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Prométhéens VS Pastoralistes : Le Progrès Technologique Est Inéluctable

Cette semaine nous publions la 4ème partie de l’essai Breaking Smart, essai écrit par Venkatesh Rao, et supervisé par Marc Andreessen. Vous pouvez également retrouver la première partie avec l’intervention de Stéphane Distinguin Fondateur de FABERNOVEL ici, la seconde partie avec l’intervention de Dominique Piotet ici et enfin la troisième partie avec Habib Guergachi ici. A la fin de cet extrait du 2ème chapitre,  vous pourrez lire ci-dessous un commentaire de Clément Alteresco, CEO de bureauxàpartager.

En matière de technologies, le monde se divise en deux : il y a ceux qui croient les gens capables de changer en profondeur et ceux qui n’y croient pas. La philosophie des prométhéens est que face au progrès technique, l’humanité change. Elle le peut et elle le doit. Les pastoralistes quant à eux considèrent le changement comme une dégradation. L’opposition entre ces deux conceptions débouche sur un processus de diffusion des progrès technologiques qui est parfaitement résumé par une maxime bien connue dans le monde des start-up : d’abord ils vous ignorent, ensuite ils se moquent de vous, après ils vous combattent, et enfin vous gagnez.

L’auteur de science-fiction Douglas Adam s’est mis du côté de l’utilisateur et a résumé ce phénomène en trois aphorismes sarcastiques :

  1.     Tout ce qui est sur terre le jour de votre naissance est normal et ordinaire ; ce n’est qu’un rouage dans le fonctionnement naturel du monde.
  2.     Tout ce qui est inventé lorsque vous avez entre quinze et trente-cinq ans est nouveau, passionnant et révolutionnaire et vous pourrez peut-être en faire un métier.
  3.     Tout ce qui est inventé après vos trente-cinq ans est en contradiction avec l’ordre naturel des choses.

Comme ces dictons le suggèrent, le progrès technologique est en quelque sorte inévitable et il y a une certaine naïveté dans certaines formes de résistance.

Pour comprendre pourquoi il en est ainsi, il faut prendre en compte l’idée que le progrès technologique est dépendant d’une trajectoire à court terme mais pas à long terme.

Une fois découvertes, les possibilités technologiques les plus importantes sont systématiquement exploitées de façon à pousser leur potentiel au maximum. Tant que la moindre possibilité n’a pas été exploitée au maximum de son potentiel, on se bat et on s’adapte de façon étonnante pour la mettre à profit. Tout cela ne demande qu’une chose : un horizon exaltant fait de bidouillage permanent et un certain nombre de systèmes de valeurs qui doivent exister quelque part dans le monde.

Certaines idées peuvent échouer. Certains usages peuvent ne pas s’imposer. Localement, des tentatives de résistance peuvent réussir, comme l’existence des Amish le démontre. Certains individus peuvent s’opposer à l’obligation de s’adapter au changement. Des nations entières peuvent décider de ne pas explorer certaines possibilités. Mais très souvent les technologies majeures s’imposent rapidement d’elles-mêmes, apportent des changements d’une certaine ampleur et les révolutions sociétales qui vont avec. Ce résultat non prévisible explique que durant les périodes de progrès technologiques rapides il semble y avoir une sorte de « bon côté de l’Histoire ».

Savoir comment, quand, où et grâce à qui une technologie va exprimer le maximum de son potentiel est une question de sentier de dépendance. Se battre pour deviner la bonne réponse est l’affaire des entrepreneurs et des financiers. Mais une fois que les réponses auront été trouvées, le chemin improbable qui conduit du « bizarre » à la « normalité » sera largement oublié et rétrospectivement, tout le monde considérera la transformation sociétale profonde qui en aura résulté comme inéluctable.

Saison 1 dans sa version intégrale en cliquant ici

 

Commentaire de Clément Alteresco, CEO de bureauxàpartager

« Ce texte pose des bonnes questions. Pourquoi une évolution technologique réussi à s’imposer ou reste dans un carton ? Une fois une technologie adoptée par le plus grand nombre, comment peut-elle changer, impacter, la vie des gens ? Ces questions sont primordiales pour toute personne cherchant à comprendre les implications qu’aura la 3e révolution numérique. Une révolution dont nous vivons à peine les prémices.

Et cette révolution peut faire peur : sommes-nous en train de créer un monstre incontrôlable ? Le monde est à l’aube d’une nouvelle (r)évolution technologique, celle de l’intelligence artificielle. L’AI, pour les intimes. Cette technologie risque d’avoir 10 fois plus d’impact sur le secteur des services que n’en a eu la robotisation sur le secteur industriel. Sa portée est imprévisible. Et pourtant, tout concorde à dire que l’AI pourrait mettre 50% de la population au chômage. Après les cols bleus dépossédés de leur jobs par les machines et la mondialisation, c’est au tour des cols blancs de se faire balayer par les « BOT ». Un petit nom sympathique qui cache une grosse avalanche.

Ce qui m’intéresse vraiment dans ce texte, c’est la notion de « trajectoire court terme » d’un progrès technologique. Effectivement, comme l’explique l’extrait, le modèle capitaliste dans lequel nous baignons conditionne le succès d’une évolution technologique. Ce sont les entrepreneurs et les financiers qui vont décider d’investir ou pas, de prendre un risque ou non. Donc si une technologie est intéressante pour l’humanité mais ne sert pas les intérêts du capital elle aura le plus grand mal à s’imposer à court terme et devenir « global ». C’est donc l’intérêt économique d’une technologie qui en détermine son succès global ou non. Un intérêt qui ne sera pas toujours aligné avec l’intérêt de notre espèce.

Cette notion d’alignement des intérêts ; entre celui du capital et celui de l’espèce humaine est la question centrale puisqu’elle implique la notion de régulation du progrès technologique. Un point clé qui rejoint un sujet que j’affectionne particulièrement : le développement durable. Et je me pose la question suivante : si nous avions su avec certitude il y a 50 ans que nous allions détruire notre planète avec ce modèle de développement, aurait-on réussi à le réguler plus tôt ? Pas sûr. Le capital est efficace et la coopération internationale compliquée.

Et si je vous disais maintenant que dans 50 ans l’AI pourrait prendre le contrôle et asservir les humains ? Oui oui, comme dans Terminator. Vous rigolez ? Pas moi. Même si nous parlons de 1% de chance, cette possibilité existe. Nous sommes en train de créer des machines capables d’apprendre à penser par elles-mêmes. Elles gagnent aux échecs, au jeu de Go, au poker.. A quel moment serons-nous incapable de distinguer la pensée d’une machine avec celle d’un humain ? A quel moment le robot prendra-t’il conscience de son propre interêt et plus celui de son créateur ? Référence à l’excellent film Ex-Machina. Bref. Si nous laissons les intérêts court terme du capital prendre le dessus sur les intérêts de notre espèce humaine, nous pourrions, dans 50 ans, avoir une mauvaise surprise. Aïe, c’est trop tard. »

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