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10 principes pour mettre en oeuvre la semaine en 4 jours

semaine

Travailler le même nombre d’heures par semaine sur 4 jours au lieu de 5, à salaire égal, est-il vraiment réaliste ? L’appel du Premier ministre à expérimenter la semaine en 4 jours dans la fonction publique l’a remise au goût du jour et relancé la polémique sur sa faisabilité.

Il semble bien que nous assistions en 2024 à la même polémique qui eut lieu en 1926 lorsque Henri Ford annonça sa décision d’adopter la semaine de 5 jours, compte tenu des bénéfices qu’il avait constatés. Et, aujourd’hui, ils sont nombreux :

  • Réduction du sentiment de fatigue de 70%
  • Diminution du stress de 45%
  • Baisse de l’absentéisme de 65%
  • Augmentation de la productivité en moyenne de 20%
  • Diminution de l’empreinte carbone d’environ 10%

Sans compter que bénéficier de 47 jours de repos supplémentaires par an permettrait sans aucun doute de mieux vivre l’allongement de la durée de vie professionnelle.

Ces chiffres éclairent sur les raisons pour lesquelles 92% des 61 entreprises britanniques qui ont expérimenté la semaine de 4 jours en 2022 l’ont définitivement adopté mais aussi pourquoi 77% des Français, désormais, la convoitent[i].

L’heure n’est donc plus au débat sur le bien-fondé de la semaine « de » ou « en » 4 jours mais plutôt sur les modalités d’appropriation.

Nous disposons à présent de suffisamment de recul et de nombreux témoignages de salariés et d’entreprises de tailles et de secteurs d’activité professionnelle variés (Industrie, bâtiment, distribution, service, hôtellerie…) pour vous présenter les 10 principes qui nous semblent importants à prendre en compte pour mettre en œuvre de ce projet.

     1. Instaurer la semaine de 4 jours comme un projet collectif

Deux visions s’opposent concernant la semaine en 4 jours :

L’approche individuelle, instaurée par l’Urssaf Picardie et Accenture, propose la semaine de 4 jours comme une option facultative, à l’instar des J.R.T.T. ou du télétravail.

L’approche collective, adoptée par LDLC et Acorus, a une autre portée ; celle de mobiliser tous les salariés dans l’évolution des modes de collaboration et d’organisation dans le but, non pas de travailler moins, mais mieux, comme le souhaitent 70% des actifs[ii].

Si la première option permet à l’entreprise d’améliorer son attractivité et aux salariés l’ayant choisi de trouver un meilleur équilibre de vie personnel, elle n’a que très peu d’effet sur l’amélioration du bien-être collectif et la performance globale, alors que c’est l’un des principaux intérêts de ce nouveau rythme de travail.

Aborder la semaine en 4 jours comme une mesure individuelle, c’est se limiter à l’amélioration du bien-être de certains collaborateurs. L’appréhender au niveau collectif, c’est rechercher un meilleur équilibre global entre épanouissement personnel et performance professionnelle.

     2. Présenter les particularités de la semaine en 4 jours

Si ce nouveau rythme de travail séduit, ses contours et ses implications demeurent encore nébuleux pour bon nombre de Français.

C’est la raison pour laquelle les entreprises ont tout intérêt à initier ce projet par une présentation des objectifs recherchés, des bénéfices présupposés à la fois pour les salariés, l’entreprise et son environnement. De plus, un exposé des différences avec les précédentes mesures d’évolution du temps de travail peut s’avérer judicieux.

En effet, contrairement à la réduction du temps de travail sur 5 jours, la semaine en 4 jours permet une rupture plus franche entre le temps consacré à sa vie professionnelle et personnelle. Elle se veut également plus juste et équitable car, contrairement à l’attribution des J.R.T.T., proposée à 24% des actifs[iii], aux jours de télétravail pratiqués par 33% des salariés[iv], elle pourrait potentiellement concerner 80% des Français.

Il s’agit, au fond, d’un nouveau « contrat social » qui se veut « gagnant / gagnant ».

