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Abandon de poste assimilé à une démission : entreprises et salariés, tous perdants ?

Abandon de posteL’abandon de poste d’un salarié assimilé à une démission : pourquoi la nouvelle procédure n’est pas forcément une bonne nouvelle . Crédits flikr Jen Collins « quitter »

L’abandon de poste d’un salarié assimilé à une démission : pourquoi la nouvelle procédure n’est pas forcément une bonne nouvelle ? Antérieurement, lorsqu’un salarié ne venait plus travailler sans justifier son absence, c’est-à-dire qu’il abandonnait son poste de travail, l’employeur n’avait pas vraiment d’autre choix que de le licencier pour faute. Désormais, le salarié qui abandonne son poste est considéré comme démissionnaire, mais contrairement à certains présupposés, ce n’est pas sans poser de nouvelles difficultés pour les entreprises et les salariés.

 

Abandon de poste assimilé à une démission = absence d’indemnités chômages

L’abandon de poste est une absence répétée et injustifiée d’un salarié qui quitte son travail sans autorisation de son employeur. Sous l’ancienne situation, le salarié avait droit, sauf licenciement pour faute grave, à une indemnité de licenciement et surtout il pouvait percevoir les allocations chômage. Aujourd’hui, selon le nouveau décret du 17 avril 2023 paru au Journal Officiel, le salarié qui abandonne son poste sera désormais présumé démissionnaire, ce qui le privera de l’assurance chômage. Selon le Questions-Réponses publié par le ministère du Travail, actualisé le 18 avril 2023, si l’employeur désire mettre fin à la relation de travail avec le salarié qui a abandonné son poste, l’employeur doit laisser un délai d’au moins 15 jours calendaires au salarié pour se justifier ou réintégrer son poste de travail. À l’expiration du délai qui lui a été imparti, le salarié qui n’a pas justifié son absence ni réintégré son poste de travail est alors considéré comme démissionnaire.

 

Attention aux coûts cachés pour les entreprises 

L’assimilation des abandons de poste à la démission prévue par l’article L 1237-1-1 du code du travail peut sembler être une bonne nouvelle pour les entreprises à première vue, car cela signifie que les employés ne quitteront plus leur emploi sans donner de préavis ou sans raison valable. En outre, l’employeur n’a plus vocation à engager une procédure de licenciement pour faute. Cependant, cela peut ne pas être une bonne nouvelle à long terme pour les entreprises. En effet, les abandons de poste sont souvent liés à des problèmes de satisfaction au travail et parfois même de souffrance au travail. Si les employés sont obligés de rester à leur poste, cela peut induire corrélativement une baisse de la productivité et de la qualité du travail. Par ailleurs, les employés insatisfaits pourraient être moins motivés et moins collaboratifs, ce qui pourrait nuire à l’efficacité globale des équipes. Enfin, les salariés qui souhaitent quitter leur entreprise, sans perdre le bénéfice des indemnités de départ et de chômage, pourraient surtout être tentés de « judiciariser » leur départ, par exemple en motivant leur absence par une situation de harcèlement (réelle ou supposée), quand l’entreprise refuse une rupture négociée.

 

Présomption de démission : de nouveaux risques judiciaires 

Alors que les abandons de postes pouvaient constituer une « soupape sociale », avec leur disparition programmée du fait de l’absence d’intérêt d’y avoir recours pour les salariés, il est encore plus essentiel pour les entreprises de comprendre les raisons pour lesquelles leurs employés pourraient quitter leur poste et de travailler à résoudre les problèmes de satisfaction et de productivité au travail. En matière de harcèlement, trop de salariés renoncent à témoigner des faits dont ils sont témoins ou victimes, par crainte d’avoir des ennuis ou de subir des répercussions professionnelles. 

Toujours selon le décret, il convient également de souligner qu’il n’y aura pas de présomption de démission si le salarié invoque, dans sa réponse à la mise en demeure précitée, des raisons médicales, l’exercice du droit de retrait prévu à l’article L. 4131-1, l’exercice du droit de grève prévu à l’article L. 2511-1, le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à une réglementation ou la modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur. Bref, ce n’est pas aussi simple que le texte envisagé au départ le laissait prévoir.

 

Etudier les conséquences économiques et sociales avant de changer les lois

En définitive, si l’assimilation de l’abandon de poste à une démission est d’abord motivée par des raisons d’économies immédiates, est-ce vraiment le cas sur la durée ? En France, l’évaluation économique et sociale des conséquences des normes est marginale. Alors que la loi du 15 avril 2009 a instauré l’obligation de joindre une étude d’impact à certains projets de loi, ce dispositif n’est pas suffisamment mobilisé pour améliorer la qualité des lois et lutter contre l’inflation normative. Comme l’illustre l’assimilation de l’abandon de poste à la démission, il est essentiel que le législateur français prenne la mesure de tous les impacts directs et indirects qu’induisent tout projet de loi, avant d’en faire une nouvelle règle. Des chercheurs, notamment en droit, en économie ou encore en sociologie, pourraient être mobilisés pour évaluer objectivement les conséquences potentielles de ces changements sur les travailleurs, les entreprises et l’économie dans son ensemble, afin de prévenir des conséquences imprévues et de favoriser un débat éclairé sur les changements proposés.

 

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