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L’Incertitude : Comment Réussir A La Gérer

La seule chose qui soit certaine, c’est bien l’incertitude elle-même ! Et pourtant, nous cherchons par tous les moyens à nous en affranchir. Car elle nous fait peur et contrarie nos projets.

Nous avons l’illusion déterministe que tous les événements qui surviennent dépendent d’événements antérieurs, de sorte que si nous découvrons toutes les lois de la nature, les événements futurs seront parfaitement prédictibles. Ce rationalisme se retrouve chez le père de la psychanalyse. Freud a en effet pour ambition, avec la découverte de l’inconscient, d’élucider les mystères de l’esprit humain. Mais cette ambition de tout expliquer de la sorte, du physique au psychologique, a fait long feu.

La mécanique quantique nous a appris qu’il existe une limite fondamentale à la précision avec laquelle il est possible de connaître simultanément deux propriétés physiques d’une même particule. C’est le fameux principe d’indétermination (ou d’incertitude) d’Heisenberg. Si le monde à bien des égards est chaotique, notre esprit quant à lui reste une énigme, et ce malgré les progrès des neurosciences. On compte sur le big data pour prédire nos comportements, mais ces derniers resteront insaisissables. Tout simplement parce que l’Homme dispose toujours d’une marge de liberté, qu’il n’est pas un automate qui réagit toujours de la même façon aux contraintes de son milieu.

La complexité du monde physique et humain, matériel et immatériel voue à l’échec toute entreprise visant à maîtriser l’incertitude. Il suffit de nous retourner vers notre passé, vers l’Histoire, pour mesurer à quel point l’incertitude nous gouverne. Les grandes catastrophes, du tremblement de terre de Lisbonne en 1755 jusqu’à Fukushima en 2011, ou les grands événements comme la Première Guerre mondiale, l’accession d’Hitler au pouvoir, la chute de l’URSS, la chute de Lehman Brothers, l’élection de Trump, etc., tous témoignent de l’irruption de l’imprévu dans les affaires humaines et du changement du cours des choses. D’ailleurs, si une leçon doit être tirée de notre récente campagne présidentielle, c’est que rien ne s’est passé comme prévu. « Le monde avance par ruptures, discontinuités et renversements ; l’événement y occupe une place prépondérante et l’avenir, même proche, n’est pas réellement prévisible même si, aujourd’hui, les grands prêtres du “big data” tentent de nous faire croire le contraire », affirme le Général Vincent Desportes, auteur du passionnant Décider dans l’incertitude.

Dans l’entreprise, l’incertitude est là aussi omniprésente. En particulier dans la phase de création. Pas de création sans incertitude. Jamais un entrepreneur n’est sûr de réussir a priori. Et les business plans sont rarement respectés. C’est normal. Toute grande décision repose sur deux choses : la conscience de faire un pari et le choix réfléchi d’une stratégie.

Un pari, c’est-à-dire une croyance, une intime conviction qui nous fait choisir une option dont on mesure les risques et les limites. Au moment où la décision est posée, ses conséquences nous échappent inéluctablement. Alea jacta est. C’est ce qu’Edgar Morin nomme « l’écologie de l’action ». Agir, c’est se confronter au hasard, à l’imprévu, à d’autres volontés, d’autres décisions et d’autres actions, à des dérives et des transformations. « Toute action échappe à la volonté de son auteur en entrant dans le jeu des inter-rétro-actions du milieu où elle intervient », avertit Edgar Morin. La volonté de maîtrise est vaine ; il s’agit d’accompagner.

C’est la raison pour laquelle la place de la stratégie est primordiale. Comme le précise encore Edgar Morin, « si l’ignorance de l’incertitude conduit à l’erreur, la certitude de l’incertitude conduit à la stratégie ». Loin de nous détourner de l’action ou de forcer la nature, l’incertitude doit nous inciter à la réflexion et à la projection à l’aide d’une stratégie. Une stratégie et non un programme qui prévoit une succession d’actions définies dans un environnement stable. La stratégie nous invite à épouser les circonstances, c’est-à-dire à élaborer un scénario d’action qui peut être ajusté en fonction de nouvelles informations ou de nouveaux contextes.

La question centrale n’est donc pas tant de savoir comment décider dans l’incertitude que d’apprendre à gérer cette décision dans un monde mouvant. Gérer l’incertitude, c’est donc être au plus près de l’action afin de repérer les émergences et s’y adapter en permanence. Que ce soit dans l’armée comme dans l’entreprise, nous pouvons tirer de cela des enseignements précieux : le commandement doit être décentré et reposer sur la subsidiarité. Faire confiance à ceux qui sont au plus près du terrain, à ceux qui sont en capacité d’exploiter les opportunités ou de déjouer les menaces au moment où elles se présentent, voilà la clé. Sun Tzu conseillait déjà : « Suivez la stratégie que vous vous êtes fixée, mais adaptez votre tactique aux réactions de l’ennemi. ».

Face à l’incertitude, les réponses ne peuvent être systématiques ; c’est la raison pour laquelle le décideur doit encourager l’initiative. Pour Desportes, « le rôle du chef devient clair : il est de définir le Projet commun et de construire la bulle de liberté d’action au sein de laquelle le subordonné pourra exercer pleinement son autonomie ».

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