Il existe plusieurs manières de sensibiliser sur la singularité de ce nouveau rythme de travail. L’une d’entre elle consiste à demander aux salariés de choisir entre ces 3 options :

  1. Travailler 35 heures par semaine sur 5 jours, soit 7 heures par jour, ce qui représente 229 jours de travail par an ;
  2.  Travailler 39 heures par semaine sur 5 jours, soit 7,80 heures par jour, avec 20 jours de récupération du temps de travail (J.R.T.T.), ce qui représente 209 jours de travail par an ;
  3. Travailler 35 heures par semaine sur 4 jours, soit 8,50 heures par jour, avec 47 jours de repos supplémentaires pris en charge par l’entreprise, ce qui représente 182 jours de travail par an, soit la moitié de l’année.

Que choisiriez-vous ?

     3. Sonder les salariés sur leur envie d’adopter ce rythme de travail

Compte tenu de l’impact qu’à la semaine en 4 jours sur la vie privée, elle ne saurait être imposée, ni par le législateur ni par l’entreprise.

Le bon usage veut qu’à ce stade, l’employeur sollicite l’avis de tous les salariés sur leur envie de travailler sur 4 jours par un sondage et que son adoption soit conditionnée à au moins 80% de suffrages favorables.

Trois questions peuvent être intéressantes à poser dans ce sondage :

  • Avez-vous envie de travailler 4 jours par semaine, avec le même nombre d’heures et à salaire égal ?
  • Croyez-vous qu’il soit possible pour notre entreprise d’adopter la semaine en 4 jours ?
  • Estimez-vous que cela sera facile pour vous ?

Ces trois questions permettent de différencier les notions de désir (vouloir) et de besoin (pouvoir) pour ouvrir le débat sur les perceptions du niveau de faisabilité.

Soumettre la décision d’expérimenter la semaine en 4 jours à la majorité des salariés suppose également de la part du dirigeant qu’il accepte de surseoir le projet si ce n’est pas leur souhait.

     4. Partir du présupposé d’échec

Si certaines personnes peuvent se montrer très enthousiastes à l’idée de travailler 4 jours par semaine, d’autres peuvent douter du niveau de faisabilité, voire éprouver certaines craintes. Dans ces trois cas, il est essentiel de faire exprimer « officiellement » les moteurs et les freins présupposés pour pouvoir les traiter.

Parce que notre cerveau est capricieux et qu’il nous fait parfois défaut, il est indispensable de ne pas se laisser piéger par certains biais cognitifs, ni aveugler par une pensée trop positive, ces deux phénomènes étant souvent à l’origine de mauvaises décisions.

Le principal frein évoqué par les dirigeants repose sur la croyance selon laquelle il ne serait pas possible de réaliser en 4 jours ce qui l’était en 5. Dans la majorité des cas, il s’agit d’une « croyance limitante », née d’une « aversion au risque », ce biais cognitif qui freine l’innovation.

Rien de tel qu’un petit exercice pratique pour identifier votre niveau d’aversion au risque. Vous pouvez participer à 3 loteries : 

  • Loterie n°1 : Vous avez 100% de chance de gagner 1 million d’euros
  • Loterie n°2 : Vous avez 90% de chance de gagner 5 millions d’euros et 10% de ne rien gagner du tout
  • Loterie n° 3 : Vous avez 80% de chance de gagner 10 millions d’euros et 20% de repartir les poches vides

A laquelle décidez-vous de jouer ?

Le point commun de dirigeants tels que Laurent de la Clergerie (LDLC) et Philippe Benquet (Acorus) fut le courage d’embarquer des centaines de personnes dans cette aventure, sans pour autant avoir la certitude de son succès, ce qui suppose par ailleurs un haut niveau de confiance en eux pour trouver les solutions ad hoc.

Cependant, si le goût du challenge caractérise les leaders désireux de s’investir dans ce projet, il n’est pas nécessairement partagé par tous leurs collaborateurs, ce qui est tout à fait compréhensible. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire d’encourager et de soutenir l’expression des doutes et des craintes des salariés.

L’utilisation de la méthode « Pre Mortem », inventée par Gary Klein dans les années 80, permet de faciliter l’expression des freins pour pouvoir les traiter.

