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A La Rencontre D’Un Concepteur De Superyachts

Espen Oeino, le designer et architecte naval à qui l’on doit quelques-uns des superyachts les plus reconnaissables de la planète, y compris l’Octopus du cofondateur de Microsoft, Paul Allen, était d’une humeur joyeuse lorsque nous nous sommes rencontrés sur le bateau Silver Fast, le plus grand bateau vu au Singapore Yacht Show de cette année (événement majeur de l’industrie nautique et du luxe).

Lorsqu’on l’interroge sur ses sources d’inspiration, il cite, entre autres, l’architecte et décorateur d’intérieur français Philippe Starck. 

Le talentueux Norvégien avait toutes les raisons d’être bien disposé ; en effet, il est l’heureux créateur d’un superyacht long et élancé de 77 m en aluminium, qui file sur l’eau jusqu’à une vitesse de 26 nœuds. D’autres sont en projet, d’ailleurs, dans la série qu’il prépare pour le fabricant SilverYachts, dont un nouveau design qu’il a esquissé seulement quelques jours avant de se rendre à Singapour.

Tout en se prélassant sur le pont arrière du bateau, qu’il a d’ailleurs fait passer du concept à la réalité pour un client, Espen Oeino nous explique comment il est devenu le maître du design de superyacht dans le monde.

Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de démarrer une carrière dans le monde du superyacht ?

Quand j’étais enfant, j’ai apparemment dit un jour à mon père que je voulais devenir King Olav quand je serais grand, mais il m’a expliqué -heureusement- que ce ne serait pas possible ! Je crois que j’avais à peu près 5 ans quand j’ai abandonné l’idée de devenir Olav et décidé de ce que je voulais vraiment faire. Je n’étais pas particulièrement intéressé par les yachts, mais j’avais un goût pour tout ce qui flottait : bateaux, navires, ferries, et surtout les voiliers, puisque j’en ai fait beaucoup dans mon enfance. Il y avait quelques magazines sur les yachts que je lisais religieusement à l’époque ; je passais à la section des courtiers et parfois on y voyait un grand yacht, ce qui à l’époque devait signifier 30 ou 40 mètres de long environ, mais j’étais subjugué.

J’ai fini par obtenir un diplôme en architecture navale et commencé à travailler pour le designer britannique Martin Francis, dans le cadre d’une mission dont le but était de commencer à concevoir des voiliers. Par hasard, au moment ou j’ai commencé, Martin a reçu une commande pour ce qui allait devenir son premier yacht motorisé. J’étais la seule personne qui avait un diplôme en architecture navale au bureau alors on m’a demandé de m’impliquer sur les aspects techniques et j’ai fini par devenir le chef de projet.

Votre succès s’est-il joué en un instant clé ?

Je pense que j’étais sûrement naïf au départ et que je me suis juste jeté en plein dedans, mais j’ai reçu un grand support de la part du chantier naval et l’architecte naval en chef m’a pris sous son aile, ce qui a été une expérience d’une grande valeur. J’ai même pu m’installer dans son bureau. Il était très vieille école et n’utilisait pas d’ordinateur ; il était plus du genre règle à calcul, papier millimétré et Typex.

Après huit années passées avec lui, j’ai décidé de prendre mon envol. L’un des premiers bateaux que j’ai réalisés était le superyacht Skat 71m. Le propriétaire était un mathématicien à l’origine d’Excel chez Microsoft et c’était une personne fantastique avec laquelle travailler. Il a adoré prendre part au projet et le bateau qui en résulta fut exceptionnel – les gens l’adoraient ou le détestaient. Je me suis fait un nom sur le marché avec ce yacht. On ne peut pas deviner qu’il date des années 90 parce que rien de similaire n’a été fait à cette période. Il n’y a pas de point de référence.

