieux : notre capital humain.

 

 

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