Cet exercice se déroule en deux temps :

  1. La première étape consiste à demander aux salariés de répondre à la question suivante : « Nous sommes 1 an après la mise en œuvre de la semaine en 4 jours et c’est un véritable échec – puis expliquez pourquoi ? »
  2. La seconde, à les inviter à identifier des actions qui faciliteraient son appropriation en les invitant à répondre à la question : « Fort de ces constats, qu’aurions du nous faire que nous n’avons pas fait ? »

Cependant, compte tenu de la singularité de ce projet, il se peut que les équipes aient du mal à identifier des actions. C’est la raison pour laquelle il est souvent opportun de consacrer un temps à la collecte d’informations pour nourrir la réflexion.

     5. Collecter des informations pour mieux cerner la faisabilité

Inutile de réinventer la roue. Nous disposons de suffisamment de retours d’expérience, de témoignages et d’exemples de bonnes pratiques, présentés dans des ouvrages, des reportages et des articles, pour s’en inspirer.

Cette étape a pour but de permettre aux équipes de disposer d’un temps suffisant pour collecter des informations utiles à la mise en œuvre de ce projet au regard des freins présupposés.

Cette collecte d’informations permet de mieux cerner les conditions de réussites, les pièges à déjouer et surtout les différents sujets à traiter.

     6. Organiser des groupes de travail thématiques

Si l’entreprise peut s’inspirer de témoignages et de retours d’expérience, il n’en demeure pas moins qu’elle doit convenir d’un plan d’appropriation adapté à ses spécificités.

C’est la raison pour laquelle il est nécessaire d’organiser des groupes de travail thématiques (juridique, ressources humaines, organisation, conditions de travail, indicateurs de pilotage…) dont la vocation est d’identifier les pratiques qui peuvent être dupliquées totalement ou partiellement et ce qui nécessite d’être inventé.

C’est à l’issue de ces groupes de travail que l’entreprise pourra définir ses conditions de mise en œuvre de la semaine en 4 jours.

     7. Définir le « cadre » d’appropriation

S’engager dans la semaine en 4 jours nécessite de clarifier un « cadre » qui servira de base à la négociation d’un accord d’entreprise et clarifie le socle de référence de l’expérimentation.

Ce cadre peut comprendre de nombreux critères tels que l’impact de la semaine en 4 jours sur les J.R.T.T., le télétravail, les salariés à temps partiel mais en premier lieu, les modalités de pose des 47 jours de repos supplémentaires accordés par l’entreprise, qui peuvent revêtir plusieurs formes :

  • A la semaine, soit une fermant l’entreprise soit en pratiquant une prise de repos par roulement pour garantir la continuité de service ;
  • A la quinzaine, en organisant, par exemple, une semaine de 5 jours et une semaine de 3 jours, souvent par roulement ;
  • Selon les périodes d’activité. Certaines entreprises maintiennent la semaine de 5 jours en forte activité (vendanges, bilans comptables…) et attribuent plus de jours de repos sur des périodes plus calmes.

Cette dernière option ouvre de nouvelles perspectives : s’émanciper de la référence hebdomadaire pour explorer de nouvelles pistes sur une annualisation du temps de travail qui permettrait aux salariés de consacrer 182 jours par an.

     8. Instaurer des indicateurs de pilotage

Si ce nouveau contrat social se veut « gagnant/gagnant », offrir 47 jours de repos supplémentaires aux salariés sous-tend une contrepartie, celle de préserver la performance et la qualité de service de l’entreprise, ce qui suppose de pouvoir s’en assurer.

Compte tenu de la prise de risque que prend l’entreprise, il semble légitime d’instaurer des indicateurs de mesure de l’impact de la semaine en 4 jours sur plusieurs sujets qui peuvent être :

  • La qualité de vie et des conditions de travail
  • L’attractivité et la fidélisation
  • La responsabilité sociétale
  • La satisfaction client
  • La productivité

Concernant ce dernier point, la semaine en 4 jours peut être l’occasion d’instaurer des indicateurs de productivité pour des fonctions qui n’ont font habituellement pas l’objet, comme les ressources humaines, la finance, ou les moyens généraux.

L’évaluation de la semaine de 4 jours nécessite une collecte de données préliminaire. Il est donc recommandé de suivre les indicateurs 3 mois avant le début de l’expérimentation et de maintenir ce suivi régulier jusqu’à son terme.