Parlez-nous d’un moment inoubliable de vos débuts…

L’une de mes premières grandes présentations se tenait pour un client mexicain. Nous avons pris l’avion pour le rencontrer et tout organiser dans son bureau. Au bout d’un moment, il est entré dans la pièce et nous a dit de tout remballer : il voulait qu’on voyage à nouveau, direction son hacienda cette fois pour que la réunion se tienne là. Il y avait même des hélicoptères qui nous attendaient sur le toit ! Quand nous sommes arrivés, il m’a fait faire le tour des lieux ; il avait un immense zoo privé sur son hacienda et j’ai reçu l’honneur de nourrir cinq tigres. Alors qu’il tendait la viande, il s’est tourné vers moi et m’a dit « Espen, si tu ne conçois pas un beau bateau, c’est comme cette viande que tu vas finir ! » Il plaisantait bien sûr, mais je n’oublierai jamais ce moment.

Comment votre relation avec SilverYachts a t-elle débuté?

J’ai rencontré Guido Krass [le gérant de SliverYachts] il y a plus de vingt ans. A l’époque, il possédait un petit bateau d’environ 36 m et m’a contacté pour faire une grande remise en état. Nous nous sommes bien entendus et sommes devenus amis, puis quelques années plus tard il m’a dit qu’il voulait faire quelque chose d’unique dans le domaine du superyacht.

Nous nous sommes finalement retrouvés à Kitzbuhel [en Autriche] et avons skié ensemble pour discuter de son idée. J’avais un dictaphone avec moi en permanence, même sur le télésiège ! A la fin du voyage, nous avions défini toutes les caractéristiques du nouveau projet : SilverYachts en est le résultat.

Le premier bateau était Silver, qui a été lancé en 2017 et nous concoctons maintenant Silver Fast, le bateau numéro quatre. Silver Loft sera prêt en 2018 et nous préparons actuellement un autre yacht de 85 m inspiré de la même plateforme. Nous venons en fait tout juste de revenir d’Australie, où nous travaillions dessus au chantier naval. Cela me rend est très enthousiasmant !

Qu’est-ce qui distingue Silver Fast d’autres superyachts ?

L’idée principale avec Silver Fast, comme avec tous les SilverYachts, était de garder les choses très simples, en utilisant les mêmes méthodes de construction légère que celles utilisées dans l’industrie du ferry à grande vitesse.

Ce qui est incroyable concernant ce bateau, c’est que l’on peut naviguer à environ 18 ou 19 nœuds en consommant moins de 100 gallons (378 litres) par heure, ce qui est assez unique.
Quand nous sommes allés faire des offres aux chantiers navals, certains ne nous ont pas pris au sérieux car le bateau était si extrême dans sa longueur et son poids si léger qu’ils n’ont pas cru que ce projet pourrait voir le jour techniquement. Ils pensaient qu’il devrait être alourdit, avec un faisceau plus large mais nous étions sûrs de nos calculs. Ils se montraient trop conservateurs.

Nous avons fini par aller en Australie, qui était déjà l’un des meilleurs pays fabricants de ferry à grande vitesse en aluminium.
Les mêmes principes s’appliquent, après tout. L’eau ne sait pas s’il s’agit d’un ferry ou d’un bateau.

Quelles sont vos sources d’inspiration dans le monde de l’architecture ?

J’étais à un dîner à St-Moritz il y a quelques semaines, avec Norman Foster [architecte britannique] qui est une grande inspiration pour moi. La banque qu’il a conçue à Hong-Kong il y a près de 30 ans est toujours l’un de mes bâtiments préférés dans le monde ; il pourrait dater d’hier.

Je pense aussi que Philippe Starck [architecte et décorateur d’intérieur français] est inspirant : il priorise les choses d’une manière différente de la mienne en matière de praticité mais les résultats sont souvent cool, comme dans le cas du nouveau superyacht A. Il ne laisse personne indifférent.

Je pense qu’il est bien plus intéressant de créer des choses que les gens aiment ou détestent.

Silver Fast est actuellement en vente via le site Burgessyachts, pour 79,5 millions d’euros.

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