Parce que les débuts de l’appropriation peuvent être difficiles, compte tenu des changements qu’elle implique, certaines entreprises ont instauré une autre typologie de mesure qui permet d’assurer un suivi du vécu des équipes durant le déploiement, comme, par exemple :

  • Les craintes et les doutes
  • Le niveau de fatigue et de stress
  • Les dysfonctionnements
  • Le niveau de concentration
  • Les innovations

Ces derniers permettent aux dirigeants de prendre régulièrement le pouls du niveau de santé mentale et physique des salariés mais aussi de valoriser les initiatives et la création de nouvelles valeurs.

     9. Former tous les salariés à l’amélioration continue

Bien menée, la mise en œuvre de la semaine en 4 jours est une formidable opportunité d’inviter tout le collectif à questionner et repenser les modes de fonctionnement.

Pour y parvenir, l’entreprise a tout intérêt à accompagner les salariés dans l’acquisition de compétences en matière de résolution de problèmes, d’amélioration continue et d’innovation.

L’une des principales réticences des dirigeants à s’engager dans la semaine en 4 jours repose sur la croyance selon laquelle il ne serait pas possible de travailler autrement, ce qui supposerait que les modes de travail actuels seraient immuables.

En réalité, l’histoire nous démontre que la productivité n’a cessé de croître tandis que le temps de travail diminue. Pour preuve, le taux de productivité horaire a augmenté de 1,4% par an depuis 1935[v], en raison des nombreuses avancées technologiques, notamment dans les domaines de l’électronique, de la robotique, de la digitalisation et plus récemment de l’intelligence artificielle.

Rester camper sur cette position reviendrait à affirmer qu’il n’est plus possible d’innover en matière d’organisation et de collaboration, ce qui n’a vraiment aucun sens.

Selon certaines études, la digitalisation permettrait d’augmenter la productivité de 15%[vi], l’intelligence artificielle pourrait faire gagner jusqu’à 6 heures par semaine[vii], la limitation des réunions à 30 minutes permettrait d’augmenter la productivité de 20%[viii], une meilleure gestion de courriels et des interruptions pourraient faire gagner jusqu’à 40% du temps de production effectif et la réduction des conflits interpersonnels permettrait de gagner 3 heures par semaine.

La force de la semaine en 4 jours est qu’elle autorise les salariés à exprimer publiquement ce qui doit être changé, sans crainte, pour parvenir à traiter en 4 jours ce qui était fait en 5.

     10. S’engager en mode « Test & Learn »

Comme l’a si justement souligné Henry Ford en 1926 « Si  l’objectif fixé est de produire plus en 5 jours que ce que nous faisions en 6, alors le management trouvera le moyen de le réaliser ».

La force de ce projet réside dans l’intérêt commun qu’ont les salariés et l’entreprise a trouver de nouvelles formes de collaboration pour parvenir à mieux concilier épanouissement personnel et performance collective.

Il est l’occasion de légitimer une transformation culturelle basée sur des valeurs telles que la confiance, l’autonomie, l’audace, la collaboration, l’équité, la créativité, l’agilité, la responsabilité et d’évoluer d’une logique de « respect de la règle » à celle centrée sur « l’atteinte des résultats ».

Pour y parvenir, la mise en œuvre de la semaine en 4 jours doit être abordée avec audace, mais aussi avec prudence, et le mode de conduite de projet le mieux adapté est sans aucun doute l’organisation apprenante.

Vous souhaitez en savoir plus sur ces 10 principes ? Découvrez notre livre « La semaine de 4 jours, sans perte de salaire, ça marche » paru aux éditions Eyrolles en juin 2023.

 


À lire également : Ce que l’art d’être parents nous apprend sur le management 

 

Sources : 

[i] Source : Baromètre Economie AGPI, Challenges et BFM Business de février 2024

[ii] Source : Sondage OpinionWay d’octobre 2023

[iii] Source : Étude de l’OCDE de février 2023

[iv] Source : Insee rapport 2023

[v] Source : Insee

[vi] Source : Etude OCDE de 2020

[vii] Source : OpinionWay 2023

[viii] Source : Rapport retour d’expérience de Microsoft au Japon

 

 

 

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